La France fait de mauvais choix technologiques

OPINION. La défiance, les préjugés, le relativisme, souvent aggravés par de fausses informations, prennent aujourd'hui une ampleur alarmante et alimentent des croyances collectives hermétiques à toute réalité scientifique, tout véritable débat et toute réflexion critique. Par Gérard Kafadaroff, ingénieur agronome, et Jean-Pierre Riou, chroniqueur indépendant sur l'énergie, membres du collectif Science-Technologies-Actions (*).
Vue de la centrale nucléaire de Golfech. le nucléaire est avec l'hydraulique la source d'énergie sans carbone la plus abondante et la mieux pilotable au monde alors que l'intermittence du photovoltaïque et de l'éolien impose des moyens de production complémentaires et des coûts importants de restructuration du réseau.
Vue de la centrale nucléaire de Golfech. le nucléaire est avec l'hydraulique la source d'énergie sans carbone la plus abondante et la mieux pilotable au monde alors que l'intermittence du photovoltaïque et de l'éolien impose des moyens de production complémentaires et des coûts importants de restructuration du réseau. (Crédits : Reuters)

L'accès sans précédent au savoir et à l'information, semble paradoxalement impuissant à impulser un comportement rationnel promu par les philosophes des Lumières. Dans une société imprégnée de technologie, les scientifiques sont peu consultés, voire marginalisés par les décideurs politiques et les influenceurs d'opinion formés le plus souvent aux sciences humaines et réfractaires à la pensée scientifique. Le champ est libre pour les gourous, marchands de peurs et autres oracles médiatiques en délicatesse avec la réalité factuelle. Les fausses informations martelées par des groupes militants et reprises par des médias deviennent vite vérités, contribuant à manipuler l'opinion. Il en résulte des choix de société aberrants et incohérents rarement dénoncés par les esprits les plus éclairés. L'actualité nous fournit d'affligeants exemples, notamment dans les secteurs de l'agriculture et de l'énergie.

La génétique suspecte !

Les OGM présentés dès l'origine, et sans bien savoir pourquoi, comme des plantes dangereuses pour la santé et l'environnement par l'écologisme ont finalement été interdits en France, sans aucune justification scientifique et contre l'avis des agences de sécurité. Pire, la mention « sans OGM » est même devenue un outil marketing de la grande distribution alimentaire pour rassurer les consommateurs.

Et pourtant, en 2017, les OGM étaient cultivés dans 24 pays par 18 millions d'agriculteurs (près de 20 fois le nombre d'agriculteurs français) sur une surface de 190 millions d'hectares (7 fois la surface agricole française). De 1996 à 2017, les surfaces annuelles cumulées d'OGM atteignent 2,3 milliards d'hectares ! Une adoption rapide et massive due aux avantages agronomiques, économiques, sanitaires et environnementaux qu'apportent les OGM et sans dommage ou accident prouvé durant 23 ans. Mais la France n'en a cure et a même interdit le seul OGM autorisé en Europe, un maïs génétiquement modifié résistant à deux insectes ravageurs, qui permet de supprimer des traitements insecticides et d'améliorer la qualité sanitaire du maïs (moins de mycotoxines cancérigènes).

Les biotechnologies végétales offrent d'immenses perspectives à l'agriculture (résistance aux parasites, amélioration de la qualité nutritionnelle, débouchés industriels, tolérance à la sécheresse, etc.), mais la France, en pointe il y a 35 ans dans ce domaine, a perdu son savoir-faire et l'abandonne à d'autres pays agricoles dont elle dépendra à l'avenir.

La chimie mal-aimée !

Tout est chimie dans ce qui nous entoure mais l'utilisation d'intrants chimiques comme les engrais pour nourrir les plantes et surtout les produits phytopharmaceutiques (pesticides) pour les protéger, longtemps appréciés, sont aujourd'hui dénigrés et accusés sans discernement de nuire à l'environnement et à la santé.
L'agriculture biologique (AB) parée de toutes les vertus profite de cet engouement naïf pour le naturel. Plus chère pour le consommateur à cause de rendements plus faibles, elle est présentée comme l'alternative aux pesticides -alors qu'elle en utilise de façon significative- et que sont occultés les risques sanitaires de contaminants biologiques.

L'exemple du glyphosate est révélateur de la dérive irrationnelle de la société. Depuis quelques années, il est devenu une cible privilégiée des écologistes surtout depuis qu'il est utilisé, hors d'Europe, sur des plantes génétiquement modifiées tolérantes à cet herbicide, plantes rejetées aussi par les militants écolos. Très actifs, ces derniers sont parvenus à semer le doute sur le glyphosate dans la population avec l'appui de nombreux médias et de quelques lanceurs d'alerte peu scrupuleux. Le classement contesté du glyphosate «cancérogène probable » (comme la viande rouge) par le seul CIRC en mars 2015 a été une aubaine pour les opposants redoublant d'ardeur pour diaboliser le glyphosate, suivis en cela par les ministres de l'écologie Ségolène Royal et Nicolas Hulot. Mais aussi par le président Emmanuel Macron qui, dans un excès de zèle et de précipitation, a décidé, faisant fi des décisions européennes, de l'interdire en France dans 3 ans, pour récemment, face à la réalité, se déjuger quelque peu.

