Absence de rénovation des collèges et lycées, « cela se paie cash » (Rémy Jacquier, Oxand)

RÉGIONALES - GRAND ENTRETIEN. Spécialiste de la gestion prédictive des bâtiments et des infrastructures, le président d'Oxand interpelle les candidats aux élections départementales et régionales des 20 et 27 juin prochain sur l'état des collèges et des lycées français. « Ce sont plusieurs dizaines de milliards d'euros qu'il faudrait réinjecter pour les bâtiments scolaires », estime Rémy Jacquier.
César Armand
Rémy Jacquier, président d'Oxand : Nous pouvons aider les collectivités à prendre les bonnes décisions de manière quantitative et qualitative, d'autant que cette cartographie à l'échelle d'un parc de collèges ou de lycées n'existe pas dans 90% des cas.
Rémy Jacquier, président d'Oxand : "Nous pouvons aider les collectivités à prendre les bonnes décisions de manière quantitative et qualitative, d'autant que cette cartographie à l'échelle d'un parc de collèges ou de lycées n'existe pas dans 90% des cas." (Crédits : DR)

Dire que vous dépensez à tel ou tel endroit sans connaissance ni levier sur votre bâtiment, c'est une communication des années 1980.

Rémy Jacquier, président d'Oxand

LA TRIBUNE : Vous entrez en campagne en expliquant que le budget des travaux d'entretien des collèges et lycées représente 15 à 20% du budget des départements et des régions voire même 30% de leur consommation d'énergie. Est-ce à dire que ces collectivités pourraient faire mieux ?

MY JACQUIER : Notre métier, c'est la gestion prédictive des bâtiments et des infrastructures, car avant d'agir, il faut déjà bien connaître son patrimoine. La campagne actuelle qui consiste à se battre à coup de chiffres et d'investissements en millions d'euros oublie qu'il faut d'abord se pencher sur la performance énergétique de ces établissements. Lorsque vous interrogez les agents, les professeurs, les élèves et leurs parents, tous ressentent un sentiment de vieillissement des collèges et des lycées du fait de sur-utilisations et d'investissements pas toujours coordonnés d'un établissement à un autre. Les départements et les régions ne sont pas encore dans un système de gestion de parc mais agissent au coup par coup. Oui, ils investissent, mais le font-ils assez et au bon endroit ?

Des conseils départementaux et régionaux montrent-ils déjà la voie ?

Nous travaillons effectivement avec les régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est comme avec les départements des Alpes-Maritimes, des Côtes d'Armor ou de la Meuse. Leur enjeu est le même : gérer le vieillissement de leurs actifs. 40% des lycées français ont plus de 50 ans alors que la fréquentation de ces mêmes établissements a été multipliée par trois sur la même période. Plutôt que de subir cette situation et d'être dans le correctif, il faut anticiper. Nous proposons donc à chacune de ces collectivités de réaliser une cartographie de performance de leur patrimoine pour regarder comment il évolue.

Pouvez-vous par exemple prédire les intempéries afin d'éviter que des salles de classe n'aient à fermer ?

La faiblesse de la toiture-terrasse est typiquement un cas d'usage de référence voire même l'archétype de ce que peut apporter la gestion prédictive. Vous pouvez ne pas agir pendant des années, mais à la longue, cela diminue la durée de vie de l'installation et la ramener à 25-30 ans contre un demi-siècle initialement prévu. Si personne ne la nettoie, cela permet certes d'économiser des dépenses de fonctionnement, mais à la fin, cela se paie cash. Il s'agit donc d'un enjeu d'efficience budgétaire qui prouve qu'il faut changer de logique et arrêter de penser coûts mais être capable d'investir l'argent là où il faut. Et ce afin d'éviter que des classes soient victimes d'infiltrations.

Avant même la crise économique et sanitaire, les collectivités dénonçaient justement des baisses constantes de leurs dotations globales de fonctionnement. Comment résoudre l'équation financière ?

Notre mission consiste à démocratiser la rénovation, à numériser les processus et à valoriser la donnée utile. Nous avons déjà pensé et éprouvé nos modèles prédictifs pour les appliquer dans les collectivités de toutes les tailles. Ce qui nous permet de proposer une solution accessible, une approche par la donnée utile et non par le big data. Nous entendons souvent : « On est perdus avec des devis de BIM (maquette numérique, Ndlr) » qui demeurent inaccessibles financièrement sauf si vous avez des millions d'euros à mettre pour vos bâtiments. Nous, au contraire, nous n'avons pas besoin de centaines de points numériques, mais d'une quinzaine située sur les toitures, les huisseries ou dans les chaufferies. Ces schémas directeurs vivent pour diminuer le coût total de possession, c'est-à-dire de fonctionnement et d'investissement. Beaucoup de collectivités restent en outre prises en étau entre le vieillissement de leur patrimoine et des investissements dont les coûts de fonctionnement à terme ne sont pas anticipés.

