Franck Leroy, un champenois d'adoption élu à la présidence du Grand Est suite à la démission de Jean Rottner

GRAND EST. L'ancien maire d'Epernay succède à Jean Rottner, démissionnaire. Il promet la continuité de l'action de son prédécesseur et devra affronter les velléités séparatistes de quelques élus alsaciens.
Franck Leroy, maire d'Epernay (Marne) depuis 2000, devrait accorder une attention particulière à la viticulture.
Franck Leroy, maire d'Epernay (Marne) depuis 2000, devrait accorder une attention particulière à la viticulture. (Crédits : Olivier Mirguet)

En accédant vendredi 13 janvier à la présidence du Conseil régional du Grand Est, où il succède à Jean Rottner (LR), démissionnaire le 20 décembre, le centriste Franck Leroy apparaît comme le premier non-Alsacien à la tête de cette région issue de la fusion de l'Alsace, de la Lorraine et de Champagne-Ardenne en 2016.

Elu avec 94 voix sur 169, Franck Leroy sort vainqueur d'un scrutin qui ne laissait pas de place au doute face au candidat d'extrême droite et député (RN) de la Moselle Laurent Jacobelli. Les écologistes et la gauche n'ont pas présenté de candidat. « Mon élection a pour effet immédiat de mettre fin à mes fonctions de maire d'Épernay », a annoncé Franck Leroy à l'issue du scrutin. Issu de l'UDI et du CDS (Centre des démocrates sociaux), ce champenois d'adoption quitte également Horizons, le parti d'Edouard Philippe, pour satisfaire à la demande des élus de droite à la Région Grand Est. « Je suis centriste et européen », a-t-il pris l'habitude de résumer lorsqu'on l'interroge sur son positionnement politique.

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La démission de Jean Rottner sur fond de conflit d'intérêts

Les conditions de la démission de Jean Rottner auraient pu semer le trouble sur l'élection de son successeur. Il n'en a rien été. Le 20 décembre, Jean Rottner avait annoncé son renoncement à ses mandats « pour raisons familiales ». Quelques jours plus tard, le groupe immobilier Réalités a révélé la création d'une direction régionale dans le Grand Est, dirigée par Jean Rottner. Au début du mois de janvier, la presse régionale a révélé les fonctions de consultant occupées deux jours par mois par l'ancien président de la Région, rémunérées 2.500 euros par jour par un cabinet parisien. L'annonce a terni l'image d'un président de Région qui s'était hissé à la pointe du combat politique pendant la crise sanitaire, qualifiant l'inaction du gouvernement de « scandale d'Etat ».

Ce jeudi, l'association AC!!, luttant contre la corruption, a annoncé avoir déposé une plainte contre X au parquet national financier pour favoritisme et prise illégale d'intérêts à la suite de la démission de Jean Rottner.

En parallèle, la présidence de Franck Leroy, premier vice-président sortant et déjà successeur par intérim de Jean Rottner depuis le 20 décembre, n'a pas aiguisé de velléités parmi les ténors de la droite régionale. « Franck Leroy est très pragmatique », a observé Thibaud Philipps, vice-président délégué aux transports et vice-président de la commission Finances de la collectivité. « Des garanties ont été offertes pour respecter les équilibres politiques. Les vice-présidents en fonction ont été réélus. Franck Leroy souhaite mettre en place une continuité avec l'action de Jean Rottner. Pour preuve, il a maintenu en place les collaborateurs du cabinet ».

« Franck Leroy cultive une vraie proximité avec les responsables économiques », poursuit la nancéienne Valérie Debord (LR), issue de l'UDF et proche du président sortant. La proximité de la vice-présidente en charge de l'emploi et de la formation avec Jean Rottner aurait pu lui permettre de prétendre à la présidence régionale.

Les désirs des Alsaciens

Franck Leroy devra faire front face à certains élus de la droite alsacienne qui se déclarent favorables à la sortie du Grand Est. Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d'Alsace ou le député du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger prônent depuis plusieurs mois un redécoupage territorial avec la sortie de l'Alsace du Grand-Est. L'intégration de l'Alsace dans ce nouvel ensemble continue de faire débat, six ans après l'entrée en vigueur de réforme territoriale. « Ce sujet n'a pas été facile à porter par les deux derniers présidents alsaciens, Philippe Richert et Jean Rottner », reconnaît Thibaud Philipps. « Ils ont été insultés plus que de raison. Les limites administratives des régions sont fixées par la loi et il n'est pas prévu de la changer. L'assemblée nationale a d'autres sujets à traiter, bien plus essentiels ».

