Hydrogène : Clhynn réinvente la pile à combustible pour produire une énergie « réellement » verte

Après 15 ans de recherche, Bernard Gauthier Manuel, professeur au CNRS, à Besançon, a mis au point une pile à combustible qui résout les principales contraintes actuelles de la filière hydrogène : le manque d’infrastructures, la production d’hydrogène carboné, et l’utilisation de platine pour l’électrolyse, un métal rare et cher. Explications.
Chynn souhaite recruter entre 20 et 30 personnes d'ici les trois prochaines années afin de commercialiser sa technologie en 2025.
Chynn souhaite recruter entre 20 et 30 personnes d'ici les trois prochaines années afin de commercialiser sa technologie en 2025. (Crédits : iStock)

En 2022, dans le secteur de la mobilité, seuls 400 véhicules légers à pile à combustible et une trentaine de bus sont en service dans l'Hexagone, selon l'association de référence France Hydrogène. L'objectif pour 2030 est d'atteindre près de 300.000 véhicules légers et 5.000 véhicules lourds. Si les pouvoirs publics veulent se donner les moyens de leurs ambitions, le chemin est encore long. Car aujourd'hui, plusieurs contraintes freinent le développement de cette filière. De quoi inspirer toutefois les entrepreneurs telle la startup Clhynn pour les surmonter.

Premier problème, l'hydrogène est aujourd'hui produit à 95% à partir d'énergies fossiles en France (gaz, charbon, hydrocarbures). La production d'hydrogène est ainsi  responsable de l'émission de 11,5 millions de tonnes de CO2 en France, soit environ 3% des émissions nationales.

Ensuite, le manque d'infrastructures freinent les usages. Ainsi, en 2021, la planète comptait 685 stations-services hydrogène, couvrant 33 pays, qui sont en service, selon une enquête réalisée, par H2stations.org. L'Europe comptait 228 stations hydrogène à fin 2021, 101 d'entre elles se trouvent en Allemagne, 41 en France, 19 au Royaume-Uni, 12 en Suisse et 11 aux Pays-Bas. Et le troisième frein, est le recours au platine dans l'électrolyse qui permet de faire fonctionner la pile, aussi rare et cher que peu durable et critique pour les questions de souveraineté. En effet, pour l'instant, le platine est la seule ressource utilisée pour catalyser la réaction aux bornes des piles à combustible afin de générer de l'électricité. Or, le platine se trouve en faible quantité dans le monde, en majorité extrait des mines d'Afrique du Sud et de Russie.

Une pile qui fournit son propre hydrogène

La pile à combustible est-elle la solution miracle à ces freins ? Découverte en 1839 par l'Allemand Christian Schönbein, puis concrétisée à partir des années 1930 par Francis T. Bacon, la pile à combustible alimentait déjà les missions spatiales Apollo. Mais cette technologie trop coûteuse fut laissée de côté pendant plusieurs décennies, jusqu'à ce que les préoccupations environnementales ne la ramènent sur le devant de la scène, car c'est une solution à faible impact. La pile à combustible est un générateur d'énergie. En clair, elle convertit un combustible en énergie. La plus courante est la pile à hydrogène, utilisant l'hydrogène et l'oxygène comme combustibles pour produire de l'électricité. Elle peut être utilisée dans diverses secteurs : médical, industriel, transport, aéronautique, etc.

Dans cette course au leadership menée par les États pour produire de l'hydrogène décarboné, la France ne cache pas sa volonté d'arrivée sur le podium au travers de son plan France Relance 2030, qui alloue près de 9 milliards d'euros à la filière hydrogène sur dix ans. Une volonté politique a motivé Jean Patrick Corso, le fondateur et de Clhynne après avoir travaillé près de 15 ans chez Areva. Pour créer la jeune pousse à Besançon (Doubs), il s'est associé aux travaux du professeur Bernard Gauthier Manuel. Initialement développée pour répondre à un dispositif médical, avec trois brevets déposés, cette pile à combustible vise désormais le marché de la mobilité.

