« Notre objectif est de créer une peau artificielle prête à l'emploi », (Tristan Le Lous, président de Urgo)

INTERVIEW. Tristan Le Lous est le nouveau président, élu pour trois ans, du groupe familial Urgo, implanté dans la métropole de Dijon (Côte-d’Or). Plusieurs défis innovants attendent le spécialiste français du traitement médical des plaies, mais ce qui anime le patron de ce fleuron de l’industrie de santé, c’est la conquête de nouveaux marchés à l'international.
Tristan Le Lous, président du groupe dijonnais Urgo.
Tristan Le Lous, président du groupe dijonnais Urgo. (Crédits : URGO)

LA TRIBUNE - En septembre dernier, vous repreniez la présidence du Groupe de santé Urgo, après les trois ans de mandat de votre frère Briac Le Lous. Dans trois ans, c'est le troisième frère - Guirec - qui prendra votre place. Pourquoi ce modèle de gouvernance alternée ?

Tristan Le Lous - C'est unique à ma connaissance dans l'industrie en France. C'était une volonté commune de poursuivre cette aventure et de maintenir Urgo dans le giron familial afin de garder notre indépendance. Cela nous permet de nous positionner sur le temps long et de ne pas dépendre d'investisseurs, ni de pression financière d'une banque. Aujourd'hui, Urgo c'est 3.500 collaborateurs, dont 1.800 en France où nous réalisons 50% de notre chiffre d'affaires. Depuis 140 ans, notre ancrage territorial est en Bourgogne avec plus de 1.000 collaborateurs.

Urgo a été fondé en 1880 et était initialement une droguerie dijonnaise. Votre grand-père a décidé de réinvestir ce qu'il gagnait dans la recherche médicale et le savoir-faire industriel. C'est ainsi qu'il a découvert les premiers traitements contre le cholestérol. Cette stratégie est-elle inscrite dans l'ADN de votre entreprise ?

L'innovation est effectivement la clé de notre développement. Notre chiffre d'affaires est en hausse de 10% en 2022 pour atteindre 750 millions d'euros. Mon ambition est de poursuivre nos deux programmes d'investissement lancés au cours de la décennie 2020/2030. Le premier prévoit 80 millions d'euros pour nos sites industriels. Notre usine principale est à Dijon et nous avons quatre usines au total en France, dans des bassins d'emploi parfois complexes, tels que Forbach (Lorraine), Valenciennes (Haut-de-France) ou Veauche (Loire) qui a récemment profité d'une extension pour 15 millions d'euros.

Le second programme pèse 300 millions d'euros pour la recherche, dont 100 millions d'euros pour notre projet futuriste appelé « Genesis ».

En quoi ce projet est-il une innovation disruptive ?

Le marché que nous visons avec le projet « Genesis » est celui du traitement des grands brûlés. Rappelez-vous ce film « Sauver ou Périr », réalisé par Frédéric Tellier, avec Pierre Niney, qui raconte le parcours du combattant d'un pompier brulé au troisième degré. Cette histoire illustre parfaitement la complexité de la prise en charge à l'hôpital de ce type de cas. Actuellement, les équipes de soignants sont obligées de prélever de la peau saine pour ensuite la greffer là où il n'y a plus de peau. Parfois, il faut près de 20 autogreffes, longues et douloureuses. Avec Genesis, notre objectif est de créer une peau artificielle prête à l'emploi que l'on pourra poser tout de suite sur l'intégralité de la surface brulée, en un seul jour ! C'est un projet qui a un fort potentiel, sur le marché américain notamment.

Cela faisait une quinzaine d'années que vous cherchiez justement un moyen d'aborder le marché américain, sans vraiment y parvenir. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Il faut savoir que la cicatrisation avancée - dispositifs médicaux de haute technologie pour le traitement de plaies chroniques, tels que des ulcères de jambes ou ulcères de pied diabétique - qui représente 50% de notre chiffre d'affaires, est un marché mature aux États-Unis. Nous, nous arrivons après tout le monde. Nous avions démarré il y a quinze ans, avec une coopérative pour groupements hospitaliers mais n'avions pas réussi à monter une dynamique commerciale. Ensuite, nous avons plutôt cherché à réaliser une acquisition. Nous avons compris que nous ne pourrions y arriver qu'à travers des innovations et des produits suffisamment différenciants par rapport aux marques qui sont déjà bien établies sur le marché.

D'où le rachat de l'américain SteadMed, en 2018 ?

SteadMed s'appelle désormais Urgo Medical North America. C'est une filiale à part entière d'Urgo Medical. En 2019, elle faisait 13 millions d'euros de chiffre d'affaires. Elle en réalise 50 millions aujourd'hui. Si la trajectoire se poursuit, nous devrions atteindre les 100 millions en 2026. Ce qui nous permettra d'avoir désormais une base commerciale solide et complète pour les États-Unis, sachant que c'est le premier marché de la cicatrisation avancée. Nous nous développons très vite sur ce marché, compensant notre retard par rapport à nos concurrents.

Quels leviers mettez-vous en place pour développer cette filiale ?

Nous étendons la force de vente de nos visiteurs médicaux de manière accélérée chaque année. Ce sont des investissements importants car il faut les recruter, les former les mettre sur le terrain, leur apprendre le métier de la cicatrisation avancée. Or, ce sont des métiers qui sont techniques, très médicalisés.

Concrètement, quelles sont vos ambitions aux pays de l'oncle Sam ?

Il faut absolument que nous maintenions ce rythme de croissance ambitieux aux États-Unis pour avoir une filiale complète couvrant le territoire à horizon 2026. L'international est, avec l'innovation, un moteur de croissance important pour le groupe. A côté des Etats-Unis, l'Italie connait également une belle croissance via notre offre de produits grand public, que nous retrouvons dans nos trousses à pharmacie. Pour revenir aux USA, notre projet de peau artificielle a beaucoup de potentiel sur ce marché qui valorise ce type d'innovation disruptive.

Notre ambition serait de combiner ces deux dates : 2026 avec une filiale qui pèserait 100 millions d'euros - grâce à une force de vente complète aux États-Unis - puis 2032 avec le lancement de Genesis sur le marché américain.

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