
Après les cars Macron, bientôt les bus Durovray ? Missionné en octobre 2022 par Valérie Pécresse sur les lignes de bus express en Île-de-France, le président (LR) du conseil départemental de l'Essonne vient d'en dévoiler la méthode et l'ambition, lors d'un séminaire organisé ce 8 février au conseil régional d'Île-de-France.
« Ce matin, j'ai présenté ce que j'en ai compris et ce que j'en ai retenu pour m'assurer que j'étais bien dans les clous », explique François Durovray à La Tribune.
Et d'ajouter :
« Je n'ai pas répondu à la question "Qu'est-ce qu'une ligne de bus express?", mais un haut niveau de confort et une vitesse commerciale élevée me semblent en être les deux principaux critères », ajoute-t-il.
« En Île-de-France, les transports y sont plus qu'ailleurs un facteur d'inégalités »
Partant du principe que « les transports y sont plus qu'ailleurs un facteur d'inégalités », le président (LR) de l'Essonne planche en effet sur le développement du réseau de bus de lignes Express par le renforcement de lignes existantes ou la création de liaisons nouvelles.
« Cette mission a pour objectif de créer un système structurant de transport par bus express pour offrir, enfin, une alternative à la voiture aux Franciliens encore éloignés des transports publics », poursuit François Durovray.
La démarche reçoit le soutien de Karine Léger, directrice d'Airparif et autrice en 2021 d'une étude sur les émissions de polluants de l'air des bus en conditions réelles d'exploitation :
« Limiter le trafic routier et offrir une alternative a des effets positifs sur la qualité de l'air. A priori, c'est une bonne idée. »
77 lignes de bus déjà labellisées « Express »
Concrètement, à côté des bus, métro, RER et Transilien existants, et dans la perspective de l'entrée en service du Grand Paris Express, les bus express devront « assurer la connexion de la grande couronne [avec le réseau] dans une logique multimodale », précise le président (LR) de l'Essonne.
Aujourd'hui, il existe officiellement 77 lignes de bus labellisées « Express » en Île-de-France. Après avoir auditionné une trentaine de personnes - économistes, élus locaux, opérateurs, représentants de l'État -, François Durovray estime qu'il pourrait y en avoir une quarantaine supplémentaire, « des faisceaux origine-destination qui ne sont pas couverts pas les transports en commun et où il y a suffisamment de trajets domicile-travail ».
Par exemple, il existe « un vrai sujet » sur les deux aéroports d'Orly et de Roissy, dont les flux demeurent quasi-exclusivement automobiles du fait de l'amplitude horaire des travailleurs. Idem pour les zones économiques comme Saint-Quentin-en-Yvelines ou Massy-Palaiseau.
« Il y a sans doute des besoins à La Défense, mais nous ne savons pas encore comment faire arriver davantage de bus », enchaîne le patron du 91 et administrateur d'Île-de-France Mobilités (IDFM), François Durovray.
Et d'insister :
« De même qu'IDFM et la Société du Grand Paris devront travailler ensemble sur les flux qui existeront demain à Villejuif [croisement des futures lignes 14 Sud et 15 du Grand Paris Express, Ndlr], à Noisy-Champs [terminus commun des lignes 15 et 16] et à Saint-Denis-Pleyel [carrefour des lignes 14 Nord, 15, 16 et 17]. »
Des millions d'euros supplémentaires en fonctionnement
Reste la question du financement sur laquelle est également attendu le président de l'Essonne. Et ce, dans un contexte où Valérie Pécresse est obligée de négocier avec toutes les parties prenantes pour boucler son budget d'autorité organisatrice des transports.
Si, à date, il n'existe pas d'informations précises sur le coût au kilomètre, une ligne de bus express coûte, en moyenne, près de 1 million d'euros par an en fonctionnement. Un montant auquel il faudra ajouter de 4 à 5 millions d'euros supplémentaires pour aménager et entretenir, çà et là, de nouvelles gares routières où se croiseront automobilistes, cyclistes, piétons et usagers des bus et des trains avant de monter dans des bus express.
« Ce sont des lieux d'attente avec du chauffage, de la surveillance et potentiellement des commerces. Qui va les construire et les exploiter ? » s'interroge François Durovray.
En visite la semaine dernière à Madrid, il a observé comment six points terminaux faisaient converger 52 lignes de bus, 2.000 rotations et 120.000 passagers. « Il peut en en effet y avoir une voie avec plusieurs lignes de bus express, et pas nécessairement des voies réservées », souligne-t-il.
Un rapport final remis en mars prochain
Toujours est-il que François Durovray prévoit de rendre son rapport final en mars prochain. D'ores et déjà, Valérie Pécresse lui a promis d'inscrire ses recommandations à l'ordre du jour du conseil d'administration d'Île-de-France Mobilités avant l'été.
