Le gouvernement taxe les autoroutes et les grands aéroports au nom du climat

Le gouvernement a annoncé une taxe sur les concessions autoroutières et les aéroports qui permettrait de générer 600 millions d'euros annuels à l'Etat. Cette mesure servira notamment à financer le plan d'avenir pour les transports. Coté aéroports et autoroutes, on craint au contraire un ralentissement des investissements dans la décarbonation. Pour amortir cette taxe, les entreprises pourraient la répercuter sur le prix aux voyageurs.
Les concessions autoroutières Vinci, Eiffage ainsi que l'espagnol Abertis détiennent à elles seules 92 % du chiffre d'affaires global et dont les bénéfices ont atteint 3,9 milliards d'euros en 2021, selon l'Agence de régulation des transports (ART). (Photo d'illustration)
Les concessions autoroutières Vinci, Eiffage ainsi que l'espagnol Abertis détiennent à elles seules 92 % du chiffre d'affaires global et dont les bénéfices ont atteint 3,9 milliards d'euros en 2021, selon l'Agence de régulation des transports (ART). (Photo d'illustration) (Crédits : © Eric Gaillard / Reuters)

Chose promise, chose due. Comme annoncé par le ministre des Transports, Clément Beaune, les secteurs considérés comme les plus polluants vont être soumis à une nouvelle contribution fiscale dans le cadre du projet de loi de finances 2024 (PLF). En l'occurrence, la cible choisie concerne les « grandes exploitations d'infrastructures de transport de longue distance » au premier rang desquelles se trouvent les concessions autoroutières et les aéroports. Les ports semblent en revanche épargnés. Cette nouvelle taxe, qui devrait générer 600 millions d'euros annuels, servira à financer le « plan d'avenir pour les transports » lancé par la Première ministre Elisabeth Borne en février, afin de soutenir principalement le développement du secteur ferroviaire.

Cette taxe portera sur les revenus d'exploitation des infrastructures de transport qui dépassent les 120 millions d'euros. En clair, seul le chiffre d'affaires au-delà de ce plafond sera taxé : un aéroport réalisant 123 millions d'euros de revenus ne sera assujetti à la taxe que sur 3 millions d'euros. Les revenus tirés du transfert des missions régaliennes par l'Etat aux exploitants ne sont pas compris dans ce calcul, à l'instar des missions de sûreté et sécurité dans les aéroports.

Le PLF établit aussi que pour être assujetti à cette taxe, l'exploitant devra afficher une rentabilité nette de plus de 10 % sur les sept dernières années, selon une moyenne pondérée. Mais c'est bien une ponction sur l'activité qui sera pratiquée, et non sur les bénéfices. Ce qui risque de faire grincer quelques dents.

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4 sociétés aéroportuaires et 3 concessions autoroutières concernées

Cette formule remplace ainsi une possible taxe sur les concessions, dont la mise à contribution seule était jugée risquée dans sa mise en œuvre par le Conseil d'Etat il y a deux semaines, ainsi qu'une taxe directe sur les billets d'avions, poussée par Clément Beaune, mais qui avait fait long feu devant les objections de Bercy. Elle permet également d'inclure le groupe ADP (plus précisément sa filiale Aéroports de Paris SA, qui gère les aéroports parisiens) dans le périmètre de la taxe. Ce qui n'était pas garanti, les aéroports parisiens n'entrant pas dans la catégorie des concessions.

Au vu de ces critères, les aéroports de Nice, Marseille et Lyon devraient également être concernés. Pour les autoroutes, cela concernera notamment Vinci, Eiffage ainsi que l'espagnol Abertis qui détiennent à eux seuls 92 % du chiffre d'affaires global et dont les bénéfices ont atteint 3,9 milliards d'euros en 2021, selon l'Agence de régulation des transports (ART). Des « superprofits » pointés du doigt par le gouvernement cet été, mais justifiés par les sociétés d'autoroutes au titre d'investissements pour les années à venir.