Et pourtant, ce désherbant, le plus étudié, reste autorisé et utilisé dans tous les pays du monde depuis 44 ans. Un exceptionnel retour d'expérience propre à rassurer les plus récalcitrants ! Il a largement fait la preuve de son intérêt agronomique, économique et de son bon profil toxicologique et écotoxicologique. Toutes les agences d'évaluation sanitaire, française, européennes et internationales, y compris l'OMS maison-mère du CIRC, ont confirmé qu'il n'est ni cancérigène, ni perturbateur endocrinien. Son interdiction, prise sous la pression du puissant lobby écologiste et sans en mesurer les conséquences, va se traduire par un retour du travail mécanique du sol plus cher et émetteur de CO2.

Pire, il entrave le développement des techniques agronomiques de conservation des sols (suppression du travail du sol et implantation d'un couvert végétal en interculture) qui permettent de développer une agriculture durable offrant réduction des coûts, amélioration de la fertilité des sols et réduction des émissions de CO2 grâce à la séquestration du carbone dans le sol.
Ces techniques, certes, nécessitent une application annuelle d'une faible dose de glyphosate (700g/hectare) mais auraient la capacité, si elles étaient généralisées, d'absorber la quasi-totalité des émissions agricoles de CO2. Intérêt majeur qui a échappé aux militants se réclamant de l'écologie.

L'énergie nucléaire redoutée !

Dès 1945, sous l'impulsion du Président De Gaulle, la France a développé un programme de nucléaire civil lui permettant de devenir le deuxième producteur mondial d'électricité nucléaire et d'acquérir une expertise reconnue. Mais, en août 2015, une loi sur la transition énergétique initiée par Ségolène Royal a imposé la réduction de la part d'électricité d'origine nucléaire pour faire place aux énergies renouvelables (EnR).

Et pourtant, le nucléaire est avec l'hydraulique la source d'énergie sans carbone la plus abondante et la mieux pilotable au monde alors que l'intermittence du photovoltaïque et de l'éolien impose des moyens de production complémentaires et des coûts importants de restructuration du réseau. Le seul surcoût des contrats déjà engagés pour les EnR électriques jusqu'à fin 2017 est estimé à 121 milliards d'euros par la Cour des Comptes, pour une production marginale (6% en 2017) susceptible de faire défaut quand on en a le plus besoin. Les épisodes de grand froid sont généralement anticycloniques, c'est-à-dire sans vent, et les pointes de consommation se produisent le soir, après le coucher du soleil . L'éolien et le solaire réclament une place considérable et contribuent par leur dispersion sur le territoire à abîmer nos paysages. Suite à des plaintes de riverains d'éoliennes, l'Académie de médecine préconise dans un rapport de 2017 de durcir la règlementation acoustique des éoliennes et renouvelle sa demande de 2006 d'une étude épidémiologique.

Par ailleurs, en investissant massivement dans les EnR au détriment du nucléaire (et des factures d'électricité de plus en plus élevées), la France perd son expertise dans les réacteurs de nouvelle génération alors que des techniques avancées de production d'énergie nucléaire offrent pour demain des solutions encore plus sûres et plus performantes.
Enfin, il faut rappeler la confusion entretenue auprès de l'opinion publique entre risque et danger. L'énergie nucléaire reste le moyen de production d'électricité responsable du plus petit nombre de décès par unité d'énergie produite, tous incidents et accidents confondus. La gestion des risques est un domaine qui réclame la rigueur et ne doit pas céder à l'émotion.

Ainsi dans deux secteurs importants du pays, des décisions majeures sont prises de façon irrationnelle, sous la pression de l'écologisme politique, sans véritable analyse bénéfices/risques, sans s'appuyer sur l'indispensable expertise scientifique, beaucoup trop absente des grands débats citoyens. Pour une grande part, elles aboutissent à l'inverse du but annoncé et à une régression inquiétante, préjudiciable à la France. Aussi peut-on s'étonner et regretter que la « résolution de l'Assemblée nationale sur les sciences et le progrès dans la République » du 21/02/2017 soit restée sans suite !

(*) Collectif Science-Technologies-Actions https://sciencetechaction.tumblr.com/





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Commentaires 22
à écrit le 23/02/2019 à 7:51
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41% de lymphomes en plus, chez les agriculteurs utilisant du glyphosate. C'est effectivement une belle preuve d'innocuité. J'ai arrêté de lire à ce chapitre. On doit y trouver une belle série d'infox.

