« Contre les violences faites aux femmes, nous reculons» (Céline Mas, présidente d’ONU Femmes France)

OPINION - La présidente d’ONU Femmes France déplore que les crises géopolitiques entraînent toujours un recul des droits de femmes. Elle en appelle à l’application pleine et entière des programmes des Nations unies
Céline Mas, Présidente d’ONU Femmes France, écrivaine et entrepreneure social.
Céline Mas, Présidente d’ONU Femmes France, écrivaine et entrepreneure social. (Crédits : Christine Huet Morio)

Une femme sur trois est victime de violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie, sur tous les continents, dans tous milieux sociaux. Cinq femmes ou filles sont tuées en moyenne toutes les heures par un membre de leur famille. Il s'agit de la violation des droits humains la plus répandue dans le monde. Pourtant, données et expériences de terrain à l'appui, il est possible de construire une société dans laquelle les femmes et les filles seraient préservées des violences. Mais nous reculons. Reconnaître la gravité du problème, c'est le prendre au sérieux, approfondir les solutions qui fonctionnent et leur allouer des ressources importantes et décisives.

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Nous vivons une époque de crises : sanitaires, géopolitiques, économiques, sociales, climatiques. À chacune d'entre elles, les droits des femmes reculent ; leur intégrité physique et morale est menacée durablement. Partout, elles sont les victimes collatérales des prédations, obscurantismes et conflits, dans un monde qui se vante orgueilleusement des exploits sophistiqués de l'IA. Le 7 octobre, le Hamas a semé la terreur et massacré des Israéliens, dont de nombreuses femmes et des filles dans des conditions particulièrement insoutenables. Nous avons condamné sans réserve ces actes barbares tout en demandant la libération inconditionnelle des otages ET, dans le même temps, nous pensons aux femmes et aux filles de Gaza qui ont tragiquement perdu la vie dans des souffrances indescriptibles et avons appelé urgemment au cessez-le-feu humanitaire pour porter secours aux civils.

Le ET est ici fondamental, car l'humanité ne choisit pas. Nous condamnons et continuerons à condamner sans équivoque tout acte de violence contre les femmes et les filles, incluant la violence sexuelle, considéré comme une violation inacceptable des droits humains, où que ce soit dans le monde. Nous sommes aux côtés de tous les civils, et particulièrement de toutes les femmes du monde. En 2023, je l'écris avec gravité, vivre une vie sereine et libre en tant que petite fille autant que jouir pleinement de ses droits en tant que femme reste un privilège.

Pour les Sénégalaises, Congolaises, Iraniennes, Afghanes, Ukrainiennes, Yéménites, Soudanaises, États-Uniennes, Haïtiennes, Chinoises, Japonaises, Indiennes, Brésiliennes, Argentines, Mexicaines, Chiliennes, Polonaises, Françaises et pour tant d'autres, le constat est le même : les violences sous des formes diverses persistent, les mentalités évoluent trop lentement et les droits sont fragiles et souvent réversibles.

C'est le monde dans lequel nous vivons. Mais pas celui dans lequel nous voulons vivre. Les solutions existent tandis que les ressources sont dérisoires : 0,2 % de l'aide globale au développement en 2022, alors même que l'impact sur la vie des victimes est infini et qu'au second plan l'impact économique des violences dans certains pays est chiffré à 3,7 % du PIB mondial.

Partout, elles sont les victimes collatérales des prédations, obscurantismes et conflits

Notre irresponsabilité collective à ne pas investir est d'autant plus incompréhensible que nous savons ce qu'il faut faire : réformer et mettre en œuvre des lois et des politiques multisectorielles ; améliorer radicalement le fonctionnement de la justice grâce notamment à des juridictions spécialisées et des forces de police mieux formées ; veiller à ce que les survivantes aient accès aux services dont elles ont besoin ; intensifier les mesures de prévention fondées sur des données probantes et faire cesser l'impunité des auteurs de violences avec des peines à la hauteur des crimes ; soutenir l'autonomisation économique des femmes survivantes dans leurs parcours de vie ; mettre enfin en œuvre la résolution 1325 des Nations unies, qui défend la place stratégique des femmes dans les conflits et à la table des négociations pour des accords de paix plus durables ; insérer la lutte contre les violences dans tous les programmes scolaires ; travailler ensemble car le cloisonnement nous fait perdre du temps, en rapprochant responsables publics, associations, entreprises, experts, acteurs de la justice et de la police, soignants, société civile afin d'être plus innovants et d'accélérer les progrès.

Ces axes de travail ne sont pas des vœux pieux. Ils sont des piliers de programmes d'action onusiens qui doivent être couplés à des politiques publiques à la hauteur des enjeux. Ils ont été développés par ONU Femmes dans bon nombre de pays et ont démontré leur impact massif via une mesure systématique. En 2022, le Trust Fund, fonds d'affectation consacré à la lutte contre les violences faites aux femmes, a soutenu 186 organisations dans 70 pays et bénéficie à plus de 47 millions de personnes, dont plus de 24 millions de femmes et de filles. Cette année, les individus et organisations engagés dans le mouvement mondial Génération Égalité, lancé par ONU Femmes en 2021 pour faire progresser l'égalité de genre, ont fait état de 389 mesures politiques et de plus de 600 programmes mis en œuvre pour lutter contre les violences fondées sur le genre.

Spotlight, une initiative mondiale des Nations unies en partenariat avec l'Union européenne, entre autres, pour éliminer les violences faites aux femmes, a investi de manière substantielle dans la prévention, s'adressant à 260 millions de personnes par le biais de campagnes, sensibilisant 2 millions d'hommes et de garçons à ces sujets. L'initiative a vu 477 lois ou politiques contre les violences adoptées, et près de 2,5 millions de femmes et de filles ont eu accès à des services.

Les violences sont une forme de corrosion fatale des sociétés. En s'attaquant aux femmes et aux filles, elles rongent nos liens et tout ce qui peut nous réunir. Il n'est jamais trop tard : un autre monde est possible. L'engagement n'est pas réservé aux femmes, les hommes ont un rôle déterminant à jouer. Chacune et chacun peut faire sa part. C'est une question de justice et de responsabilité face à l'avenir. Plutôt que de se protéger de vivre, les femmes et les filles, enfin préservées de cet engrenage des violences, pourront œuvrer d'autant mieux à répondre aux défis de notre temps.

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Commentaires 2
à écrit le 28/01/2024 à 12:43
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Merci Mme la Présidente Nous sommes d'acord avec vous,lais nous pensons devoir qualifier cette violente cme chronique à des pays dominés par les moeurs patriarchales et,dans la vie moderne ,aupeu égard des droit de l'HOMME comme vous l'avez dit mais...

à écrit le 26/11/2023 à 11:03
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Et pourtant les postes bien payés des personnes censées les défendre eux sont en perpétuelle augmentation !

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