
Changement d'époque pour la bonne vieille autoroute de l'Ouest. Dans un peu plus d'un an, la plus ancienne des autoroutes françaises basculera dans l'ère du flux libre. Au passage, elle deviendra le premier axe « historique » complet à adopter ce système connu depuis une trentaine d'années à l'étranger mais encore marginal dans l'hexagone. Pour l'instant, il n'est en vigueur que sur une petite portion de l'A4 en Moselle et sur les 80 kilomètres de la nouvelle A79 entre Sazeret (Allier) et Digoin (Saône-et-Loire).
Une promesse de décongestion
Son déploiement sur les 210 kilomètres très fréquentés qui séparent Paris de Caen marque donc un changement d'échelle. « Ce très gros projet de transformation va radicalement changer l'usage de l'autoroute et contribuer à faire connaître aux Français à ce que les Anglo-Saxons appellent le free flow », veut croire Josalito Bellet, responsable du projet flux libre au sein de la Sanef, le concessionnaire en charge de l'A13. Concrètement, la filiale du groupe Abertis a commencé le montage des portiques qui surmonteront les voies en remplacement des 14 barrières de péage qui jalonnent l'A13/A14 (5 en pleine voie, 9 aux embranchements).
Bardés de caméras et de lecteurs de badges, les dits portiques seront capables d'identifier « 99,9% » des véhicules sans que les conducteurs aient besoin de ralentir ni de marquer l'arrêt. A la clef, « un gain de temps d'une demie heure entre Paris et Caen lors des week end les plus chargés », assure François Cornier, responsable de la construction. Pour enfoncer le clou, l'intéressé rappelle qu'à Londres où la Sanef a installé le même système sur le Dartford Crossing, le plus grand péage d'Europe, « le flux libre a décongestionné la circulation de façon spectaculaire ».
Un nouveau mode de paiement
Reste la question plus sujette à récriminations du paiement. Comme dans la capitale britannique, il s'effectuera après le trajet. Trois formules seront possibles. Soit un règlement automatique via le badge télépéage. Soit après une inscription du véhicule et des coordonnées bancaires sur le site Sanef.com. Soit enfin dans le réseau des bureaux de tabac où a été noué un accord avec Nirio, la jeune filiale de la Française des Jeux spécialisée dans « le paiement de proximité ». En revanche, la Sanef a renoncé à installer des bornes en sortie, comme c'est pourtant le cas sur l'A79 et l'A4. « C'est confusant pour les automobilistes », constate Josalito Bellet.
Pour autant, le concessionnaire est conscient que ce nouveau mode de paiement risque de susciter quelques incompréhensions notamment chez les clients « très occasionnels » de l'A13 qu'il chiffre « à plus du tiers des usagers ». A l'instar des deux axes où le flux libre est en place, le principal point de crispation risque d'être le délai maximum de 72 heures imposé pour le règlement du péage. Délai qui figure en toutes lettres dans la loi d'orientation des mobilités (LOM). L'oublier coûtera aux automobilistes 10 euros supplémentaires s'ils règlent leur dû dans les 15 jours, 90 euros dans les deux mois et jusqu'à 375 euros si le dossier est transmis aux services de l'Etat chargés du recouvrement passés 63 jours. « Dans ce dernier cas, l'argent aboutira dans les caisses de l'Etat qui a déterminé le régime de sanctions dans la LOM », précise expressément Josalito Bellet.
Un usager averti en vaut deux
Sans doute échaudée par la contre publicité qui lui est faite sur l'A4 par des usagers mécontents, la Sanef a prévu de « beaucoup communiquer » pendant les treize mois qui nous séparent de l'entrée en vigueur du dispositif. « Notre challenge est de mieux faire comprendre le flux libre que l'Etat veut voir installé sur toutes les autoroutes neuves », soulignent ses représentants. Le Francilien en route vers Deauville va donc voir fleurir bientôt une multitude de nouveaux panneaux de signalisation, le long de son trajet pour expliquer les travaux en cours. En complément, un centre d'appel de 250 personnes devrait être créé « quelque part en Normandie ».
L'enjeu n'est pas mince pour la filiale du groupe Abertis qui commercialise déjà son système de free flow à travers le monde mais semble se méfier de l'irascibilité légendaire de l'automobiliste français. Rappelons que huit millions de véhicules empruntent chaque année l'A13/A14, jusqu'à 120.000 par jour sur les sections les plus fréquentées.
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