L'annonce est tombée ce matin : Vinci Autoroutes, qui dispose du réseau le plus dense de France, va augmenter, de nouveau, les tarifs de ses péages le 1er février prochain. La hausse, qui restera « la plus faible du secteur » selon la société, sera, en moyenne, de 2,7%.
Et ce alors que le Conseil constitutionnel a confirmé, le 28 décembre, la constitutionnalité de la taxation sur l'exploitation des infrastructures de transport de longue distance. Inscrite dans le budget 2024 de l'Etat pour financer la transition écologique, la mesure suscite la colère de Vinci.
Un « coup tordu » ?
Lors d'un déjeuner avec la presse le 12 janvier, le président-directeur général du groupe de BTP et de concessions, Xavier Huillard, a qualifié la taxation de « coup de canif sur les autoroutes ». Et pour cause : avec 4.443 kilomètres en concession via ASF, Cofiroute, Escota, Arcour et Arcos, sa facture s'élève à 285 millions d'euros.
« Ce n'est pas le moment de faire des coups tordus », a poursuivi le patron de la major cotée au CAC 40, rappelant que le coût de décarbonation des autoroutes est de l'ordre de 5.000 à 6.000 euros par kilomètre.
« Les Etats, et pas seulement la France, vont se rendre compte que les capex (dépenses d'investissement) sont gigantesques et qu'ils ne vont pas y arriver seuls. Allongeons plutôt la durée de vie des concessions », a prêché, pour sa propre paroisse, Xavier Huillard.
Quel recours devant le Conseil d'Etat...
Il n'empêche : Vinci sera obligée de payer la note dès lors que le décret d'application de la loi de finances 2024 sera publié au Journal officiel. Le PDG de la multinationale a donc annoncé, mi-janvier, aux journalistes qu'il ferait un contentieux au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif.
Au Conseil d'Etat d'abord, Vinci peut en effet contester le décret d'application - dans les deux mois suivant sa parution - selon les principes d'égalité devant les charges publiques, mais le groupe a peu de chances d'être suivi.
Le Conseil Constitutionnel a en effet déjà déclaré la loi conforme à la Constitution, rappelle maître Maxime Seno, avocat associé au cabinet Veil Jourde et directeur du département Droit public économique.
...et le Tribunal administratif ?
Au Tribunal administratif, Vinci a la possibilité de contester l'application même de cette contribution nouvelle en reconnaissance de la clause de stabilité fiscale.
Autrement dit, lorsque l'Etat a concédé en 2006 les autoroutes aux acteurs privés, il leur a assuré une stabilité fiscale le temps des concessions afin de ne pas entraver leurs investissements.
D'autant qu'au TA, la procédure peut durer cinq à six ans. Dans l'intervalle, Vinci devra continuer à s'acquitter des sommes réclamées par l'Etat, tout en maintenant ses investissements dans les autoroutes.
Les autoroutes vont-elles bientôt coûter plus cher ?
Tant est si bien que selon maître Seno, « c'est une petite bombe à retardement pour l'usager ». « Dans cinq-six ans, les autoroutes vont coûter beaucoup plus cher », assure encore cet avocat associé au cabinet Veil Jourde et directeur du département Droit public économique.
Les automobilistes circulant sur les infrastructures de Vinci ne devraient pas être les seuls à subir l'explosion des tarifs de péage. Après la présentation de la taxe en Conseil des ministres le 27 septembre dernier, Eiffage s'y était, lui aussi, publiquement opposé, brandissant cette menace en vue de compenser le manque à gagner.
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