
C'est le début d'un marché prometteur. Ici à Nantes, le plus gros chantier opéré par Vinci Construction avec des bétons bas carbone. Sur le futur site du CHU, 115.000 à 120.000 m3 de béton bas carbone vont être coulés, d'ici fin 2024, pour construire deux des cinq lots attribués à Vinci Construction. Soit neuf des quinze bâtiments qui constitueront le futur centre hospitalier nantais où le constructeur a érigé neuf grues, sa propre centrale à béton, quatre silos (ciment, laitier, métakaolin, filler calcaire) et six toupies capables de produire jusqu'à 460 m3 par jour.
En cet automne 2023, 55.000 à 60.000 m3 ont d'ores et déjà été mis en œuvre. Et déjà, on est loin des 10.000 m3 coulés pour la restructuration du CHU de Nîmes ou des 28.000 m3 utilisés pour la construction des ouvrages du centre d'exploitation et de maintenance de la future ligne 18 du Grand Paris Express.
À l'instar de la construction de deux bâtiments de l'Hôtel Marriot de Roissy où 92 % de bétons bas carbone et très bas carbone ont été utilisés et permis d'accélérer les cadences, « sans heures supplémentaires », assure le constructeur, le CHU de Nantes sera lui aussi construit avec 90 % de bétons bas carbone et très bas carbone. « La règle aujourd'hui c'est la massification pour atteindre 90 % de bétons bas carbone dans nos constructions d'ici 2030 », rappelle Rémi Lefeuvre, directeur des ressources techniques et opérationnelles pour les activités Bâtiment et Génie civil de Vinci construction en France.
De nouvelles recettes, parfois complexes à mettre en œuvre
Au sein du groupe, qui s'est engagé à réduire ses émissions directes (Scope 1 et 2) de gaz à effet de serre (GES) de -40 % entre 2020 et 2030 et de -20 % sur les émissions indirectes (Scope 3), à savoir les achats, les approvisionnements et les usages en amont en aval de l'activité, l'utilisation de bétons bas carbone représentait 30 % des chantiers en 2022 et devrait grimper à 50 % cette année.
Avec sa démarche Exegy, lancée en 2020, Vinci Construction entend se démarquer sur un marché où il n'existe, pour, l'instant, aucun standard et aucune norme relative au béton bas carbone. A défaut, Vinci a mené depuis 2016 un long travail de R&D pour formuler et classifier les bétons bas carbone, émettant moins de 200 kilos de CO2 par m3, très bas carbone (de 125 kg à 200 kg CO2/m3) et ultra bas carbone (80 à 140 kg CO2/M3). Des teneurs bien en-dessous des normes actuelles du béton traditionnels dont l'empreinte carbone se situe à 614 kilos CO2/m3.
Pour cela, Vinci Construction a composé une recette dont le principe consiste à diminuer la proportion de clinker. Ce composant du béton traditionnel très émetteur de CO2 est remplacé par du laitier de hauts fourneaux, un co-produit de la sidérurgie longtemps considéré comme un déchet, des fillers calcaires, des cendres volantes ou des métakoalins, issus de l'argile et jusqu'ici utilisé pour faire du mortier ou des briques réfractaires, ... Ces substituts, mélangés selon un savant dosage, permettent de réduire de 30 % les émissions de CO2. Mais moins il est carboné, plus le béton met de temps à sécher. D'où parfois, des mises en œuvre complexes selon les conditions météorologiques et le recours à des systèmes de chauffage, écologiques, pour accélérer le processus.
Une nouvelle manière de construire avec La Formule 1 du béton ...
Vinci Construction est allé encore plus loin en développant des bétons très bas carbone et ultra bas carbone, dont l'empreinte est cinq fois plus faible qu'un béton traditionnel. « C'est la formule 1 du béton ! », atteste Rémi Lefeuvre. « Ce n'est pas un matériau, c'est une nouvelle manière de construire », estime Jean-Chrsitophe Trassard, Directeur marketing de l'innovation durable chez Ecocem Group, qui a noué un partenariat avec Vinci Construction pour mettre au point et développer un liant utilisé pour destiné à produire un béton ultra bas carbone.
Si les solutions bas carbone et très bas carbone sont, selon Vinci Construction, déployées au même coût que le béton classique, le prix de la « Formule 1 des bétons » souffre, malgré des réductions d'émissions de GES de 70 %, encore de tarifs élevés, de l'ordre de +40 % à +80 % comparé à un béton bas carbone classique. La démarche soutenue par les deux partenaires, qui ont co-financé une thèse de laboratoire universitaire (LDMC) à Toulouse, a toutefois obtenu une Evaluation Technique Européenne (ETE) pour le liant Ecocem Ultra conforme à la norme béton NF. Ce qui pourrait permettre d'accélérer et de généraliser l'emploi de ce nouveau produit.
Des partenariats pour favoriser l'économie circulaire
Pour le géant du BTP, la stratégie vise à nouer des partenariats avec les cimentiers locaux dans l'hexagone, petits ou grands au plus près des bassins de vie et des ressources minérales. Après deux ans de R&D conjointe, le groupe Imerys (14000 personnes - CA 4 milliards en 2022) vient de signer un accord avec Vinci Construction pour lui fournir des formulations de métakaolins, l'un des composants des bétons très bas carbone L+C3.
« Le marché des métakaolins pour la construction est amené à se développer dans les années qui viennent comme alternative essentielle au laitier de haut-fourneau dans la composition des bétons bas carbone. Avec ses nombreuses implantations en France et à l'international, Imerys a la capacité de nous accompagner dans la démarche de généralisation du béton bas carbone sur les chantiers», admet Bruno Paul-Dauphin, Directeur EXEGY Solutions bétons bas carbone, VINCI Construction.
Pour Jérôme de Lièvre, Vice-Président Building & Infrastructure d'Imerys, « cet accord devrait représenter une croissance de 20 % à 30 % sur l'activité métakaolins, et générer un chiffre d'affaires de 20 à 30 millions d'euros ». Même perspective pour Soriba (180 personnes - CA 25 millions d'euros), une PME vendéenne, spécialisée dans la préfabrication d'escaliers et de façades en béton, engagée dans une démarche de décarbonation qui a développé un système de géothermie pour accélérer le durcissement des bétons. Celle-ci vient de livrer à Vinci Construction les trois cents escaliers très bas carbone pour équiper le CHU de Nantes. Un savoir-faire qui lui a, aussi, permis de décrocher dix autres contrats.
À ce jour, sur les 50 % de bétons bas carbone déployés en France par Vinci construction, 35 % concernaient les produits bas carbone, 12 % les très bas carbone et seulement 3 % pour l'ultra bas carbone, expérimenté pour les fondations du village des athlètes des prochains J.O, les voussoirs de la ligne 18 du Grand paris Express ou, encore, les poteaux des fondations du siège social Archipel de Vinci. On peut difficilement être plus confiant...
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