Grand Paris  : vive la Métropole  !

OPINION. La Métropole du Grand Paris est aujourd'hui attaquée. Une proposition de loi déposée le 14 décembre dernier entend supprimer celle-ci. Avec les auteurs de cette proposition, nous partageons le constat selon lequel le crumble territorial francilien est indigeste pour les citoyens. Cependant, nous nous en écartons s'agissant de la recette pour l'alléger. (*) Par Olivier Renaudie, Professeur à l'Ecole de droit de la Sorbonne, Codirecteur du Groupement de recherche sur l'administration locale en Europe (GRALE).
(Crédits : Charles Platiau)

Il n'est jamais inutile de rappeler qu'avant de devenir un magma institutionnel, le Grand Paris est un idéal, dont la poursuite trouve son origine dans deux facteurs principaux.

L'isolationnisme parisien

Le premier facteur tient à la balkanisation opérée en 1964. Pour des raisons de rationalisation administrative, non dénuées d'arrière-pensées politiques, le département de la Seine a été supprimé et remplacé par trois nouveaux départements, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne et une collectivité territoriale à statut particulier, la Ville de Paris. Pour quel résultat ?

D'un côté, Paris a été isolé du reste de l'agglomération, aussi bien sur les plans juridique et politique, que physique, avec la construction a cette même époque d'un boulevard périphérique en lieu et place des anciennes fortifications. De l'autre, cela a favorisé les inégalités économiques et sociales à l'intérieur de l'agglomération parisienne, sans qu'aucun échelon soit en mesure de les corriger.

Paris : une capitale avant d'être une grande ville

Le second facteur est la reconnaissance par les pouvoirs publics du fait urbain : les villes, et particulièrement les plus grandes d'entre elles, constituent désormais un objet saisi par le droit. Cette reconnaissance part d'un double constat : d'un côté, la majorité de la population française (60%) réside dans une aire urbaine de plus de 100.000 habitants ; de l'autre, les villes françaises évoluent désormais dans un contexte de concurrence avec les autres agglomérations européennes, notamment pour attirer les entreprises et les investisseurs.

C'est au regard de ces deux motifs qu'ont été créées en 2010 les Métropoles, sous la forme d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, susceptibles d'être mises en place dans les agglomérations de plus de 400.000 habitants. Cette formule a rencontré un succès immédiat et Paris, qui a longtemps été une capitale avant d'être une grande ville, n'a pas échappé à ce mouvement de métropolisation.

Ces deux facteurs ont conduit à la création le 1er janvier 2016 de la Métropole du Grand Paris, instance représentant 7,2 millions de franciliens, répartis sur un territoire de 800km². En quelques années d'existence, la Métropole du Grand Paris s'est forgée une identité. D'une part, une identité politique fondée, d'un côté, sur le dialogue et la recherche du consensus avec les représentants des 131 communes concernées et, de l'autre, sur l'élection au suffrage universel direct par fléchage des conseillers métropolitains.

A sa création, qui aurait pu imaginer qu'un accord durable soit trouvé pour gouverner une instance composée de 208 membres ? D'autre part, une identité d'action : la protection des plus exposés aux inégalités urbaines. Dans le cadre de compétences limitées, la Métropole a pris des décisions, mené des opérations d'aménagement, financé des projets et rédigé des documents de planification, qui tendent tous vers un objectif de solidarité et de rééquilibrage. Qui peut nier l'intérêt de telles mesures, particulièrement en période de crise sanitaire, économique et sociale ?

« Décomplexifier »

Cependant, l'efficacité de cette action se trouve entravée par une gouvernance inadaptée. S'il en est ainsi, c'est que les pouvoirs publics ont estimé nécessaire de créer un échelon intermédiaire entre la Métropole et les communes : les établissements publics territoriaux. Au nombre de 11, ces établissements publics ont été soumis aux dispositions applicables aux syndicats de communes. Si leur création a pu être justifiée par l'intention louable de préserver une gestion de proximité, leur existence apparait aujourd'hui problématique. Sur la forme, les nombreuses compétences partagées entre la Métropole et les établissements publics territoriaux nuisent à la rapidité et à l'efficacité de l'action. Sur le fond, il est impossible de mener une politique à la hauteur des enjeux métropolitains.

Pour reprendre un terme utilisé par la ministre Jacqueline Gourault, il est temps aujourd'hui de « décomplexifier » un tel système. Cette décomplexification doit en premier lieu concerner les moyens. La Métropole se trouve privée d'un certain nombre de ressources financières, au profit des établissements publics territoriaux. A l'origine, cette privation ne devait être que temporaire. En s'inscrivant dans la durée, elle perd son sens. La Métropole du Grand Paris doit pouvoir bénéficier de la cotisation foncière sur les entreprises (CFE). Cela permettrait de revenir sur une anomalie juridique, à savoir la possibilité laissée aux établissements publics territoriaux, pourtant dénués de fiscalité propre, de percevoir le produit d'une taxe. Cela permettrait surtout de mettre fin à un non-sens de politique publique : comment peut-on sérieusement envisager de résorber les inégalités territoriales à l'échelle de l'agglomération s'il existe 11 taux de CFE différents ? Cette décomplexification doit en second lieu porter sur l'organisation politico-administrative. D'une part, il convient de simplifier l'intercommunalité francilienne. D'autre part, il faut rompre avec la Métropole des égoïsmes. Dans cette double perspective, il convient de supprimer les établissements publics territoriaux sous leur forme actuelle. Cette suppression pourrait être pure et simple. Elle pourrait aussi prendre la forme d'une transformation de ceux-ci en services intégrés de la Métropole, chargés de mettre en œuvre les orientations stratégiques métropolitaines.

Il convient donc de laisser vivre et grandir la toute jeune Métropole du Grand Paris, mais également de lui donner les outils lui permettant de conforter ses actions en faveur de l'amélioration d'un cadre de vie contrasté et de réduction d'inégalités territoriales trop nombreuses. Au fond, il s'agit de renouer avec l'idéal originel et la communauté de destin unissant tous les habitants de l'agglomération parisienne.

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