Franck Leroy, qui n'est pas issu du terroir alsacien, pourra aborder la polémique avec davantage de détachement. « Des personnes instrumentalisées par le repli identitaire ont agité cet argument ultra-minoritaire. La scission n'aura pas lieu parce qu'il existe un rempart infranchissable : c'est la loi », a déjà tranché Valérie Debord.

Originaire de Boulogne-sur-Mer, Franck Leroy a succédé en 2000 à l'ancien ministre Bernard Stasi à la mairie d'Epernay. Son entourage pointe son action à la mairie comme fil conducteur de son action à venir dans le Grand Est : « écologie, économie, aménagement du territoire ». Lors d'un entretien accordé à La Tribune avant la démission de Jean Rottner, Franck Leroy avait fait état de son attention portée à la sobriété foncière. « Epernay ne se développe pas démographiquement parce que l'immobilier est devenu une denrée trop rare. Nous devons y être très attentifs. Dans ma ville, toutes les friches militaires ont été immédiatement réutilisées, rachetées dès 2003 par l'agglomération et par des promoteurs. Une manne de plus de 60 hectares », a-t-il rappelé.

Franck Leroy ne cache pas non plus son attention portée à la viticulture, à ses fournisseurs et à ses débouchés. « A Epernay, tout l'écosystème local attend les vendanges. Les salaires minimaux dans les maisons de champagne n'ont rien à voir avec le Smic. C'est un avantage », estime l'élu. « Le réchauffement climatique représentera une menace à long terme sur le vignoble, si rien n'est entrepris pour le prévenir. On ne pourra pas, à nous seuls, empêcher le climat de se réchauffer. Notre défi collectif consistera à conserver notre avance », a promis Franck Leroy.

Quelle sera sa position sur le redécoupage administratif réclamé par certains alsaciens ? « Le Grand Est, je suis convaincu que c'est la bonne taille. C'est une région qui a des identités et un outil au service des identités territoriales, dotée d'une puissance d'investissement et présente dans tous les secteurs de la recherche », répond Franck Leroy. « Unis, nous sommes plus crédibles pour discuter avec nos voisins, la Wallonie, le Luxembourg ou le Bade-Wurtemberg, mais aussi avec la SNCF. Le débat sur le Grand Est est virtuellement terminé, la messe est dite ».

Priorités à l'artisanat et aux transports

« Mon élection ne modifie pas les équilibres politiques au sein du Grand-Est », a estimé Franck Leroy, interrogé par La Tribune après son élection. « La majorité qui me soutient est celle qui soutenait Jean Rottner. On a un pacte majoritaire qu'on va mettre en œuvre au cours des années qui viennent. Certains membres du groupe de Christophe Choserot (Centristes et Territoires, NDLR) ont sans doute voté pour moi, tout en réaffirmant qu'ils se trouvent dans l'opposition. Des collaborations sont possibles. Manifestement, ma personnalité ne les heurte pas ».

Franck Leroy a précisé la nature des premières actions envisagées à la présidence du Grand-Est. « Une série de mesures vont être prises très rapidement pour soutenir les artisans, les boulangers, les bouchers, les charcutiers confrontés aux problèmes énergétiques. Nous allons accélérer les transitions écologiques et énergétiques. Nous devons soutenir toutes les initiatives de relocalisation, faire en sorte que nos transports fonctionnent mieux. La SNCF a eu beaucoup de mal à faire circuler les trains, notamment sur le réseau express métropolitain de Strasbourg, sur lequel nous avons mis des moyens importants. L'exploitation ne suit pas. Nous attendons des garanties de la part de la SNCF ». La Région Grand-Est et l'Eurométropole de Strasbourg ont annoncé le 17 janvier un ralentissement de la montée en cadence du réseau express strasbourgeois : la moitié seulement des 800 trains hebdomadaires supplémentaires circulent actuellement dans la périphérie de la capitale alsacienne.

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