Cela tombe bien : la patronne (LR) du conseil régional sera alors en train de négocier avec le ministre des Transports Clément Beaune le budget 2024 de l'autorité organisatrice de transports (qui, pour rappel, était de 11 milliards d'euros en 2023). Un sujet qui n'est pas pour autant 100% francilien puisqu'il concerne également l'Alsace, Bordeaux et la Bretagne
En Alsace, une solution en attendant le retour du rail en 2025
En Alsace, le transport en bus s'impose déjà sur des moyennes distances dans des secteurs où l'infrastructure ferroviaire est inexistante. Le secteur péri-urbain à l'ouest de Strasbourg fait l'objet depuis 2009 d'un projet de transport en commun en autocar, pour lequel l'ensemble des collectivités défendent l'aménagement de voies de circulation en site propre. Ce TSPO (pour « transport en site propre ouest ») aménagé au long de l'ex-RN4 a déjà mobilisé un budget de 36 millions d'euros, financé par l'État (50%), la Région Grand Est (20,4%), par le département du Bas-Rhin (20,4%) et l'Eurométropole de Strasbourg (9,2%). Le chantier a été bouclé sur 25 kilomètres. L'entrée dans l'agglomération de Strasbourg, où l'insertion de la voirie en site propre sera plus délicate, n'a pas encore débuté.
« Le bus sera toujours la solution à privilégier lorsque la desserte ferroviaire n'est pas possible », observe Thibaud Philipps, vice-président chargé des transports au conseil régional du Grand-Est.
Et de rappeler :
« La ligne entre Troyes et Chalons en Champagne est opérée par bus parce que la ligne de chemin de fer a été fermée il y a plusieurs dizaines d'années. Le conseil régional opère des bus entre Nancy et Vittel, en attendant la remise en service de l'infrastructure ferroviaire prévue sur ouverture de la concurrence après 2025. »
Un service de transports en commun en bus est aussi envisagé dans le sillon lorrain (Nancy, Metz, Thionville), où le trafic est saturé sur la route (A31) et où le chemin de fer ne peut plus accepter de capacités supplémentaires. « Des travaux seront nécessaires sur l'A31 pour créer une voie dédiée au covoiturage et aux transports en commun », annonce Thibaud Philipps.
À Bordeaux, un essai concluant qui fait des petits
Dans la métropole girondine, la rocade devient très vite impraticable aux heures de pointe, engorgée par les flux de camions reliant l'Espagne au nord de l'Europe. Une batterie de mesures est à l'étude avec l'État et la Région pour tenter de fluidifier la zone dans le cadre plus large du projet de RER métropolitain.
Depuis 2018, un car express relie ainsi Créon et ses 5.000 habitants (à 25 km au sud-est) au centre-ville de Bordeaux en 40 minutes. Ce qui n'était qu'une expérimentation est devenue un vrai succès avec plus de 800 voyageurs qui l'empruntent quotidiennement, soit presque autant de voitures individuelles en moins.
De nouvelles lignes de bus express sont donc déjà à l'étude : Bordeaux-Blaye (nord-est), Bordeaux-Médoc (nord-ouest), Bordeaux-Belin Béliet (vers le sud) et toute la ceinture ouest. La ligne qui doit relier la métropole au nord du bassin d'Arcachon pourrait être mise en service dès 2023.
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En Bretagne, un projet BreizhGo Express à l'étude
Il n'existe pas encore de bus express en Bretagne, mais un projet est à l'étude au sein du Conseil régional sur un éventuel car rapide baptisé BreizhGo Express.
Cette ligne, dont la fréquence évoluerait dans la journée, pourrait être mise en place sur la RN164, entre Rennes (Ille-et-Vilaine) et Chateaulin (Finistère), soit sur 202 kilomètres, afin que la route nationale ne soit plus seulement celle des voitures.
Un bus partirait toutes les 30 minutes aux heures de pointe, en marquant plus ou moins d'arrêts dans les villes du trajet selon les moments de la journée.
Ce projet de ligne régulière traversant le Centre Bretagne se situe encore dans le registre de l'annonce politique. L'idée d'un BreizhGo Express répond à l'ambition gouvernementale de RER métropolitain qui, en Bretagne, concernerait la seule métropole de Rennes et à une « approche bretonne des mobilités ».
Selon la Région, le projet BreizhGo Express pourrait être expérimenté ou se concrétiser lors de la renégociation des délégations de service public d'ici à 2024-2025. Des travaux de mise à 2 x 2 voies de la RN 164 sont en cours pour une fin de chantier prévue sous deux ans.
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