
« C'est un moment important pour l'histoire de Bout' à Bout' et aussi pour celle du réemploi », introduit sa fondatrice et présidente, Célie Couché, sous une salve d'applaudissements, avant de retracer l'histoire de cette aventure entrepreneuriale née en 2016 « dans un élan citoyen et une envie de réduire mon impact écologique ».
Son idée : relancer la consigne, au départ sous forme associative. « C'était un défi fou de relancer une filière industrielle. » Selon elle, les gains sont « très conséquents » : réutiliser une bouteille permet d'économiser 79% d'énergie, 77% d'émissions de CO2 et 51% d'eau.
« Il s'agissait alors de l'un des premiers projets de relance pour la consigne et le réemploi en France. Assez vite, nous avons pu mobiliser des magasins, des producteurs, des partenaires logistiques... Mais il fallait changer d'échelle pour avoir un véritable impact. C'est alors que nous avons créé une entreprise [en 2021, ndlr]. Yann Priou [l'actuel directeur général, ndlr] a été clé dans ce changement d'échelle, puisqu'il a piloté la levée de fonds [la société a réalisé en mai dernier un tour de table de 7,3 millions d'euros auprès de Demeter, via son fonds VitiRev innovation, et de l'industriel Verallia, premier producteur européen et troisième producteur mondial d'emballages en verre pour les boissons et les produits alimentaires, ndlr]. »
Face à elle, les différents partenaires présents (CCI de Nantes St-Nazaire, l'entreprise à mission Citeo, la Région des Pays de la Loire, la Préfecture...) se révèlent enthousiastes. « Je salue un brin de folie au féminin », souligne notamment Marie-Claire Durand, directrice régionale de la DREETS (Directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités).
« Ce projet est en adéquation avec les orientations nationales, les lois actées (loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020) et des dispositifs plus récents, comme France 2030 (presque 3 000 projets soutenus à l'échelle nationale dont 127 dans les Pays de la Loire pour un montant de 180 millions d'euros). »
Une usine de lavage dernier cri
Sur 7.000 mètres carrés de foncier, l'usine de 2.500 mètres carrés dans la zone industrielle de Carquefou doit permettre de laver 10.000 bouteilles par heure. Ces contenants vides sont collectés dans des cafés, restaurants ou des magasins de vrac, avant d'être lavés et revendus à ses clients que sont des producteurs de boissons (vins, jus de fruits, bières). Lesquels sont au nombre d'une centaine, répartis dans les Pays de la Loire et le Centre-Val de Loire. A ce jour, Bout' à Bout' traite quelque 600 références de bouteilles, venant de plus de 200 points de vente.
L'entreprise a investi 3 millions d'euros dans ce centre présenté par Benoit Rigot, directeur régional de Bpifrance Pays de la Loire, comme « une usine du futur ». Une enveloppe de 2,2 millions d'euros a permis de financer les équipements. Le site abrite des machines de pointe, comme cette inspectrice à 500.000 euros, équipée de 12 caméras, qui scrute chaque bouteille lavée et trie les contenants par format pour obtenir des tris homogènes.
« Cette machine flashe les contenants pour voir s'ils sont en bon état et exclut les bouteilles défectueuses (microfissures, bulles d'air et autres défauts après lavage) pour une qualité optimale », explique Charlotte Coutand, la directrice administrative et financière.
Le site est également doté d'une chaîne automatisée pour laver, sécher, trier et ranger les bouteilles, ainsi que d'un système de traçabilité des bouteilles qualifié d'unique en France.
« Les premiers lavages ont démarré en septembre et nous finalisons les derniers réglages sur le robot de palettisation. Fin octobre, le site sera opérationnel », indique Yann Priou.
Monter en cadence industrielle
Les ambitions sont clairement affichées : accélérer la cadence pour atteindre 60 millions de contenants à terme. « Notre objectif est de doubler la capacité de lavage, soit 20.000 bouteilles par heure », ambitionne le directeur général. Célie Couché prévoit quant à elle d'étendre le réseau de collecte auprès de 800 producteurs et 1.000 points de vente et de collecte dans l'Ouest à horizon 2025.
« Nous souhaitons accompagner des procureurs de toute taille, convertir davantage de références locales et nationales et embarquer un maximum de magasins avec une offre très large de produits réemployables. »
Mais mailler le territoire et démocratiser le réemploi ne pourra se faire sans communication et sensibilisation des consommateurs, reconnaissent-ils. « C'est notre défi, mais c'est aussi le rôle des marques », complète Yann Priou. Un design de bouteille spécifique va ainsi être développé en partenariat avec Citeo. Il s'agira aussi « d'accompagner les magasins pour la mise en place de PLV, afin d'avoir des informations claires pour le consommateur, mais aussi d'impliquer les petits commerces et les acteurs de la GMS pour impulser le déploiement d'automates (actuellement installés dans six magasins Super U en Vendée) et ainsi faciliter le retour des bouteilles, ou encore de convaincre de plus grands producteurs de boissons. »
Cette montée en puissance s'accompagnera de recrutements. D'ores et déjà, trois nouveaux opérateurs vont venir grossir les rangs de la société. Elle comptera 30 collaborateurs d'ici à la fin de l'année. Selon les prévisions, l'entreprise de 27 salariés devrait doubler ses effectifs en 2024.
D'après Celia Rennesson qui dirige l'association Réseau Vrac et Réemploi, 100 milliards d'emballages ménagers sont jetés chaque année en France. Aujourd'hui, la filière du réemploi des emballages, c'est 1.000 références de produits disponibles au niveau national, 1.000 sites (centres de lavage, points de collecte et centres de tri de massification), soit 2 000 emplois. C'est plus de 10.000 emplois à créer au cours de ces prochaines années pour atteindre les objectifs de la loi Agec et 600.000 en Europe.Le paysage du réemploi
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