Le reflux international de la vague populiste d'extrême droite  ?

OPINION. Dans les urnes, les partis populistes ont récemment aligné des résultats mitigés ou en chute libre un peu partout en Europe (et pas seulement). Face aux grands enjeux du moment, assiste-t-on à un reflux du souverainisme et de l'illibéralisme, au bénéfice de l'État traditionnel ? Par Cyrille Schott, préfet honoraire de région, ancien directeur de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice.
Cyrille Schott
Le 27 juin, au soir du deuxième tour des élections régionales, Marine Le Pen, la cheffe du Rassemblement National (extrême droite) réagit brièvement et sans tergiverser aux résultats de son parti en forte baisse: Ce soir, nous ne prendrons pas de région.
Le 27 juin, au soir du deuxième tour des élections régionales, Marine Le Pen, la cheffe du Rassemblement National (extrême droite) réagit brièvement et sans tergiverser aux résultats de son parti en forte baisse: "Ce soir, nous ne prendrons pas de région". (Crédits : Reuters)

Aux élections françaises, régionales et départementales, le reflux du Rassemblement National (RN) en juin 2021 a frappé : recul de 9,2 points de ses listes au premier tour des régionales, en passant de 28,4 % des suffrages exprimés à 19,2 %.

Les médias ont plutôt avancé deux explications: les électeurs favorables au RN se seraient plus massivement réfugiés que les autres dans l'abstention ; la ligne incarnée par Marine Le Pen en aurait démobilisé une partie. Cependant, les analyses post-électorales ont montré que les électeurs des cantons les plus favorables au RN aux précédentes élections départementales ne s'étaient pas plus abstenus que ceux des cantons les moins favorables.

En Allemagne, l'AfD (extrême-droite) sur la même pente

Peu auparavant, les élections au Landtag (parlement régional) de Saxe-Anhalt, dans l'ancienne Allemagne de l'Est, ont de même étonné, par le recul du parti d'extrême-droite AfD, choisi par 20,8% des votants, contre 24,3 % en 2016, et défait face à la CDU (l'Union chrétienne-démocrate, parti auquel appartient Angela Merkel), alors que les pronostics le voyaient en tête, avec un score très supérieur.

En mars, en recul de 4,3 points, l'AfD avait dû se contenter de 8,3% des voix en Rhénanie-Palatinat et, en recul de 5,4 points, de 9,7 % en Bade-Wurtemberg, ses résultats à l'Ouest ayant, par ailleurs, toujours été très inférieurs à ceux obtenus à l'Est.

En Europe centrale, la poussée eurosceptique faiblit

Déjà, aux dernières élections européennes de mai 2019, la vague populiste envisagée ne s'était pas produite et la poussée europhobe ou eurosceptique avait été contenue, voire stoppée.

La même année, en Europe centrale, où le souverainisme et l'illibéralisme semblaient être la tendance dominante, les résultats de cette mouvance avaient été mitigés. Les Roumains avaient réélu leur président libéral et europhile, les Croates avaient choisi un président social-démocrate, qui avait insisté sur la « normalité » de son pays au sein de l'Europe. En Pologne, aux élections législatives d'octobre 2019, si le parti au pouvoir avait gagné, il avait cependant perdu la majorité au Sénat et, aux élections présidentielles en juin et juillet 2020, son candidat, Andrzej Duda ne l'avait emporté que par 51,03 % des voix. En Hongrie, aux élections municipales, en octobre 2019, le Fidesz, le parti de Victor Orban, avait subi des revers dans les villes, notamment à Budapest, la capitale, et n'avait conservé le contrôle que de 13 des 23 plus grandes villes, contre 20 auparavant.

Aux États-Unis, la défaite du populiste Donald Trump

Le regard porté au-delà de l'Europe oblige à considérer le résultat des élections américaines de novembre 2020, où le candidat démocrate Joe Biden, l'a emporté, au terme d'une mobilisation inédite de l'électorat, par 7 millions de voix face au candidat populiste Donald Trump (81,27 millions contre 74,22).

Ces éléments, mis ensemble, conduisent à une interrogation : la vague populiste souverainiste et d'extrême droite n'est-elle pas en reflux ? En Europe, voire dans le monde ? Ce qui conduirait à situer l'évolution apparue en France dans un contexte plus vaste, international.

Protection des populations face au Covid: les populistes n'ont pas brillé

Certaines observations pourraient soutenir cette idée. Dans la gestion de la pandémie, les gouvernements, choisis comme modèles par les populistes, n'ont pas brillé, bien au contraire, alignant les résultats les plus mauvais en termes de protection des populations, que ce soit en Hongrie, en Pologne, au Brésil ou aux États-Unis. Le Royaume-Uni de Boris Johnson, admiré par le RN, n'a pas plus convaincu, même si, in fine, il a mis l'accent sur la vaccination, montrant, au passage, un bel égoïsme par rapport aux autres Européens.

En France, le RN s'est enfermé dans une posture de critique systématique des diverses mesures de préservation de la santé des concitoyens, sans propositions sérieuses en face. Les Français ont pu constater, par le fait, combien certaines idées, comme le bonheur apporté par la fermeture des frontières, étaient fausses. L'Europe, par-delà les critiques, a su imposer son incontournable présence dans la recherche de la maîtrise du virus.

Santé, climat, relance, inégalités... le retour de l'État traditionnel?

Surtout, de nouvelles préoccupations semblent s'imposer en Europe et dans le monde : la lutte contre le changement climatique et la préservation de la vie sur la planète ; après la vague néo-libérale, le retour de l'intervention de l'État, dans la relance de l'économie, la réalisation des infrastructures et services publics nécessaires à la vie du pays, la lutte contre les excès de l'inégalité.

La réponse à la question du reflux reste, certes, incertaine. Les manifestations contre les mesures de maîtrise de la pandémie, en France et ailleurs, montrent que le populisme sait toujours donner de la voix dans la rue... qui n'est toutefois pas l'urne. Quoi qu'il en soit, les commentateurs ont raison de mettre un gros point d'interrogation sur ce qui paraissait une certitude jusqu'il y a peu : la présence de Marine Le Pen au second tour des élections présidentielles.

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L'AUTEUR

(*) Cyrille Schott est préfet honoraire de région, ancien directeur de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ).

Cyrille Schott

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Commentaires 4
à écrit le 03/08/2021 à 22:25
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Vous avez beau jeu de vous moquer vous les insiders, mais globalement les gens auront le choix entre l'extrême gauche, l 'extrême droite et l'extrême rien. Pas de quoi bander devant l'urne

à écrit le 03/08/2021 à 20:52
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Après le temps des complotistes, voici revenu le temps des démagos ! Souvenez-vous en 2017, « hors moi, tous des démagos », c’était bien avant le premier tour

à écrit le 03/08/2021 à 9:21
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Où voyez vous du populisme dans cette "extrême", rentré dans le rang de l'UE de Bruxelles, qui ne sert que d'épouvantail a bon compte?

à écrit le 03/08/2021 à 8:33
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Préfet bon sang ! Vous avez un bagage d'études hallucinant et vous nous servez la pire soupe démago ! Un peu d'amour propre que diable ! Nous sommes la seule civilisation digne de ce nom selon le remarquable penseur qu'était Nietzsche quand même ! Le...

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