Quel nouveau modèle de régulation pour les aéroports français ?

A quoi ressemblera la régulation aéroportuaire en France dans les prochaines années ? Depuis le choc du Covid, la question taraude le secteur, soucieux de savoir comment seront orchestrées les relations entre les grands aéroports français et les compagnies aériennes, notamment sur la question tarifaire. La réponse, ou du moins une partie, devrait être apportée par Clément Beaune, ministre des Transports, vendredi à l'occasion du congrès de l'Union des aéroports français (UAF).
Léo Barnier
L'aéroport de Toulouse fait partie des plateformes concernées par la régulation.
L'aéroport de Toulouse fait partie des plateformes concernées par la régulation. (Crédits : Philippe Garcia Aéroport Toulouse-Blagnac)

Voici deux ans que la question de la régulation anime les conversations entre aéroports et compagnies aériennes. Elle pourrait enfin se régler ce vendredi avec l'intervention de Clément Beaune au congrès de l'Union des aéroports français (UAF). Le ministre délégué chargé des Transports doit en effet rendre ses arbitrages après les très nombreuses prises de positions des différentes parties prenantes.

Clément Beaune doit ainsi composer avec le chantier mené par Thomas Juin, président de l'UAF et de l'aéroport de La Rochelle, et Pascal de Izaguirre, président de la Fédération nationale de l'aviation marchande (Fnam qui représente les transporteurs) et de Corsair, pour trouver un terrain d'entente et qui ont abouti à la définition d'une note commune remise cet automne, les demandes du Syndicat des compagnies aériennes autonomes (Scara) présidé par Jean-François Dominiak, les recommandations de l'Autorité de régulation des transports (ART) formulées ou encore les travaux de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Et preuve s'il en est que le sujet fait l'objet d'enjeux majeurs pour le paysage du transport aérien français, l'Association internationale du transport aérien, la puissante Iata qui représente la plupart des compagnies mondiales, s'est récemment positionnée sur le sujet.

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La fin de la caisse unique ?

Il s'agit en effet de définir quel sera le modèle économique et le développement des grands aéroports français, dépassant les cinq millions de passagers, et quelles seront leurs relations avec les compagnies aériennes pour définir les niveaux tarifaires. Si, à en croire Thomas Juin, « tout le monde s'accorde sur la nécessité de faire évoluer le cadre réglementaire », certains points vont obliger Clément Beaune à trancher dans le vif.

Dans ce contexte, le principal point de friction est le système de caisse : la « caisse simple » où toutes les recettes aéroportuaires sont mélangées et peuvent s'équilibrer, défendue par les compagnies aériennes, et la « double caisse », voulue par les aéroports, qui permet aux gestionnaires d'aéroports de séparer les revenus aéronautiques (redevances aéroportuaires) des revenus extra-aéronautiques (commerces, hôtels, restaurant et parkings). Ces derniers, très lucratifs, ne sont ainsi pas intégrés au périmètre régulé et ne rentrent pas en ligne de compte au moment de calculer les redevances aéroportuaires. Ce système de double caisse ne concerne aujourd'hui que les aéroports de Paris et Nice.

Dans cette opposition, une voie médiane pourrait se dégager, celle de la « caisse aménagée ». Elle est notamment mise en avant par l'ART, qui la définit comme le reversement d'une partie des bénéfices économiques générés par les activités commerciales vers les activités aéronautiques. Si le principe semble acceptable pour l'UAF, il faudra convaincre les compagnies aériennes. Le Scara a pour sa part déjà fait savoir son opposition à une telle mesure, estimant que la caisse unique doit rester la règle pour tous les aéroports français. Pour la Fnam, Pascal de Izaguirre n'a pas souhaité s'exprimer sur ce sujet spécifique, indiquant seulement que les « discussions avec l'UAF s'étaient très bien passées », même s'ils « ne se sont pas mis d'accord sur tout ». Ce sera en tout cas l'occasion de voir les résultats du « dialogue constructif » entre les deux institutions, tel que le décrit Thomas Juin.

