C'est une défaite pour le transport aérien français face au ferroviaire. Le Conseil d'Etat a débouté l'Union des aéroports français (UAF) ce vendredi dans son recours contre l'interdiction des liaisons aériennes lorsqu'une alternative ferroviaire de moins de 2h30 existe. Le syndicat professionnel des aéroports s'était immédiatement opposé à cette mesure qui interdit les vols commerciaux entre Paris-Orly et les aéroports de Nantes, Bordeaux et Lyon.
Initiée par la Convention citoyenne pour le Climat, avant d'être reprise par le gouvernement en 2021 dans la loi Climat et résilience, cette mesure était finalement entrée en vigueur en mai dernier avec la publication du décret d'application.
L'UAF avait basé son recours contre cette loi sur la base d'un « excès de pouvoir », comme le rapporte l'AFP, estimant qu'il portait atteinte à la liberté d'entreprendre et demandant son annulation ainsi qu'une saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le texte étant selon les aéroports incompatible avec la réglementation communautaire.
Selon le Conseil d'Etat, « il n'est pas établi par les éléments versés au dossier qu'elle (l'interdiction, NDLR) provoquerait sur les lignes concernées une distorsion de concurrence entre les transporteurs aériens, d'autant que sa durée de validité est limitée à une période de trois ans à l'issue de laquelle elle fera l'objet, après évaluation, d'un réexamen ».
En conséquence, l'UAF « n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'elle attaque » estime le Conseil d'Etat, qui a aussi refusé de saisir la justice européenne et ordonné à l'organisation de verser 3.000 euros pour couvrir les frais de justice.
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Gains climatiques espérés
La juridiction administrative a également rejeté l'argument de l'UAF, selon lequel les effets de la mesure sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre seraient minimes. D'autant que la loi Climat et résilience impose de compenser les émissions de CO2 des vols domestiques à 100% depuis cette année.
Le Conseil d'Etat a argué qu'il « reste qu'elle (la mesure d'interdiction) est susceptible de contribuer à court terme à la réduction de ces émissions dans le domaine du transport aérien et ne peut être regardée, eu égard aux enjeux de la lutte contre le changement climatique, comme étant plus restrictive que nécessaire ».
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Dimension européenne
Face à cette décision, Thomas Juin, président de l'UAF et de l'aéroport de La Rochelle a réagi auprès de La Tribune : « Nous ne sommes pas surpris, le Conseil d'Etat ayant déjà rendu un avis positif sur le décret d'application ». Mais il trouve néanmoins étonnant que la juridiction française ait refusé la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne.
L'UAF estime en effet que le décret d'application « tord le bras » à l'article 20 du règlement européen 1008/2008 sur lequel il est fondé, et ce avec la validation de la Commission européenne. Après avoir émis des doutes sur la compatibilité d'une première version de ce décret avec la législation européenne, Bruxelles avait fini par trouver un compromis avec Paris fin 2022. Celui-ci avait permis de valider la mesure sur Orly, tout en garantissant la protection du hub de Roissy-CDG face à cette interdiction.
Selon Thomas Juin, ce type de mesure pourrait donc être amené à se répéter en Europe, ce qui nécessite donc une décision du juge européen sur sa compatibilité avec le règlement communautaire. Il indique que l'UAF va donc étudier les possibilités de s'adresser directement à la CJUE.
Ne voulant pas se montrer résigné, le patron des aéroports français explique qu'il attend également l'étude d'impact et l'évaluation des bénéfices environnementaux qui doivent avoir lieu dans les trois ans suivant la mise en place de la mesure, conformément aux exigences de Bruxelles. Convaincu que les bénéfices sont minimes, et que « l'enjeu de la décarbonation de l'aérien ne se joue pas à ce niveau-là » mais sur les liaisons internationales, il espère alors pouvoir à nouveau contester le dispositif.
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