Batteries électriques : les Hauts-de-France se lancent aussi dans le recyclage

Future « vallée de la batterie » avec quatre gigafactories, les Hauts-de-France comptent également décrocher une place de choix dans leur recyclage. Avec la ferme intention de ne pas être suiveur, mais bien acteur et même leader d'un secteur qui n'en est qu'à ses balbutiements. Etat des lieux des acteurs déjà présents et des perspectives de développement.
Les Hauts-de-France vont accueillir quatre futures gigafactories dédiées aux batteries de voitures électriques.
Les Hauts-de-France vont accueillir quatre futures gigafactories dédiées aux batteries de voitures électriques. (Crédits : Reuters)

Il a bataillé dur pour faire des Hauts-de-France le territoire de la batterie. Xavier Bertrand, président de région, se voit aujourd'hui récompensé de ses efforts. La dernière annonce d'implantation, fin septembre, est d'envergure : le groupe mondial Suez, spécialisé dans les déchets et les circularités autour de l'eau et Eramet, leader minier et métallurgique européen, ont annoncé avoir choisi Dunkerque et son grand port maritime pour y installer deux usines de recyclage des batteries de véhicules électriques lithium-ion. Le maire de Dunkerque Patrice Vergriete, actuel ministre du Logement, s'est immédiatement réjoui sur le réseau social X : « Ce choix qui conforte notre volonté d'attirer toute la filière des batteries, symbole de l'industrie du futur et de l'indépendance européenne ».

 L'obsession de Xavier Bertrand désormais : maximiser les retombées pour la région afin que les Hauts-de-France accueillent tout l'écosystème économique de la batterie électrique, pas seulement la construction, mais aussi le raffinage du graphite en passant par son recyclage, et en attirant évidemment au passage tous les sous-traitants.

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Et pour cause, le recyclage fera partie intégrante de la filière, avec une réglementation imposant progressivement un certain pourcentage de matières recyclées dans les batteries d'ici 2037, une collecte des déchets par les producteurs mais aussi une efficacité de recyclage ainsi que des exigences de deuxième vie des batteries. Sans oublier les défis liés au recyclage des chutes (scraps) de production, au démontage et au diagnostic des batteries usagées et à la faible empreinte environnementale imposée aux procédés de recyclage.

700.000 tonnes produites en prévision

Si l'implantation du projet de Suez-Eramet a obtenu 70 millions d'euros du fonds européen pour l'innovation et 10 millions d'euros de la BPI dans le cadre de l'appel à projet national « métaux critiques » (sur un investissement total estimé à 1,5 milliard), le choix de Dunkerque reste avant tout stratégique, car il va placer le complexe industriel à proximité des quatre futures gigafactories. Pour rappel, elles vont s'implanter à Douvrin dès cette année (ACC avec Stellantis, Total et Mercedes pour 32 gigawattheures [GWh]), à Douai en 2024 (Envision-Renault pour 24 GWh) et à Dunkerque (le bordelais Verkor en 2025 (50 GWh) et le groupe sino-japonais ProLogium en 2026 pour 48 gigawattheures). Soit 8.200 emplois directs annoncés et plus de 700.000 tonnes de batterie produites par an !

A titre de comparaison de grandeur, le projet Suez-Eramet table sur une unité de démantèlement de batteries, produisant de la black mass (une poudre noire, obtenue après avoir broyé et chauffé les différentes cellules, permettant de stocker des électrons), avec une capacité de traitement équivalent à 200.000 batteries de véhicule électrique. Une deuxième usine d'hydrométallurgie, prévue d'ici 2027, située plus en « aval » de la chaine de valeur, permettra « d'extraire et affiner les métaux contenus dans la black mass (nickel, cobalt, lithium), afin de construire de nouvelles batteries ». Car dans cette course à la voiture électrique, les matières premières comme le lithium, le cobalt et le nickel, entre autres, seront plus que jamais synonymes de souveraineté économique... dans un contexte où la France est encore à la traine.

... Et quelques acteurs du recyclage

L'annonce de ces deux unités rejoint celle du Canadien Li-Cycle qui a également choisi le Nord-Pas-de-Calais : le chef de file mondial de la récupération des ressources des batteries au lithium-ion a annoncé en début d'année son implantation à Harnes, près de Lens, pour y installer sa première unité industrielle de recyclage en France (mais sa troisième en Europe après l'Allemagne et la Norvège). Des batteries entières de véhicules électriques et de stockage pourront y être traitées, par un processus innovant de « déchiquetage submergé » c'est-à-dire sans avoir besoin d'être déchargées ou démontées. On parle ici d'une capacité de 10.000 tonnes de matériaux de batteries lithium-ion par an et pourra grimper jusqu'à 25.000 tonnes en fonction des possibilités d'extension du site.

