Le financement participatif d’entreprises menacé par l’envolée des défauts

Les plateformes de crowdfunding mettent en garde leurs investisseurs sur les risques d’augmentation des défauts des entreprises qui demandent des financements participatifs dans les mois à venir. Mais les prêts participatifs et le financement en capital ne suivent pas le même chemin. Explications
Maxime Heuze
« Sur le financement en capital, les défaillances d'entreprises augmentent et les risques de pertes sont plus élevées », prévient Mathilde Iclanzan, directrice générale de Wiseed.
« Sur le financement en capital, les défaillances d'entreprises augmentent et les risques de pertes sont plus élevées », prévient Mathilde Iclanzan, directrice générale de Wiseed. (Crédits : DR)

Le pire est encore devant nous. Alors que le nombre de défaillances d'entreprises s'était maintenu à son plus faible niveau depuis 35 ans entre 2020 et 2022, la Banque de France a révélé le 5 octobre que les très petites entreprises, de moins de dix salariés, ont connu, durant les 12 derniers mois, une hausse de 65% du nombre de défaillances par rapport à la même période, en 2019. Dans le même temps, celles comptant entre 10 et 49 salariés ont même subi une augmentation de 81%. Cette hécatombe est la conséquence direct la fin du « quoiqu'il en coûte » et, notamment, au remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE), contractés en 2020 et 2021, qui met nombre de sociétés fragiles au pied du mur.

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Le financement participatif (ou crowdfunding) d'entreprises échappe cependant, encore, à la crise. Les craintes toutefois sont bien là. En outre, elles sont partagées par les plateformes, qui mettent en lien des entreprises avec des investisseurs particuliers pour financer des stocks, des recrutements humains et d'autres activités que les banques rechignent à financer.

« Nous voyons les retards s'accumuler et les défauts commencer à venir », reconnaît sans détour Florence de Maupeou, directrice de Financement Participatif France. Elle reste toutefois prudente, prévenant qu'il faudra attendre la publication de son rapport annuel, en fin d'année, avant de mesurer l'ampleur des dégâts sur le marché.

Coup de froid sur les prêts participatifs aux entreprises

Derrière le terme de financement participatif, se trouvent néanmoins deux familles qui ne répondent pas du tout de la même manière à ces temps difficiles : les financements en prêts (en obligations ou minibons) et ceux en actions.

La première catégorie de crowdfunding propose un concept simple : prêter de l'argent à une entreprise sur une période de 6 à 36 mois, contre un intérêt déterminé. Mais face à l'augmentation des taux des obligations d'Etats (5% pour le 10 ans américain), les plateformes de crowdfunding ont décidé d'augmenter les taux d'intérêts de leurs opérations les passant de 6-11% par an à 8%-13%, pour continuer d'attirer les investisseurs devenus davantage frileux au risque.

« Cela engendre, en conséquence, un coût de l'endettement très cher pour les entreprises qui choisissent donc progressivement de freiner leurs demandes de prêts, quitte à moins investir et à ralentir leur croissance », constate la directrice de FPF.

Ce coup de froid sur le nombre de dossiers présentés aux investisseurs est encore accentué par l'inquiétude des plateformes d'être confrontées à des défauts et qui les amènent, selon leurs dires, à renforcer l'étude et la sélection des dossiers pour ne prendre que les plus grosses et stables des PME.

Pas d'inquiétude cependant, arguent-elles, assurant qu'elles ont appris comment se couvrir en période de crise pendant la période du Covid-19.

« Nous avons accepté à l'époque, de reporter ou rééchelonner la dette des entreprises en difficulté pour leur permettre de ne pas faire défaut. De plus, nous obligeons maintenant ces dernières à nous partager un bilan de leurs activités tous les trois mois et nous sommes connectés à leurs comptes bancaires », détaille Marc-Antoine Vanheems, directeur général des Entreprêteurs, qui finance entre 4 et 5 dossiers par mois.

Pour rassurer encore davantage, cette plateforme a aussi augmenté ses garanties, à l'image « d'un prêt que nous avons accordé à une scierie, en mettant en garantie son stock de bois que nous pourrons revendre en cas de non-remboursement », illustre-t-il.

Si les défauts sont limités « à 1% pour nous », rappelle le DG des Entreprêteurs, et devraient le rester, le nombre de retards de paiements, lui, risque de gonfler dans les mois à venir.

Craintes avérées sur les actions

En revanche, « sur le financement en capital, les défaillances d'entreprises augmentent et les risques de pertes sont plus élevées », prévient Mathilde Iclanzan, directrice générale de Wiseed.

Pour limiter la casse, cette plateforme sélectionne 5 à 10% des projets. De plus, elle freine fortement les financements depuis plusieurs mois, tout comme son concurrent Tudigo. Ce dernier ne sélectionne qu'un pourcent des projets pour ne proposer que des « grosses PME rentables » à ses investisseurs, explique Alexandre Laing, son PDG.

Concernant les dossiers déjà financés, et battant de l'aile, les plateformes affirment augmenter leur présence au sein des décisions. « Nous leur demandons de réduire leurs charges, de diversifier leurs produits ou encore, nous organisons de nouveaux tours de table pour refinancer ces entreprises quand elles vont mal », illustre Mathilde Iclanzan. Malgré ces efforts, Wiseed affiche déjà un taux de défaut de 10%, comme nombre d'autres plateformes de financement en capital.

« L'investissement en actions est largement plus risqué, mais comme les rendements visés sont de l'ordre de 200%, voire 1.000% sur 10 ans, les faillites de certains acteurs ne sont pas si graves tant que les investisseurs diversifient et qu'ils font bien attention à sélectionner les entreprises qu'ils vont financer », nuance Alexandre Laing.

Avec la fin du « quoiqu'il en coûte », l'investissement retrouve donc sa nature risquée, après une période trop belle pour rester vraie.

Maxime Heuze

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Commentaires 3
à écrit le 26/10/2023 à 13:23
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investisseur alors qu'il n'y a plus de garantie juridique dans le temps, celle de la parole du pays et une dette qui dit que mettre son argent la ceux qui sont censé garantir la stabilité passe leur temps a changer les règles. Du coup il faut beau...

à écrit le 26/10/2023 à 11:51
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[Cette hécatombe est la conséquence direct la fin du « quoiqu'il en coûte » et, notamment, au remboursement des prêts garantis par l'Etat (PGE), contractés en 2020 et 2021, qui met nombre de sociétés fragiles au pied du mur] Ben lorsqu'on prête des f...

le 26/10/2023 à 14:53
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Les gouvernants font semblant de s'étonner car certaines entreprises qui ferment étaient en difficulté bien avant le Covid, mais comme c'étaient les seules qui étaient susceptibles de maintenir dans l'emploi certains profils inemployables sauf à les ...

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