La croissance du trafic aérien français et européen va-t-elle bientôt atteindre un plafond ?

Quand l'Europe va-t-elle retrouver son niveau de trafic de 2019 ? Au rythme actuel de la reprise, marquée par les très bons résultats de cet été, cela pourrait arriver dès l'an prochain. Pourtant de premières inquiétudes commencent à poindre chez les dirigeants du transport aérien français. S'il est trop tôt pour parler de ralentissement, la dynamique pourrait commencer à s'effriter.
Léo Barnier
Le long-courrier va continuer de tirer la croissance cet hiver.
Le long-courrier va continuer de tirer la croissance cet hiver. (Crédits : Reuters)

[Article publié le 8 novembre à 14h43, mis à jour le 9 novembre à 11h03 avec une correction sur les surcoûts possibles liés aux politiques environnementales européennes]

Jusqu'ici tout va bien. Réunis à l'occasion d'une conférence de presse de la Fédération nationale de l'aviation marchande et de ses métiers (Fnam), les patrons et représentants des principales compagnies françaises se sont réjouis de la reprise constatée au cours de l'année 2023, marquée par un été de belle facture. Pourtant, de premiers questionnements commencent à poindre sur la durée de la dynamique de croissance actuelle qui résistait à tous les vents contraires économiques et géopolitiques jusqu'ici.

Changement de dynamique

« La vie n'est pas un long fleuve tranquille et nous sommes dans un environnement un peu tendu », alerte Marc Rochet, qui vient de laisser la présidence des compagnies Air Caraïbes et French Bee. Grand connaisseur du transport aérien, il partage son sentiment après la conférence World Connect organisée par le groupe APG (qui représente 25 compagnies) la semaine dernière : « Nous y avons croisé pas mal de compagnies aériennes. Et nous voyons quand même sur l'hiver, et au-delà de l'hiver, une légère baisse sur la dynamique des engagements. Nous ne sommes pas sur ce que nous avons connu au printemps dernier. »

« Nous commençons bien à voir des limites. Nous n'avons pas le même enthousiasme pour l'hiver, saison traditionnelle des destinations soleil, que ce que nous avions pour cet été. Cet été, les gens voulaient voyager », ajoute encore Marc Rochet. Plus qu'un réel repli du marché, il semble surtout préoccupé par ce changement de dynamique. Ainsi, il reconnaît que, pour l'instant, le niveau de réservations reste plutôt bon sur l'hiver avec des prix élevés.

Lire aussiLes acteurs du fret aérien restent confiants, à condition d'évoluer

Un hiver encore ambitieux

L'inquiétude semble d'ailleurs relativement modérée pour le moment, en particulier chez Air France. S'il reconnaît des incertitudes en raison de l'inflation, notamment un coût du carburant en hausse de 40 % sur les trois derniers mois, ou du contexte géopolitique, Alain Bernard, directeur général adjoint en charge des opérations et du cargo, affirme que la compagnie « a maintenu l'ambition de poursuivre la reprise de l'activité sur l'hiver, toujours tirée par la performance du long-courrier ».

Elle va ainsi renforcer son programme intercontinental cet hiver pour arriver à 98 % du niveau de 2019 (95 % cet été, 88 % en 2022). Comme l'explique Alain Bernard, l'Amérique du Nord se montre encore très dynamique, d'où une hausse de capacité de 20 % cet hiver par rapport à 2019. Dans le même temps, l'Asie, avec la Chine, le Japon et la Corée, est en pleine reprise avec une offre en croissance de 60 % par rapport à l'hiver dernier.

Sur le moyen-courrier, le dirigeant d'Air France est en revanche moins enthousiaste avec une situation toujours très compliquée sur le domestique. « Nous avons un problème de baisse de la fréquentation. Pour ne donner qu'un chiffre, les allers-retours dans la journée sur notre réseau domestique ont baissé de 60 % par rapport à 2019. » D'où, selon lui, la décision d'Air France de quitter l'aéroport de Paris-Orly en 2026.

Lire aussiAir France quitte Orly : la fin d'une certaine idée de l'aménagement du territoire

Un rattrapage qui peut encore durer

A plus long terme, c'est avant tout l'incertitude qui règne. Romain Schulz, chargé de mission sur l'économie et le développement durable au sein de la Fnam, s'appuie ainsi sur les projections de trafic (en nombre de mouvements) faites tous les six mois par Eurocontrol. Celles-ci oscillent entre trois scénarios. Le premier, pessimiste, affiche une croissance moyenne de 0,2 % par an jusqu'en 2029, qui ne permet pas de retrouver le niveau de trafic de 2019. Le deuxième, « de référence », fait état d'une hausse de 1,6 % par an avec un retour à niveau d'avant crise en 2025. Le dernier, optimiste, table sur une croissance annuelle de 2,9 % et un rattrapage de 2019 dès l'an prochain. Des écarts importants qui font dire au chargé de mission que « les incertitudes sont très fortes ».

