Il y a un siècle, la canicule avait frappé les JO de Paris

En 1924, une vague de chaleur de quatre jours avait perturbé les Jeux olympiques. L’épreuve de cross-country avait été un fiasco retentissant. Elle a depuis disparu. Le sujet est, lui, d’actualité.
Solen Cherrier
Le Finlandais Paavo Nurmi le 12 juillet 1924, lors du cross-country à Colombes.
Le Finlandais Paavo Nurmi le 12 juillet 1924, lors du cross-country à Colombes. (Crédits : © LTD / Agence Rol/BnF/MAXPPP)

Parmi les dangers qui planent au-dessus de Paris 2024, il y en a un sur lequel les organisateurs n'ont pas de prise : la météo. Or, au regard des derniers étés, les risques d'épisodes caniculaires sont élevés entre le 26 juillet et le 11 août. C'est pour cette raison que les marathons féminin et masculin, déjà éprouvants pour les organismes du fait du parcours, ont été programmés à 8 heures - et celui pour tous à 21 heures. Il y a cent ans, le réchauffement planétaire était loin des préoccupations quotidiennes et les probabilités de canicule étaient cinq fois moins élevées. Douce fascination donc de découvrir que les premiers Jeux olympiques en France furent accablés par une vague de chaleur de quatre jours qui a marqué l'histoire de l'événement.

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Le 12 juillet 1924, une semaine après la cérémonie d'ouverture, le thermomètre dépasse les 33 degrés à Paris, selon les relevés de l'époque. Autour du stade de Colombes, centre névralgique de ces JO d'où s'élancent les 38 concurrents du cross-country, il affiche plutôt 45 degrés, écrit l'historien Fabien Archambault dans son livre Les Légendes du siècle (Flammarion). L'épreuve est un massacre : seuls 15 coureurs franchissent la ligne au bout d'un peu plus de 10 kilomètres. « On ne savait pas où étaient les autres, rembobine Fabien Archambault. Certains étaient perdus, d'autres étaient tombés ou blessés. »

« Atmosphère putride dégagée par la fermentation des ordures »

Les images Gaumont-Pathé montrent des athlètes titubants. Les journalistes, déjà crispés de s'aventurer en banlieue, sortent leurs plumes acides pour dépeindre ce cross-country « odieux » (L'Humanité) et « disputé sous une chaleur sénégalienne » (L'Auto). Le vainqueur, le « Finlandais volant » Paavo Nurmi, loue la pratique du sauna qui lui a permis de résister. Médaille de bronze au saut en hauteur, le Français Pierre Lewdem s'élève, lui, avec des mots sentis contre cette « atmosphère suffocante, putride, dégagée par la fermentation des ordures en faisant le réceptacle asphyxiant et malsain d'odeurs pestilentielles ». Car il y a la chaleur, mais il y a aussi le décor: un tracé urbain loin de l'image bucolique, et surtout boueuse, de cette discipline née en Angleterre.

« L'organisation avait privilégié le spectacle », note Aurélien Chèbre, auteur d'une thèse sur la course à pied au début du XXe siècle. Afin que les spectateurs profitent au mieux de la course, une retransmission « révolutionnaire » leur permettait même d'entendre le speaker en direct. Fait rare, ce fiasco résultant d'une « somme de circonstances malheureuses » a eu raison de l'histoire olympique du cross-country, une épreuve adaptée aux frimas de l'hiver. Il a bien été question de le réintégrer à plusieurs reprises, encore récemment, et il en reste une touche à travers le pentathlon moderne, mais il y a eu « un avant et un après » Paris 1924. « C'est devenu une discipline scolaire et le parent pauvre de l'athlétisme », prolonge Aurélien Chèbre, professeur d'EPS par ailleurs.

Disputé le lendemain, toujours sous une chaleur intense, le marathon n'a pas été impacté dans les mêmes proportions. Vaccinés par l'expérience de la veille, mais limités par l'absence d'éclairage public, les organisateurs avaient décalé le départ de deux heures. La course la plus symbolique des JO, disputée pour la deuxième fois seulement sur 42,195 kilomètres, s'était élancée en fin d'après-midi. C'était une idée plus judicieuse que de cavaler sous le soleil de 15 heures. Mais près de la moitié des coureurs n'avaient pas fini et une douzaine ne s'étaient pas alignés.

Solen Cherrier

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