à écrit le 22/02/2019 à 10:15
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Tout le monde est responsable et notamment les médias ( et les politiques...)où très souvent les infos sont partiales et idéologiques. Donc je ne vois pas comment avancer sereinement et efficacement dans un débat ouvert à toutes discussions. Aujourd...

à écrit le 21/02/2019 à 14:32
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Et l'article ne parle pas du meilleur , la loi de transition energétique qui coûte 20 milliards d'euros par an sans résultat mesurable et pour laquelle personne ne sait ce que devient cet argent. Comme quoi la politique du café du commerce est un bel...

à écrit le 21/02/2019 à 13:27
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et donc, La Tribune publie directement, sans mise en contexte, une tribune pro-ogm de ce M. Kadaroff, ancien directeur chez Monsanto (une simple recherche Karadoff +monsanto vous donnera son cv). Je découvre d'ailleurs que ce monsieur tient salon à L...

à écrit le 21/02/2019 à 11:06
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en gros il veut que l'on fasse comme les autres et que l'on arrête la différence !

à écrit le 21/02/2019 à 10:39
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Le problème de cette article c'est le parcours de l'auteur, ses anciennes fonctions chez Monsanto suscitent le doute. Et pourtant il n'a pas tord lorsque dit que les journalistes manquent souvent de discernement et de connaissances. Par exemple si o...

à écrit le 21/02/2019 à 10:16
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Ces critiques pourraient se résumer, à mon humble avis, à la privatisation de la course au progrès. Dans le années 1970, le beau pays de mon enfance possédait des politiques claires soutenues par de puissantes directions techniques qui ne sont plus q...

à écrit le 21/02/2019 à 9:07
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Article comique, je ne savais pas que l'on était le 1er Avril. Et ça se dit scientifique...

à écrit le 21/02/2019 à 5:48
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Dans l'Albigeois terreaux des ancetres, il etait coutume de boire l'eau des trois puits creuses par nos anciens. Enfant, dans les annees antediluviennes il etait possible d'en boire le liquide frais et clair. Aujourd'hui il est toujours frais et cla...

à écrit le 21/02/2019 à 2:42
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Pas grave. Juste une question d'argent.

à écrit le 21/02/2019 à 1:10
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En parlant de mauvais choix technologique, pourquoi s'entêter à utiliser l'uranium alors qu'on sait que le thorium est bien moins dangereux ?? Pour le reste, je suis d'accord.

à écrit le 20/02/2019 à 23:20
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Un bel article de lobbyistes et de scientistes. Aucun argument factuel. De nombreux mensonges et contrevérités. En somme, de l’infox pure et dure.

le 21/02/2019 à 5:35
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Voilà bien un commentaire qui apporte de l'eau au moulin pour ce qui est des arguments factuels. Pouvez-vous développer légèrement votre argumentation?

à écrit le 20/02/2019 à 21:50
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fusion froide, engrais bio,hydrolienne ondulatoire,hydrogene j'en passe... le tout parfaitement opérationnel avec financement... vive le pétrole article dépassé et ringard note:0

à écrit le 20/02/2019 à 20:59
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Gérard Kafaradoff est un ancien directeur de Monsanto. Qu’ajouter de plus?

à écrit le 20/02/2019 à 20:19
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Voici l’exemple delirante sur le nucleaire. Le plus grande CNPE aux Etats Unis est pres de Phoenix, AZ – dans le desert. Priorite numero 1 pour localisation d’un CNPE ? Eau, pour le refroidissement, sans laquelle (loss of coolant) le cœur se fusionne...

le 23/02/2019 à 11:54
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@ Bonaparte, Phoenix est installée au confluent de 3 rivières qui descendent des Rocheuses et qui alimentent en eau environ la moitié de la population. Le complément est apporté par un aqueduc de 200 km qui vient du Colorado. La population a augmenté...

à écrit le 20/02/2019 à 20:09
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Pardonnez moi, le livre s'appelle "Secret Falloout" par le egalement celebre Dr Ernest Sternglass. Chapitre 16, The Minds of the Children.

à écrit le 20/02/2019 à 19:51
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Ce monsieur ne sont pas des scientifiques! Ils sont des lobbyistes!

à écrit le 20/02/2019 à 19:43
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Ces messieurs sont certainement “hermétiques à toute réalité scientifique”. Ils sont tres tres selectifs dans leur selection des faits. OGM: les effets devastrices des plantes avec le Bt toxine en generant des insectes resistantes au Bt toxin – r...

le 20/02/2019 à 20:23
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" 15 ans de production d’electricite seulement pour l’energie qui entrait dans la production des matieres de construction" Avez vous une source fiable pou affirmer une chose pareille?

le 21/02/2019 à 11:48
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L’énergie nucléaire n'est pas celle qui consomme le plus de beton. En effet pour l’EPR de Flamanville (750 000 tonnes) et une éolienne de 2 MW (1500 tonnes). La production d’électricité de l’EPR, sur toute sa durée de vie (60 ans) sera d’environ 700...

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