Un taux retenu de 4,6 %

Malgré ces bénéfices, la facture risque d'être salée pour ces acteurs. Le taux retenu est de 4,6 %, ce qui doit permettre de générer environ 600 millions d'euros sur la première année d'application. Les concessions autoroutières seront les principales contributrices, à hauteur des trois-quarts de ce montant environ, soit environ 450 millions à payer. Pour l'heure, les sociétés autoroutières n'ont pas détaillé les répercussions éventuelles d'une telle taxe sur leurs résultats.

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Les aéroports devraient, pour leur part, verser entre 125 et 130 millions d'euros par an. Avec les deux plus gros aéroports de France, le groupe ADP sera le plus impacté. Cela pourrait se chiffrer dans la centaine de millions d'euros selon un connaisseur du dossier. Un calcul confirmé un peu plus tard par le gestionnaire des aéroports parisiens par le biais d'un communiqué de presse, qui estime pour l'année 2022, l'assiette de l'impôt aurait été de l'ordre de 2,2 milliards d'euros sur la base d'un chiffre d'affaires consolidé de 4,7 milliards d'euros, ce qui aurait donné « un impact d'environ 100 millions d'euros, sur les charges opérationnelles courantes (impôts et taxes) d'ADP SA, diminuant d'autant l'EBITDA (bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement, NDLR) du groupe ».

Une taxe malvenue pour l'aérien

Les trois aéroports régionaux, Nice en tête, apporteraient le reste de la somme. La contribution aéroportuaire globale devrait être de l'ordre de 500 millions d'euros sur les quatre prochaines années. Interrogé par La Tribune, Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français (UAF), a exprimé son opposition face à « ce grand retour des impôts sur le transport aérien, en contradiction avec la volonté du gouvernement d'accélérer la transition énergétique du secteur ».

« Alors que les aéroports sortent à peine d'une crise majeure du transport aérien, le gouvernement nous inflige un nouvel impôt. C'est un coup porté à la transition écologique du secteur aéroportuaire et à son attractivité. Privés d'une partie de leurs ressources, les aéroports vont devoir revoir leurs programmes d'investissement dans la transition énergétique avec des ralentissements. Et c'est aussi un très mauvais signal envoyé aux investisseurs privés, qui vont être essentiels pour le financement de la transition des aéroports », a déclaré Thomas Juin, président de l'Union des aéroports français et de l'aéroport de La Rochelle, à La Tribune.

Le son de cloche est identique chez Vinci Concessions. Son directeur général, Nicolas Notebaert, a déclaré à La Tribune que le monde aéroportuaire est « sous le choc » après cette annonce, que ce soit les grands aéroports, les aéroports régionaux ou leurs actionnaires publics et privés. Vinci Airports est gestionnaire de l'aéroport de Lyon-Saint Exupéry au sein d'un consortium avec la Caisse des dépôts, le Crédit Agricole, et aux côtés de la CCI de Lyon, de la métropole, du département et de la région.

Rappelant lui aussi la traversée du désert des aéroports pendant le Covid sans aides spécifiques, il estime que cette taxe « va à l'encontre de la décarbonation » avec un impact direct sur les capacités d'investissement et les mesures environnementales. Et il estime, rappelant que Vinci gère la ligne à grande vitesse Paris-Bordeaux, que cela n'amènera aucun passager supplémentaire vers le train.

L'UAF se réserve la possibilité d'un recours juridique. La décision sera prise dans les prochains jours. Ce sera aussi peut-être le cas du côté des autoroutes. En tout cas, cela n'étonnerait personne du côté du ministère des Transports.

