14 hommes, 14 femmes en comptant Elisabeth Borne, la Première ministre nommée lundi. Après une petite semaine de réflexion et de réglages politiques, Emmanuel Macron a tranché et nommé vendredi un nouveau gouvernement resserré de 17 ministres, 6 ministres délégués et 4 secrétaires d'Etat, adressant des signaux forts pour la bataille des législatives et le début de son « nouveau » mandat.
La continuité d'abord avec Bruno Le Maire, numéro 2 dans l'ordre protocolaire, au portefeuille élargi à Bercy à la défense de la souveraineté industrielle et numérique. Mais aussi avec Gérald Darmanin à l'Intérieur, Eric Dupont-Moretti à la Justice.
La souveraineté alimentaire est présente aussi dans le portefeuille de Marc Chesneau, ministre de l'Agriculture. Une réponse à l'époque nouvelle ouverte par l'agression de la Russie de Poutine en Ukraine, que l'on retrouve aussi dans la priorité absolue à la transition écologique et énergétique, directement rattaché à Matignon dans l'intitulée d'Elisabeth Borne, qui se voit confiée à deux femmes, Amélie de Montchalin pour la Transition écologique et la cohésion des territoires, avec les portefeuilles du Transport et du Logement et Agnès Pannier-Runacher pour la transition énergétique.
Entre les ministres sortants qui restent ou changent de portefeuille et les sortants sortis, la balance est équilibrée, Macron récompensant ses fidèles comme Clément Beaune chargé de l'Europe aux côtés de la chiraquienne Catherine Colonna, Gabriel Attal aux Comptes publics, Olivia Grégoire porte-parole, ou Olivier Véran qui passe de la Santé aux relations avec le Parlement et à la rénovation de la vie démocratique. Mais ce gouvernement resserré s'ouvre aussi à la société avec des symboles forts, comme Pap Ndiaye, ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse d'origine sénégalaise par son père, un historien spécialiste de l'histoire des minorités aux Etats-Unis et président du musée de l'histoire de l'immigration.
Le successeur de Jean-Michel Blanquer, qui est aussi le frère de Marie Ndiaye, auteure, entre autres du prix Goncourt « Trois Femmes Puissantes », vient clore une séquence présidentielle marquée par la poussée de l'extrême droite à un niveau inédit et adresse un signal de rassemblement à un pays fracturé et dans un ministère encore traumatisé par l'assassinat de Samuel Paty. L'Éducation est ainsi affirmée comme l'une des priorités du second quinquennat, à condition que la nomination de Pap Ndiaye ne reste pas qu'un énième coup de com'.
Malgré l'entrée de personnalités de droite prises à ce qui reste des Républicains, avec l'ancien patron des députés LR Damien Abad au ministère de la Solidarité et de l'Autonomie, Macron qui a pris son temps pour ne pas laisser de prises à la gauche réunie sous la bannière de Nupes, adresse aussi un message à l'électorat de Jean-Luc Mélenchon : c'est Olivier Dussopt, situé à la gauche d'En Marche avec Territoires de Progrès, dont est aussi membre Elisabeth Borne, qu'échoit le grand ministère du Travail, du Plein emploi et de l'Insertion. Plein emploi qui supposerait de ramener le taux de chômage de plus de 7% à moins de 5% d'ici 2027, ce qui ne sera pas facile dans un contexte économique incertain avec la poussée de l'inflation et la remontée des taux d'intérêt. Olivier Dussopt aura aussi en charge la réforme des retraites et la négociation à venir sur l'allongement de l'âge de départ à 64 puis 65 ans.
Avec cette volonté de poursuivre le « dépassement des clivages », engagé depuis 2017, le président de la République fait aussi émerger une génération Macron avec des personnalités fortes nées à la politique avec lui, comme Gabriel Attal, Clément Beaune, Olivia Grégoire, Agnès Pannier-Runacher, Amélie de Montchalin. Un macronisme de gouvernement après celui de la rupture qui commence à générer ses nouveaux leaders pour un quinquennat dont on sait que ce sera pour Emmanuel Macron le deuxième et dernier, en tout cas de suite. Dès lundi, avec le premier conseil des ministres et dès juin avec l'élection d'une nouvelle Assemblée nationale qui devrait rassembler une nouvelle majorité présidentielle, va se jouer la suite de l'histoire et déjà se préparent les potentiels successeurs : Bruno Le Maire, conforté à Bercy pour mener le combat contre la récession qui vient et tenir la ligne de crête entre inflation, dette et pouvoir d'achat ; Edouard Philippe qui est en réserve de la république au Havre, mais aussi de nouveaux talents à qui la composition du gouvernement offre leur chance.
Mais pour cela, il faudra que ce gouvernement Macron II fasse preuve d'audace, avec un vrai tournant écologique. Sa principale originalité est de confier à trois femmes, Borne, Montchalin et Pannier-Runacher, les rênes de la planification écologique. Comme si c'était d'abord une affaire féminine que de s'attaquer à un changement majeur de notre civilisation. En tout cas, on ne peut pas vraiment dire que les hommes jusqu'ici aux commandes ont beaucoup fait progresser cette cause. En France, face au réchauffement climatique, on n'a pas tout essayé.
Mais il faudra aussi une vraie réponse à l'angoisse sociale, dans un contexte qui promet d'être aussi difficile que les deux dernières années de crise sanitaire avec l'entrée dans une nouvelle époque pour l'économie mondiale. Des décisions difficiles sont à venir : protéger les plus modestes des méfaits de la hausse des prix, financer les énormes investissements de la transition écologique et énergétique et prendre des mesures pas forcément populaires pour encourager une économie plus sobre en carbone, engager le désendettement en sortant de quoi qu'il en coûte permanent et en réalisant une réforme des retraites, réaliser le plein emploi en éduquant et formant mieux la jeunesse. Pour réussir ces défis, Macron et sa nouvelle Première ministre devront dépasser les bornes d'un premier mandat qui, comme l'a reconnu le président-candidat, n'a pas loin s'en faut achever le travail.
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