Y compris dans les établissements neufs ?

Parfois, les départements et les régions ne prévoient pas de coûts de maintenance, mais cela est pernicieux, car les cycles sont les mêmes. Nous pouvons en effet savoir à 80% ce qui va se passer à telle échéance, comme sur la consommation énergétique qui peut faire exploser les coûts y compris dans le neuf. Notre solution est un investissement préalable aux études et à la réalisation. En apportant des données utiles et rapides, couplées à des modèles prédictifs, elle permet d'obtenir une vision portefeuille ainsi qu'un schéma directeur objectif, et donc de déceler les passoires thermiques de moins en moins efficientes.

En matière de rénovation, le plan de relance national a d'ailleurs débloqué au près de 300 millions d'euros pour les conseils régionaux et 300 millions pour les conseils départementaux... Sera-ce suffisant selon vous ?

Ce sont plusieurs dizaines de milliards d'euros qu'il faudrait réinjecter pour les bâtiments scolaires français. Sur certains territoires, la situation est critique.

Lesquels par exemple ?

Beaucoup d'efforts vont être faits à Marseille pour rattraper un retard important dans une logique surtout post-rue d'Aubagne où l'on veut tout remettre à niveau. Plus généralement, c'est à la région de jouer son rôle d'aménageuse du territoire. Nous ne relancerons pas le pays sans ces outils qui répondent aux besoins. Parallèlement, apparaissent de nouveaux modes constructifs innovants, comme les marchés globaux de performance. Ces contractualisations qui lient les intérêts des collectivités à ceux des entreprises générales du bâtiment dans le temps sont très intéressantes pour savoir où ils vont l'un comme l'autre. De plus, cela permet de pousser sur les marchés publics des bouquets de rénovation nécessaires au rattrapage du retard pris depuis 50 ans. Ce qui est assez sain. Dire à l'inverse que vous dépensez à tel ou tel endroit sans connaissance ni levier sur votre bâtiment, c'est une communication des années 1980. Or, est-ce que le confort s'est amélioré ? Pas sûr...

D'autant que des établissements rénovés signifient une meilleure concentration des élèves...

Nous pouvons aider les collectivités à prendre les bonnes décisions de manière quantitative et qualitative, d'autant que cette cartographie à l'échelle d'un parc de collèges ou de lycées n'existe pas dans 90% des cas. Nous fournissons aux départements et régions de la gestion prédictive et une numérisation de leurs processus de décision.

Qui a la main sur toutes ces données ?

Toutes les données restent entre les mains des clients. Nous-mêmes nous amenons un retour d'expérience complètement numérisé et analysé sur la base de nos retours d'expérience. Sur ces bases, nous fonctionnons par scénarios : contraintes budgétaires, environnementales... Nous ne faisons que répondre aux besoins pour amener à la prise de décisions. La décentralisation des collèges au niveau départemental est un succès de proximité, mais la région doit encore réellement démontrer qu'elle est le bon échelon pour les lycées. Ce n'est pas toujours simple d'adresser un établissement à 300 kilomètres de la métropole-préfecture dans une ville moyenne rurale. Si les conseils régionaux ont réussi à fusionner leurs administrations, ils doivent désormais démontrer que ces dernières peuvent apporter de la performance à tous les niveaux.

César Armand

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Commentaires 4
à écrit le 16/06/2021 à 10:00
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Ils veulent des esclaves ils ne veulent ni que notre pays avance ni que les gens pensent. Ben quoi les gens n'ont qu'à être assez riches pour acheter des diplômes à leurs gosses non mais !

à écrit le 15/06/2021 à 13:33
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Heureusement que les parents ne savent pas a quelle point les écoles françaises sont amiantées, et exposent les enfants! La priorité en France, c'est de payer les retraites des vieux contribuables électeurs! Cela se payera un jour, et on en pa...

à écrit le 15/06/2021 à 10:26
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le discours habituel des entreprises (de BTP, notamment) : donnez-nous des sous, assistez-nous.

à écrit le 15/06/2021 à 8:38
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wow, quel titre!!!!!!!!!!! quand hollande est arrive au pouvoir, il a vote des lois qui ont envoye le pays au tas... en attendant le retour de la croissance comme on attend godot, il a vote le mariage pour tous, histoire de faire ecran de fumee, mais...

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