Des répercussions aux voyageurs

Quid de la répercussion de cette taxe ? Concernant les autoroutes, elles supportent généralement les hausses et les baisses de la fiscalité générale (par exemple l'impôt sur le revenu). Toutefois, « en cas de modification, de création ou de suppression (...) d'impôt, de taxe ou de redevance spécifique aux sociétés concessionnaires d'autoroute », le Conseil d'Etat rappelle que les concessions d'autoroutes ont droit à « des mesures de compensation, notamment tarifaires ». Des propos qu'a confirmés le président de Vinci Autoroutes Pierre Coppey :

« Une hausse des taxes, c'est inévitablement une hausse des tarifs des péages. En France, la part des taxes dans le péage est déjà de plus de 40%. »

Une source interne rappelle que la hausse de 6,7 % du taux de la Taxe d'Aménagement du Territoire avait entraîné des hausses tarifaires additionnelles sur les péages appliquées en 2011 et 2012. Cette augmentation serait malvenue, à l'heure où les péages ont déjà augmenté de 4,75 % en février dernier. Bruno Le Maire, de son côté, a balayé cette hypothèse, déclarant que « les tarifs des péages, c'est nous qui les fixons » et qu'« ils n'augmenteront pas au-delà de ce qui est prévu par l'inflation ».

Ces mesures devraient également toucher les voyageurs aériens. Dans une interview à France Info la semaine dernière, Clément Beaune, se voulant « transparent », a déclaré que « dès qu'il y a une petite contribution du secteur aérien, il y a forcément un impact sur les billets d'avion. » Il a néanmoins annoncé que seules les liaisons vers les outremers et la Corse seraient préservées au nom « de la continuité territoriale et du service public ». Nicolas Notebaert ne dit pas autre chose. Outre l'impact sur les capacités financières des aéroports, il prévient que cela va aussi se répercuter sur les compagnies et a fortiori sur les passagers.

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De son côté, le groupe ADP a d'ores et déjà indiqué qu' « Aéroports de Paris SA prévoit de répercuter l'augmentation des charges régulées dans les tarifs de redevances », qui seront appliqués aux compagnies aériennes, sous réserve d'homologation par l'Autorité de régulation des transports (ART). Une hausse qui serait échelonnée sur deux à trois ans pour que l'effet soit moins abrupt pour les compagnies, mais qui finirait par se répercuter à un moment ou un autre sur les passagers. Malgré cela, le gestionnaire des aéroports parisiens estime que l'impact sur sa rentabilité opérationnelle serait encore de l'ordre de 90 millions d'euros en 2024 (sur une taxe estimée à 120 millions).

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Commentaires 7
à écrit le 28/09/2023 à 16:31
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AF toujours à se plaindre. Il est normal que les petits aéroports accueillant des compagnies low costs permettant aux pauvres d'accéder au tourisme de masse soient exemptés d'une nouvelle taxe et à contrario il est normal que les gros aéroports par ...

à écrit le 28/09/2023 à 8:14
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Comme toujours on augmente les taxes, toujours avec une bonne raison... hé bien on changera d aéroport, on n en manque pas en Europe, et au lieu de faire 2 aller retour par an, on ne en fera qu un, en restant plus longtemps a l étranger.... en sus on...

à écrit le 28/09/2023 à 8:12
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Et le transport routier qui massacre nos infrastructures ? On fait quoi on continue à faire semblant que tout va bien ? 44 tonnes ces aberrations, 44 tonnes.

à écrit le 27/09/2023 à 22:24
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Non, non, les péages n'augmenteront pas. Et d'ailleurs, la marmotte ..

à écrit le 27/09/2023 à 20:22
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Taxe, taxe, taxe. Hélas, la seule politique de ce gouvernement....comme je ne prends jamais les autoroutes, tous les utilisateurs vont encore trinquer. Il faudrait faire grève de la bagnole 48h....et vous verrez.

à écrit le 27/09/2023 à 20:21
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Taxe, taxe, taxe. Hélas, la seule politique de ce gouvernement....comme je ne prends jamais les autoroutes, tous les utilisateurs vont encore trinquer. Il faudrait grevé de la bagnole 48h....et vous verrez.

à écrit le 27/09/2023 à 18:26
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un grand classique de la france socialiste donc tolerante!!!!! trouver un percepteur qui ne porte pas ce nom!!! un notaire pour les droits de mutation, des proprietaires pour financer la renovation des ascenceurs de tous les hlm de france via la reno...

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