Et si la solution se trouvait dans la ruralité ?

« Le pouvoir d'agir » sera le fil rouge du 104e Congrès des Maires et des Présidents d'intercommunalités de France[1] qui démarre ce lundi 21 novembre. Nous pourrions cependant nous poser la question de savoir si ce pouvoir d'agir concerne également la notion de ruralité, et pour être plus précis encore, la notion d'hyper-ruralité : 25% de notre territoire accueille seulement 5,4% de la population française. Et si cela était l'occasion de mettre un véritable coup de projecteur sur les territoires ruraux ? Par Brice Soccol, Président de Public & Private Link, spécialiste du développement territorial.
(Crédits : iStock)

« Le pouvoir d'agir » sera le fil rouge du 104e Congrès des Maires et des Présidents d'intercommunalités de France[1] qui démarre ce lundi 21 novembre. Nous pourrions cependant nous poser la question de savoir si ce pouvoir d'agir concerne également la notion de ruralité, et pour être plus précis encore, la notion d'hyper-ruralité : 25% de notre territoire accueille seulement 5,4% de la population française. Et si cela était l'occasion de mettre un véritable coup de projecteur sur les territoires ruraux ?

Si ces territoires souffrent du vieillissement de leur population, de leur enclavement, de leurs faibles ressources financières ou encore de leur manque d'équipement, ils constituent pourtant une véritable chance pour la France ! Non seulement, ils sont indispensables au développement métropolitain, mais ils sont également très riches de par leur patrimoine culturel, leur capital naturel, leur production agricole, leur qualité de vie, leur proximité humaine, leurs liens sociaux, leur rapport à la nature.

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Le « premier kilomètre »

La crise de la covid, puis la crise énergétique et la crise géopolitique que nous traversons qui posent la question de la souveraineté industrielle, de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté énergétique, devraient conduire l'État à changer radicalement son logiciel de référence urbain, qui semble constituer le seul lieu de mise en œuvre de politiques publiques. En effet, le pouvoir d'agir ne devrait pas seulement s'inscrire dans le fameux « dernier kilomètre » de nos métropoles, mais dans le « premier kilomètre » de cette hyper-ruralité. Au-delà des outils dont l'État peut disposer, tels que l'obligation de traiter l'hyper-ruralité dans la planification et la programmation, la modernisation de la péréquation financière, les nouvelles alliances contractuelles, il y a beaucoup à imaginer en termes de soutien aux petites villes, à l'économie sociale et solidaire et à de nouveaux dispositifs comme les tiers-lieux. Les petites villes, malgré leur faible taille, sont de véritables lieux centraux structurant le territoire. Sylvie Dubuc, Professeure en sciences de la population explique d'ailleurs que : « l'intégration de la montagne cévenole comme arrière-pays touristique du littoral méditerranéen et de Montpellier favorise la mise en valeur de nouvelles ressources rurales. Des complémentarités fonctionnelles entre les grandes aires urbaines et leur arrière-pays touristique se dessinent »[2]. Selon elle, la petite ville induit une croissance qui s'auto-entretient grâce à ces interactions rural-urbain en boucle croissante.

Un laboratoire d'expérimentation

Au-delà d'un plan de ruralité, qu'il semble plus que jamais d'actualité de mettre en œuvre, il est essentiel de construire l'avenir de ces territoires à partir des initiatives locales. La ruralité peut constituer un véritable laboratoire d'expérimentation pour trouver des solutions aux grands défis qui se tiennent devant nous : réchauffement climatique, vieillissement de la population, raréfaction des ressources, etc. Les innovations territoriales dans ces zones rurales se multiplient et pourraient même inspirer les zones urbaines. La philosophe Gabrielle Halpern va même plus loin en théorisant ce qu'elle appelle « l'hybridation territoriale », c'est-à-dire « la constitution progressive d'un ensemble de « mariages improbables » entre tous les acteurs des territoires, - la maison de retraite et l'école, le centre d'accueil social et le musée, la mairie et l'épicerie solidaire, l'exploitation agricole et la crèche -, pour transformer chaque territoire rural (ou urbain) en véritable écosystème et créer des synergies, à même de démultiplier leur valeur économique, sociale et culturelle »[3].

Valoriser ces espaces hyper ruraux, c'est aussi affirmer comme Bruno Latour : « Est-ce que nous continuons à nourrir des rêves d'escapade ou est-ce que nous nous mettons en route pour chercher un territoire habitable pour nous et nos enfants ? »

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[1] https://www.amf.asso.fr/page-104eme-congres-maires-presidents-dintercommunalite-france/41318

[2] DUBUC Sylvie, « Dynamisme rural : l'effet des petites villes », L'Espace géographique, 2004/1 (tome 33), p. 69-85. DOI : 10.3917/eg.033.0069. URL : https://www.cairn.info/revue-espace-geographique-2004-1-page-69.htm

[3] Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l'hybridation », Le Pommier 2020

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