Le professeur Bernard Gauthier Manuel, a mis au point un nouveau type de pile à combustible autonome. « Notre technologie fournit son propre hydrogène décarbonée et n'a donc pas besoin d'infrastructure pour se recharger », explique Jean-Patrick Corso. Autrement dit, les véhicules qui utiliseront cette pile à combustible n'auront pas besoin de station à hydrogène pour faire leur plein.

Le dispositif permet de fournir de l'hydrogène au fur et mesure que la pile à combustible fonctionne. « C'est-à-dire que l'hydrogène n'est pas préalablement stocké sous forme gazeuse dans un réservoir sous pression comme les piles à combustible actuelles, mais généré au moment où nous en avons besoin, par une réaction chimique entre l'eau rejetée par la pile, et notre substance active », précise l'entrepreneur. D'où la production d'une énergie « réellement » verte. Autre innovation majeure : le catalyseur de cette pile à combustible est le nickel et non le platine. Une ressource 1.000 fois moins chère, 10.000 fois plus durable et beaucoup plus répandue en Europe et dans le Monde. D'où la production d'une énergie plus verte à de nombreux égards.

La mobilité : un fort potentiel de développement

La startup Clhynn a été créée officiellement en mars 2022. Labellisée Deeptech par BPI, la technologie qu'elle a développée en est au stade de POC, « proof of concept », preuve de concept. « Pour l'instant, nous avons obtenu une mini- pile d'une surface de l'ordre du cm2, il faut que nous la développions pour atteindre une surface de l'ordre de 500 cm2 et pouvoir la "stacker", (ndlr : opération qui consiste à en superposer plusieurs couches tel un millefeuille) », indique Jean-Patrick Corso. « Ce qui nous permettra d'accéder aux besoins d'importantes puissances pour le marché de la mobilité », poursuit-il.

Chynn souhaite recruter entre 20 et 30 personnes d'ici les trois prochaines années afin de commercialiser sa technologie en 2025, à l'international.

Car la route est encore longue. En 2020, selon le Conseil de l'hydrogène, « Hydrogen Concil » - une organisation mondiale dirigée par plusieurs entreprises leaders dans le domaine de l'énergie, des transports, de l'industrie et de l'investissement pour développer l'économie hydrogène - seuls 16.000 véhicules à pile à combustible circulaient dans le monde. Les prévisions pour 2030 sont de 13 millions.

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Commentaires 7
à écrit le 19/12/2022 à 16:22
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Catalyseur nickel : c'est bien Donc cette pile elle fonctionne à l'eau. On remplit le réservoir de l'auto avec de l'eau pour démarrer et ça roule. Manque pas quelque chose ?

le 22/12/2022 à 1:59
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""par une réaction chimique entre l'eau rejetée par la pile, et notre substance active "" A savoir quel est cette substance active ?

à écrit le 19/12/2022 à 15:49
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Ca sera la fin du véhicule pour tous, quelle sera la politique de transport post pétrole?

à écrit le 19/12/2022 à 15:27
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Je ne vois pas trop comment en 20 ans on multiplie le nombre de véhicules en le multipliant par plus de x812... Enfin, pour une trouvaille, celle-ci est vraiment novatrice, espérons que les concepteurs trouvent les leviers et appuis nécessaires pour ...

à écrit le 19/12/2022 à 15:27
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Je ne vois pas trop comment en 20 ans on multiplie le nombre de véhicules en le multipliant par plus de x812... Enfin, pour une trouvaille, celle-ci est vraiment novatrice, espérons que les concepteurs trouvent les leviers et appuis nécessaires pour ...

à écrit le 19/12/2022 à 12:14
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L'utilisation de l'hydrogene comme generateur d"elecricity (piles à combustibles) est scientifiquement un non sens absolu:: L'hydrogene bien que très abondant sur terre n'existe pas à l'état naturel ( molécule hydrogène) il faut le dissocier de l'e...

le 19/12/2022 à 17:43
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L'électricité, c'est mieux avec une énergie produite à 50% de manière aléatoire, selon les vœux de nos "grands gouvernants". Il ne restera bientôt que la charrette pour se déplacer.

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