Privatiser ADP peut-être, mais comment ?

OPINION. Alors que les débats font rage sur la privatisation d'ADP en cours d'examen à l'Assemblée nationale, Alain Falque, consultant aéroportuaire livre son analyse sur le sujet.
Un système aéroportuaire n'est pas une entreprise comme les autres. Il a un rôle fondamental dans l'aménagement du territoire et sa politique de développement doit s'insérer dans le cadre régional et national.

Le débat qui s'est engagé sur la privatisation d'ADP et celle de Toulouse a mis en évidence l'approche purement financière de ces opérations. Dans son rapport sur la privatisation de Toulouse, la Cour des comptes a d'ailleurs souligné l'importance des sommes consacrées à la seule ingénierie financière. Aujourd'hui le débat concernant ADP est essentiellement centré sur le fait de savoir si l'opération est une bonne ou mauvaise affaire financière pour la collectivité nationale. Les garanties avancées sur la régulation éloignent le "spectre des autoroutes", mais ne traitent pas de la stratégie de développement; les évolutions tarifaires étant liées aux investissements qui sont du ressort du seul nouvel actionnaire majoritaire. L'autorité de Régulation n'en a ni les moyens ni le pouvoir.

Rôle fondamental dans l'aménagement du territoire

Un système aéroportuaire n'est pas une entreprise comme les autres. Il a un rôle fondamental dans l'aménagement du territoire et sa politique de développement doit s'insérer dans le cadre régional et national. C'est cet aspect qui fait, qu'à l'exception des aéroports du Royaume-Uni, les grands aéroports européens ou ailleurs dans le monde ont toujours une part du capital dévolu à l'autorité régionale et/ou nationale, même lorsqu'ils sont partiellement en Bourse. C'est le cas par exemple des aéroport d'Allemagne (Francfort qui est en concurrence avec ADP, et Munich).

Comment exclure de tout pouvoir de contrôle les entités en charge du développement régional, alors même que les aéroports parisiens représentent une part importante du PIB de la Région Île-de-France ? Comment exclure tout contrôle sur la stratégie de développement face aux problèmes environnementaux, sans tenir compte de l'intégration de l'aéroport dans les tissus urbains environnants? La politique d'investissement est étroitement associée à ces contextes, les débats récents sur le CDG express et la ligne 17 (pour la desserte de l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle ) ou encore la position de la direction d'Air France sur le terminal 4 l'ont bien montré.

Quelle politique doit-on mener à l'égard d' Air France qui assure plus de la moitié du trafic des plates-formes parisiennes et dont l'Etat est actionnaire de référence avec des droits de vote préférentiel ? Le point commun entre ADP et Air France sera la participation de l'Etat Hollandais actionnaire d'ADP à travers l'aéroport de Schiphol a hauteur de 8% ?

Ce qui est en cause, ce n'est pas la "privatisation", (l'Etat ne fait pas une mauvaise affaire ADP n'ayant rien coûté à la collectivité publique depuis sa création) -c'est son droit d'actionnaire-, mais la composition de l'actionnariat futur et les modalités de l'opération. La présence de la Région Île-de-France, principale autorité organisatrice de l'espace dans lequel se situent les aéroports parisiens, avec des droits de vote significatifs, ne peut être écartée d'un revers de la main. Les choix stratégiques faits par ADP impactent directement l'aménagement et l'économie de la Région.

Problème déontologique

Les modalités de la privatisation prévoyant l'indemnisation des actionnaires actuels posent un problème pratique et déontologique. En effet, le dispositif (inscrit dans la loi) ayant précédé l'introduction en Bourse d'une partie du capital en 2005 prévoyait qu'en cas de cession des actifs fonciers, 70% de la plus-value irait à l'Etat. La question de savoir qui va estimer cette plus-value et comment n'est pas sans importance vis à vis de la collectivité nationale...

Le maintien en l'état de l'ensemble ADP avec une concession de 70 ans ne correspond pas à une forme de gestion compatible avec ce qu'est aujourd'hui devenu ADP. Les filiales aéroportuaires représentent un trafic équivalent à celui d'ADP même si la fermeture de l'aéroport d'Istanbul d'Atatürk diminuera significativement ce volume. L'acquéreur ou les acquéreurs de la particiaption de l'Etat seront de facto les acquéreurs de ces aéroports généralement concédés. La durée de 70 ans de la concession est de fait une vente (On est en fait dans un cadre similaire à un bail emphytéotique).

Pourquoi ne pas avoir transformé ADP en une holding privée?

Pourquoi ne pas avoir transformé ADP en une holding (privée) avec une structure actionnariale appropriée (tout en conservant la propriété de l'ensemble) et donné les aéroports parisiens en concession d'exploitation ? L'opération financière pour l'Etat serait inchangée voire même améliorée dans la mesure où la concession d'exploitation donnerait par ailleurs lieu à rémunération de la holding. Ce schéma est beaucoup plus compatible avec la gestion d'un ensemble aéroportuaire de cette importance et les contraintes contemporaines liées au transport aérien, qu'il s"agisse d'environnement, ou même de droits de trafic, dont la gestion relève des accords internationaux entre Etats.

Sans doute l'intérêt des acheteurs pourrait être moindre (ce qui n'est pas sur), dans le schéma actuellement prévu un des acheteurs potentiel a indiqué qu'il serait intéressé à condition d'avoir le pleins pouvoir de gestion... et c'est tout à fait normal. Avoir une régulation « interne » par la présence au capital de ceux qui en sont les partenaires territoriaux garants de l'intérêt régional et national?

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.