Economie circulaire : Renaissance Textile amorce le recyclage de tissus en France

A Changé, en Mayenne, trois industriels du textile de l’Ouest se sont associés pour fonder Renaissance Textile et jeter ainsi les bases du recyclage des vêtements en France. Lancée en début d’année, l’entreprise vise l’absorption de 1000 tonnes de tissus « en fin de première vie » cette année, et trois à quatre fois plus d’ici à trois ans. Une goutte d’eau au regard des deux milliards de produits textile en fin de première vie chaque année dans l’Hexagone.
Les fibres textiles produites par Renaissance Textile pourront être plus ou moins injectées dans la composition des fils selon la destination et l'usage des tissus.
Les fibres textiles produites par Renaissance Textile pourront être plus ou moins injectées dans la composition des fils selon la destination et l'usage des tissus. (Crédits : Lucas Pavy)

Dimensionnés pour absorber mille tonnes de tissus blancs ou écrus par an, Renaissance Textile devrait implanter deux nouvelles lignes de production de fibres d'ici à trois ans, à Changé en Mayenne. L'une pour les tissus de couleurs, l'autre pour les textiles spéciaux. L'entreprise mayennaise serait alors en mesure de recycler 4.000 à 4.500 tonnes de vêtements et de linge de maison par an, soit plus de 10 millions de vêtements.

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« Et l'on cherche des solutions pour les 15% de pertes occasionnées par la déstructuration des vêtements. Soit environ un tiers de boutons métalliques qui pourraient être recyclés, un tiers de fibres plus courtes pouvant être utilisés pour des isolants et un tiers de poussière qui fait l'objet de tests dans le secteur de la plasturgie...», détaille Nicolas Nojac, directeur d'exploitation de Renaissance Textile, née de la volonté de trois industriels (TDV Industries, Mulliez-Flory, Les Tissages de Charlieu) de l'Ouest de répondre à une demande soutenue du marché pour les produits recyclés.

Un enjeu colossal

« Nos clients institutionnels et administrations nous demandent de plus en plus de produits issus de l'économie circulaire dans leurs appels d'offres, conditionnées par la loi AGEC (Anti-gaspillage pour une économie circulaire). Il fallait aller au-delà des promesses de RSE et fournir des preuves de notre engagement», explique Jacques Gindre, PDG du groupe Mulliez-Flory, spécialisé dans la fabrication de vêtements d'image et de travail.

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Or, « pour installer un Textile Circulaire® qui soit une solution de décarbonation à l'échelle de la planète, il faut viser à donner à chaque produit textile en fin de première vie, au minimum une nouvelle vie identique », ajoute Christophe Lambert, président de Renaissance Textile. C'est le défi technique, économique et sociétal dans lequel s'est engagée Renaissance textile, face à un marché du textile « en fin de première vie », estimé à deux milliards de pièces par an. Un enjeu colossal pour un secteur dont l'empreinte carbone du secteur du textile en France serait équivalente à 6 fois les émissions de gaz à effet de transport aérien.

« Cette industrie génère plus de GES que les vols internationaux et le trafic maritime réunis, et consomme 4% de l'eau potable du monde », rappelaient Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Bérangère Couillard, secrétaire d'État chargée de l'Écologie.

Pour rappel, le ministre a présenté une feuille de route 2023-2028, en novembre dernier, pour repenser la filière textile à travers cinq chantiers prioritaires, dont la refabrication de vêtements neufs à partir de vêtements et chaussures collectés et la construction d'une filière pour refabriquer des fibres recyclées, sans puiser dans de nouvelles ressources. Un plan en cinq points bénéficiant d'un milliard de financement.

Chez les professionnels, d'abord...

A Changé, les trois industriels investissent 25 millions d'euros dans cette opération inédite, considérée comme une première mondiale. Neuf millions d'euros ont d'ores et déjà été injectés pour acquérir un bâtiment de 12.000 m² et développer une première ligne d'effilochage, mise en service en début d'année, et développer, avec l'industriel lyonnais Laroche-Andritz, une machine innovante capable d'extraire de façon automatique les points durs (boutons, fermetures éclair...) des vestes et pantalons collectés, tout en augmentant la proportion de tissu recyclé.

« On récupère ainsi 85% du tissus contre 50%, auparavant lors d'opérations manuelles qui consistent à couper le short », explique Nicolas Nojac, qui dès 2015, avait été missionné par le fabricant de tissus techniques TDV Industries pour réfléchir au recyclage des textiles et à sa rentabilité.

L'enlèvement manuel des points durs revenait à 8 euros le kilo quand un kilo de coton vierge se trouvait sur le marché à 1,70 euros. « C'est tout l'enjeu du modèle économique que nous cherchons à mettre en place», reconnaît le dirigeant de Renaissance Textile. L'activité démarre en se focalisant sur les tissus professionnels collectés par les blanchisseries industrielles et des loueurs de linge (Elis, Initial, Kalhyge, Anett...) auprès des acteurs de la santé, de l'agroalimentaire ou de l'hôtellerie-restauration. Des textiles jusque-là très peu valorisés et pour beaucoup incinérés.

...la fast fashion, ensuite

De haute qualité, les fibres produites sont ensuite commercialisées auprès de filateurs européens (Espagne, Italie, Suisse...), selon les normes et les cahiers des charges voulus. Celles-ci seront ensuite injectées dans les fils, utilisés pour le tissage entrant dans la fabrication de vêtements professionnels.

« Selon les performances et les exigences attendues, les filateurs pourront intégrer plus ou moins de fibres recyclées, selon que le produit final se destine à des conditions extrêmes soumises à des lavages industriels intensifs ou à du packaging comme les totes bags », indique Nicolas Nojac, aujourd'hui, concentré sur de nombreux tests pour les filateurs.

« Le recyclage est dans l'air du temps. Beaucoup de clients nous demandent de faire des essais », observe-t-il.  La mise en œuvre des deuxième et troisième lignes (couleurs, matières...) d'effilochage permettra d'asseoir le concept, d'accroître la flexibilité de l'outil de production et de toucher au prêt-à-porter et la fameuse fast-fashion. L'entreprise aura alors la capacité de traiter 12.000 tonnes de vêtements, encore loin, toutefois, des 800.000 tonnes consommées chaque année. D'une douzaine de personnes aujourd'hui, l'effectif de Renaissance Textile pourrait grimper à 95 personnes d'ici là et fonctionner en 5x8, sept jours du sept. A condition de réussir, encore, les défis du tri et de la massification.

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Commentaires 2
à écrit le 25/05/2023 à 19:42
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Les vetements a recycler sont constitues de fibres textiles "cassees", donc pas d'elasticite, ni de qualite, deformation garanties etc..

à écrit le 25/05/2023 à 8:42
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Le problème également étant l'effondrement de la qualité du fait des délocalisations dans les pays d'esclaves salariés, ils doivent être encore plus dures à recycler obligeant également à les recycler plus souvent.

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