Parmi les facteurs d'inquiétudes pour les dirigeants de la Fnam, l'environnement économique revient en premier lieu. Ils mentionnent ainsi les prévisions de croissance revues légèrement à la baisse pour les pays du G20, et surtout « un contexte général d'inflation », tel que le décrit Marc Rochet. Même si la Fnam estime que le pic d'inflation global a désormais été atteint, elle s'inquiète encore de ses conséquences encore bien présentes.

Lire aussiLe plan B de Corsair après son mariage raté avec Air France-KLM cet été

L'inflation se fait encore sentir

Cette inflation se retrouve au niveau des charges des compagnies, notamment sur la facture carburant en dépit des politiques de couvertures, mais aussi dans le coût de la main-d'œuvre ou de la maintenance. A cela s'ajoutent les hausses de taxes et de redevances, déplore Marc Rochet. Une part importante de ces hausses de coûts a donc été répercutée sur les prix des billets d'avion, « qui conditionnent la relation fondamentale (des compagnies aériennes) avec leurs clients », explique-t-il ainsi.

Le dirigeant estime néanmoins que cette hausse tend à se ralentir depuis cet été. Il imagine même une possible légère décrue en fonction de l'évolution des capacités, sauf nouvelle envolée des coûts du pétrole. « A un moment, cela jouera sur les trafics, prévient Marc Rochet. Ce n'est pas le cas pour l'instant, les gens ayant encaissé la hausse des prix. Nous avons eu, nous et nos concurrents directs, de très bons remplissages cet été. Mais les perspectives pour l'avenir ne sont pas aussi certaines. Si le pétrole monte à 1.500 dollars la tonne, je peux vous dire qu'il va y avoir un effet de contraction sur le trafic et à partir de là un problème de capacités. »

D'autant que cette inflation pèse aussi sur les capacités d'investissement des entreprises (avec la remontée des taux d'intérêt pour juguler la hausse des prix), ainsi que sur les ménages. La Fnam parle ainsi d'un « avenir risqué et incertain pour le pouvoir d'achat des citoyens européens ».

Lire aussiLe gouvernement taxe les autoroutes et les grands aéroports au nom du climat

Politique et géopolitique

A ce contexte général, Pascal de Izaguirre, président de la Fnam et de Corsair, ajoute les taxes spécifiques au transport aérien dont celle sur les infrastructures de transport de longue distance, qui pèsera sur l'écosystème à hauteur de 600 millions d'euros d'ici 2027. Romain Schulz, parle ainsi « des incertitudes sur la politique environnementale européenne des prochaines années et qui auront un impact conséquent sur les prix ». Il inclut dans cela les surcoûts dus à l'intégration des carburants d'aviation durables (SAF), à la directive européenne de taxation de l'énergie (ETD, qui n'est pas encore en vigueur), à la compensation des émissions de gaz à effet de serre sur les vols domestiques en France, et enfin au système de quotas carbone européen (ETS). Selon les calculs de la Fnam, cela pourrait générer à l'horizon 2031 une hausse totale du prix du billet comprise entre 30 et 50 % pour un vol entre Paris et La Réunion.

Pascal de Izaguirre mentionne enfin les très fortes tensions géopolitiques actuelles qui « peuvent jouer ». « Les gens peuvent avoir un réflexe prudent et rester chez eux, limiter leurs déplacements ou partir dans des destinations assez proches, un peu plus sûres, un peu plus connues », conclut ainsi le patron de la Fnam.

Léo Barnier

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 09/11/2023 à 8:08
Signaler
Que le seigneur vous accord une longue vie se régner longtemps en plus la sagesse qu'il vous faut pour faire beaucoup plus épanouir la société merci et soyez béni mais je suis à la recherche de job j'ai juste le bac j'ai 32 ans aidé moi pour cette fo...

le 09/11/2023 à 18:09
Signaler
Je vous encourage à vous rapprocher d'une association d'aide aux demandeurs d'emplois qui vous aidera à rédiger CV et lettre de motivation qui à n'en pas douter retiendront l'attention de recruteurs en manque de candidats .

à écrit le 08/11/2023 à 18:59
Signaler
Pas de commentaire pas étonnant avion égal ecocide

à écrit le 08/11/2023 à 18:59
Signaler
Pas de commentaire pas étonnant avion égal ecocide

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.