
LA TRIBUNE - En mai dernier, vous avez levé 150 millions d'euros auprès du capital-investisseur Antin Infrastructure Partners, avec l'objectif de déployer 2.000 points de charge rapide en 2023 et 7.000 points en 2025 en France. Où en êtes-vous aujourd'hui ?
MATTHIEU DISCHAMPS - 2022 a été une année fulgurante. Nous avons 850 points de charge déjà installés et près de 5.500 en cours de déploiement.
Il y a huit mois, vous en revendiquiez 500 en cours d'installation... Comment avez-vous fait ?
Nous avons mis un très fort accent sur les opérations en optimisant les processus de déploiement avec Enedis, qui apporte la puissance sur site. Nous sommes le seul opérateur à avoir signé à la fois une convention nationale et des conventions régionales avec le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité.
Logiquement, vous devriez avoir déployé vos points de recharge avant les échéances que vous vous êtes fixées ?
Le déploiement des 7.000 points de charge devrait en effet être achevé courant 2024, bien avant l'échéance initialement fixée à fin 2025 sur des enseignes commerciales pour lesquelles nous opérons comme Intermarché, E. Leclerc, KFC ou Super U.
Aujourd'hui, la grande distribution fournit, en général, ce service gratuitement aux utilisateurs. Et vous, quel est votre retour sur investissement ?
Afin que les enseignes offrent ce service à leurs clients, nous déployons des bornes sans aucun coût d'investissement de leur part et avec une solution clé en main. Nous, nous revendons l'électricité aux utilisateurs finaux. C'est de cette manière que nous nous rémunérons ainsi que notre partenaire foncier. Son intérêt est double : cela lui génère de la rentabilité et permet d'attirer une nouvelle clientèle. A l'avenir, les électromobilistes choisiront leur magasin en fonction de la disponibilité des bornes.
Avec la Banque des territoires et CDC Habitat, deux entités de la Caisse des Dépôts, la foncière commerciale Frey vient d'annoncer le déblocage de 20 millions d'euros pour requalifier les entrées de ville. Ces marchés pourraient-ils vous intéresser ?
Nous travaillons déjà avec Frey pour équiper leurs sites, car leur modèle de one-stop-shop où l'on trouve tous les services tout en pouvant se déplacer à pied valide notre thèse d'apporter de la recharge à destination. Les bureaux et les logements constituent, en revanche, d'autres marchés spécialisés dans la recharge lente. Nous, nous amenons l'électricité sans avoir à changer ses habitudes et en répondant au besoin de faire le plein le temps d'un achat ou d'un repas.
Lors d'un débat sur les zones à faibles émissions au Sénat, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a fait savoir que le maillage des 100.000 points de charge serait atteint au premier trimestre 2023. Confirmez-vous ?
A l'origine, c'est un objectif fixé à décembre 2021 qui n'a pas été atteint. Certes, nous en sommes à 82.107 points déployés à fin décembre, avec une très forte dynamique de +53% en 2022 par rapport à 2021, mais les 100.000 ne seront très probablement installés qu'au deuxième ou troisième trimestre 2023. Nous allons y contribuer. Sur nos 5.500 points de recharge en cours de déploiement, un tiers verront le jour cette année. Au-delà de la barre symbolique des 100.000, ce qui est le plus important reste le maillage. Aujourd'hui, vous avez huit points tous les cent kilomètres, contre dix-huit en Allemagne. Ce n'est pas uniquement la quantité mais la qualité qui va primer.
C'est-à-dire ?
Il faut qu'on puisse offrir une puissance suffisante. Personne n'a envie de rester six heures sur un parking de supermarché. Sans parler de l'entretien. Trop de bornes demeurent en panne. C'est pourquoi dès le départ, nous avons internalisé la maintenance avec une équipe de techniciens en CDI. Il faut un modèle plus fiable et ouvert à toutes les cartes d'abonnements pour que tout le monde puisse les utiliser et ne se retrouve pas dépourvu.
L'instauration de ZFE dans les 43 agglomérations de plus de 150.000 habitants d'ici au 1er janvier 2025 et le déblocage de bonus, prêts, primes et surprimes promis par le gouvernement ne vont-ils pas accélérer le déploiement ?
Les zones à faibles émissions sont évidemment un accélérateur de la transition vers la mobilité électrique, mais restent juste un catalyseur du côté des véhicules. J'ajoute que la mobilité est l'affaire de tous, et pas simplement une question urbaine. C'est formidable de déployer des points sur les axes routiers et dans les grandes villes, mais il y a un risque de fracture territoriale. Nous, nous apportons des charges là où les Français vont.
Couvrez-vous toute la France ?
Nous couvrons déjà 95% de la France métropolitaine.
Et les 5% restants ?
J'espère que nous arriverons à 100% à terme.
Qu'est-ce qui bloque ?
Déployer une station est un processus complexe qui exige des travaux de génie civil et de génie électrique. Il faut passer par les gestionnaires de réseau de distribution avec des délais inhérents. En moyenne, il faut 7 à 9 mois pour sortir une station de recharge rapide, avec une alimentation de puissance dédiée. A cela s'ajoutent des véhicules toujours plus hi-tech et qui font gonfler les prix. Si nous voulons permettre aux Français de basculer, il faudrait diminuer le prix d'achat du véhicule et donc le coût de la batterie. Cela peut passer par réduire leur taille de même que cela permettra de combler un milieu de gamme étroit et de rationaliser les coûts...
Les centres commerciaux seront-ils donc au rendez-vous de la loi d'orientation des mobilités qui impose au 1er janvier 2025 5% de places prééquipées ?
Beaucoup de retailers sont préoccupés mais ce n'est rien à côté des opérations neuves. Pour celles-là, c'est 20% sinon leurs permis risquent d'être retoqués par les commissions départementales d'aménagement commercial (CDAC).
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