Quoi qu'il en soit, tout dépendra des modalités qui seront avancées, notamment le taux de reversement des revenus commerciaux vers la caisse aéronautique. L'ART préconise un taux d'au moins 50 % défini au préalable par un contrat de régulation économique (CRE) pluriannuel. Sans accord préalable, l'ART préconise un taux remontant vers les 100 % pour inciter à l'institution de CRE.

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Consensus autour des CRE

Les CRE apparaissent comme l'autre point essentiel. Ils constituent d'ailleurs la recommandation générale n°1 de l'ART - au nombre de quatre, déclinées en 19 recommandations opérationnelles - qui estime qu'ils doivent devenir le principe et l'homologation annuelle l'exception. Sur ce point, Thomas Juin se veut confiant, estimant qu'il y a une convergence des parties sur le fait que « les CRE doivent revenir au centre de la régulation », pour redonner de la visibilité aux aéroports comme aux compagnies aériennes. D'ailleurs, le Scara semble lui aussi favorable à la mise en place systématique des CRE pour les aéroports de plus de 5 millions de passagers.

En effet, ces contrats de régulation, qui permettent de définir à l'avance l'évolution des redevances en tenant compte des prévisions de coûts, de recettes, d'investissements et des objectifs de qualité de service rendus par le gestionnaire aéroportuaire, ont été mis de côté depuis la survenue du Covid en mars 2020. La rupture totale que constituait la pandémie, avec la mise à l'arrêt du transport aérien, les rendait de fait caducs. Depuis, le manque de visibilité dans un secteur en reconstruction a empêché leur remise en place, chaque aéroport fixant ses tarifs d'une année sur l'autre. La solidité de la reprise permet à nouveau de se projeter et donc de rétablir le principe de contrats pluriannuels.

Il faut désormais en définir les modalités. L'ART veut ainsi y inclure des incitations sur la performance financière et la qualité de service. Elle prône aussi des contrats de cinq ans au maximum, ce qui correspond à la pratique qui était en vigueur pour les aéroports parisiens, niçois et lyonnais. De son côté, Thomas Juin préconise même d'aller sur des périodes encore plus longues pour gagner encore en visibilité. Surtout, il appelle à une simplification du processus, aujourd'hui complexe et fastidieux comme le rappelait Pascal de Izaguirre en juin dernier avec «18 à 24 mois » de travail.

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Vers des Cocoéco renforcées

Pour le président de l'UAF, ce retour des CRE n'est pas contradictoire avec la volonté affichée tant par lui-même que son homologue de la Fnam de renforcer le rôle des commissions consultatives économiques, les fameuses « Cocoéco », pour accroître les possibilités de concertation entre aéroports et compagnies aériennes et renforcer la transparence, sans avoir besoin de recourir systématiquement à l'arbitrage de l'ART.

Cela rejoint, là aussi, les deux dernières recommandations de l'Autorité de régulation. La première porte sur l'amélioration de la représentativité des compagnies aériennes au sein des Cocoéco, la deuxième sur la mise en place d'une régulation différenciée pour les aéroports avec des enjeux moindres où l'ART n'interviendrait qu'en cas de désaccord. Le Scara semble là aussi relativement aligné avec l'Autorité de régulation, dont il souhaite par ailleurs le « renforcement des pouvoirs », notamment sur les textes réglementaires.

Léo Barnier

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Commentaires 2
à écrit le 26/11/2023 à 4:08
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le mieux c'est de faire des aéroports "libérés" c'est à dire sans cadres juste du personnel bien payé et pareil et avec une prime annuelle liée à la performance. Tout l'inverse de Lyon par exemple ou trop de personnels pas forcément très couteux ont ...

à écrit le 23/11/2023 à 19:46
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Ma rengaine habituelle...trop d'avions pour des activités ludiques sans commune mesure avec la réalité écologique économique, sociale, environnementale. Un désastre!

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