Après deux exercices dans le rouge, conséquences du mouvement de grèves (réforme des retraites, perte de 801 millions d'euros en 2019) et de l'impact catastrophique de la pandémie sur le trafic (trois milliards d'euros de pertes en 2020), l'heure est à la reprise pour la SNCF. Pour le groupe ferroviaire, elle s'annonce lente, difficile et perturbée par l'arrivée de nouveaux concurrents qui vont débarquer dans l'Hexagone avec l'ouverture du marché ferroviaire français. C'est dans ce contexte difficile que la SNCF sonne la riposte. Le géant ferroviaire a annoncé ce mardi 1er juin la mise en place d'un nouveau système de tarification des billets TGV et Intercités destiné à offrir une meilleure lisibilité de son offre à des voyageurs parfois décontenancés par la multitude des propositions. Surtout, elle vise à s'adapter aux réservations à la dernière minute, une tendance qui existait depuis plusieurs années mais qui s'est accentuée pendant la crise sanitaire.
Lisibilité et flexibilité des usages, cette nouvelle stratégie tarifaire veut casser l'image d'un "TGV cher" pour reconquérir son public. Car derrière cette proposition commerciale et marketing, c'est bien le volume que vise le PDG de la SNCF, Jean-Pierre Farandou, comme il l'expliquait en février : "On veut grignoter des parts modales supplémentaires sur la route", "2-3 points", qui représenteraient "20 à 30% de volume en plus". Mais avant d'atteindre cet objectif, l'entreprise doit retrouver le niveau de trafic sur les rails de 2019, espéré en 2023.
Plafonnement des prix en second classe
La premier axe de reconquête vise la clientèle loisir, le segment qui redémarrera le plus vite. L'entreprise annonce une plafonnement des prix de certains de ses billets pour les détenteurs de la nouvelle carte avantage (49€ l'année). Cette carte unique remplace les nombreuses déclinaisons (Week-end, famille, etc) et garantit des prix "accessibles", même à la dernière minute : 39 euros l'aller simple pour un trajet court ; 59 euros pour un trajet intermédiaire ; 79 euros pour les trajets longs. Les prix des billets enfant sont également plafonnés. Pour assurer la cohérence, la SNCF garantira, à partir du 17 juin, un prix en seconde classe inférieur à celui de la première. Ce n'était pas toujours le cas.
Plafonnement, cohérence et transparence. La SNCF annonce également la mise en place d'un indicateur des prix directement intégré à son site (dès le 17 juin) et à son application mobile (début juillet), permettant aux voyageurs de connaître le prix le plus bas et celui le plus haut pour chaque voyage en seconde classe.
Vers la fin du Yield management à la SNCF ?
Ce plafonnement des prix marque une rupture avec la stratégie de tarification à l'œuvre depuis plusieurs années, basée sur le Yield management. Importée par les compagnies aériennes, ce système de fixation des prix fondé sur la loi de l'offre et la demande permet d'optimiser les recettes. Dans un tel système, où la rareté se paye au prix fort, les dernières places en vente sont évidemment plus chères que les places disponibles à l'ouverture des réservations.
Pour répondre au défi du changement des habitudes des voyageurs, la SNCF proposera à partir du 17 juin, l'échange et le remboursement gratuits jusqu'à trois jours inclus avant le départ. La société ferroviaire acte ainsi les modifications testées lors de la crise sanitaire afin de faire face à l'incertitude de ses voyageurs.
Une économie annoncée de 40% sur le forfait pro
L'enjeu est également de reconquérir la clientèle affaires, qui a déserté les wagons depuis la généralisation du télétravail. La SNCF, qui a intégré dans ses modélisations pour l'année 2021 une perte allant jusqu'à 15% de cette clientèle, lance "mon forfait annuel télétravail". A partir de septembre 2021, il sera possible pour un professionnel d'effectuer jusqu'à 250 trajets par an pour un prix annuel de 3.732 euros (311 euros par mois), selon l'exemple d'un trajet récurrent Paris-Le Mans, en seconde classe. Comptez 5.736 euros (478 euros par mois) pour la première classe. Le voyageur ne pourra toutefois pas voyager le vendredi, ni le samedi et le dimanche. Selon la compagnie ferroviaire, cette offre propose une économie de 40% par rapport à son abonnement classique "Mon forfait annuel".
Enfin, la SNCF étend son dispositif TGVMax aux seniors. Initialement destiné aux jeunes de 16-27, cette carte d'abonnement au succès croissant sera proposée au plus de 60 ans au même prix que pour leurs cadets : 79 euros par mois.
Récemment, Jean-Pierre Farandou, le PDG de la SNCF, détaillait l'importance stratégique des "seniors actifs", qui constituent à ses yeux un "gisement important de trafic".
"Nous ne sommes pas assez orientés en matière de services sur ce segment de clientèle qui ne demanderait pas mieux que de prendre le train. À nous d'aller les chercher par des services de porte-à-porte, de prise en charge des bagages... On doit être plus à l'écoute de cette clientèle."
Reste à savoir si cette nouvelle tarification permettra à la SNCF d'assurer un revenu suffisant de son activité TGV - l'une des plus lucratives du groupe, alors que le gouvernement le presse de tenir ses objectifs d'équilibre financier, fixés par la loi de réforme ferroviaire de 2018. En contrepartie de la reprise par l'Etat de 35 milliards d'euros de dettes (25 milliards d'euros en 2020, le solde en 2022), la SNCF devait prendre les mesures nécessaires pour atteindre un "cash flow libre" en 2022.
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