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Les projets ne s'arrêtent pas là : le groupe Orano, industriel spécialisé dans la valorisation et la transformation des matières nucléaires, s'est récemment rapproché du groupe XTC New Energy, spécialiste de la production des matériaux de cathodes pour batteries, pour avancer ses pions, toujours à Dunkerque. Les deux partenaires comptent d'abord créer deux co-entreprises dédiées à la production, l'une dédiée aux Matériaux Actifs de Cathode (CAM) et l'autre consacrée aux Précurseurs de Matériaux Actifs de Cathode (PCAM). « En parallèle, Orano poursuit le développement de son projet de recyclage des matériaux contenus dans les batteries de véhicules électriques afin de les valoriser dans de nouveaux composants (...) avec l'implantation d'une usine de recyclage de batteries à proximité des installations de fabrication de CAM et PCAM », ont fait savoir les deux entités, sans avancer plus de chiffres.

Des start-ups prometteuses

D'autres activités liées au recyclage des batteries lithium sont déjà présentes dans la région. Comme le projet Separ8, porté la start-up grenobloise Mecaware, qui va industrialiser, sur le site de la future gigafactory de Verkor à Dunkerque, son procédé d'extraction des métaux rares contenus dans les rebuts de production des batteries de véhicules électriques.

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Mecaware porte également, en partenariat avec Verkor, MTB Manufacturing et deux laboratoires de recherche, le projet Scrap CO2MET va permettre de produire des métaux critiques avec un haut rendement et niveau de pureté, via le recyclage des rebuts de production (scraps) de la gigafactory dunkerquoise de Verkor.

Le constructeur automobile Renault a lancé dès 2018 un Advanced Battery Storage (ABS), important dispositif de stockage stationnaire d'énergie utilisant des batteries de véhicules électriques destiné à être déployé sur plusieurs sites en Europe, dont l'usine Renault George Besse à Douai avec une capacité totale de 4,9 MWh. Basé à Lille, une start-up, Euratechnologies Swoop Energy, transforme les batteries usagées en groupes électrogènes à usage professionnel.

Enfin, le projet « RecyBat-Li » se démarque en reconditionnant les matériaux pour leur donner une seconde vie et « pour les réintégrer comme matières premières dans de nouvelles applications électrochimiques », résume TEAM2 (Technologies de l'Environnement Appliquées au Matières et aux Matériaux), le pôle de compétitivité national dédié à l'économie circulaire, basé à Lens.

 Le conseil régional mobilisé

Comment va s'y prendre, de son côté, la région des Hauts-de-France pour accompagner au mieux cette tendance de fond ? En 2021, le conseil régional, en partenariat avec la Chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-France, a notamment lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI). Parmi les lauréats, lle bureau d'études Weloop, basé à Loos-en-Gohelle qui a, depuis, réalisé une étude précise et réalisé différents scénari. L'objectif est ambitieux : co-construire, avec les acteurs régionaux, la stratégie des Hauts-de-France en matière d'économie circulaire des batteries de mobilité.

Cette première « analyse du cycle de vie territoriale » des batteries en région (identifiant les parties prenantes, les enjeux, les impacts économiques, sociaux et environnementaux, etc.) va faire office d'outil d'aide à la décision. Dans la « feuille de route », on parle d'animer les acteurs de la filière de batteries en région, de former des ingénieurs, techniciens et opérateurs pour les métiers futurs (tout en rendant plus attrayant le secteur des batteries), de coopérer pour adapter voire négocier les activités des éco-organismes et enfin de créer un Observatoire économie circulaire des batteries... Selon l'étude Batters, le gisement national promet déjà d'être immense avec 600.000 tonnes de batterie à recycler (et un peu moins de 500.000 en réemploi) à horizon 2055.

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Commentaire 1
à écrit le 07/10/2023 à 15:47
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Tout ça ne va pas énormément artificialiser les sols ? On ne peut pas tout avoir (usines sur pilotis ? :-) ) Si des entités voisines sont complémentaires, c'est bien, moins de trajets pour les déplacements de matériels. "le raffinage du graphite en...

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