Evernex, l'entreprise française qui donne une deuxième vie aux machines des datacenters

Dans son nouvel entrepôt de 6.000 mètres carrés, Evernex reçoit des serveurs qu'elle désosse pour en tirer les composants fonctionnels, qu'elle réassemble ensuite. L'entreprise française promet ainsi d'augmenter de cinq à dix ans la durée de vie des systèmes informatiques, et d'ainsi réduire les factures économiques et écologiques. Reportage.
Un ouvrier circule dans les 14.000 bacs de pièces détachés
Un ouvrier circule dans les 14.000 bacs de pièces détachés (Crédits : F.M. pour La Tribune)

C'est le « plus grand site de reconditionnement informatique d'Europe ». Courant février, l'entreprise française Evernex a ouvert son nouveau centre opérationnel de 6.000 mètres carrés à Mitry-Compans, en Seine-et-Marne. Peu connue, la société française de plus de 1.000 salariés est spécialisée dans la maintenance informatique des serveurs depuis 37 ans, ainsi que dans la vente de pièces reconditionnées. Autrement dit, elle achète les serveurs dont se débarrassent les entreprises, puis en récupère les pièces à haute valeur. Ensuite, elle les réassemble pour remplacer le matériel défectueux de ses clients ou elle les vend à l'unité pour répondre aux demandes d'acheteurs extérieurs. La Tribune a visité le site de Mitry-Compan, et suivi le chemin de reconditionnement des serveurs.

500 tonnes de matériel informatique reçues par an

Arrivé dans l'entrepôt, le matériel est d'abord trié. Les pièces informatiques cassées ou qui n'intéressent pas Evernex sont placées dans des bacs catégorisés, puis vendues à  la tonne à une entreprise spécialisée dans le recyclage informatique. D'autres pièces, qui ont une faible valeur marchande, sont envoyées dans les circuits de recyclage classiques. Chaque année, l'entreprise récupère plus de 500 tonnes de matériel informatique, dont 70% est recyclé par ses partenaires (notamment pour récupérer les matériaux rares).

Le jour de notre visite, Evernex recevait neuf baies de serveurs entières, achetées à une PME polonaise pour plus de 100.000 euros. Chaque baie se présente comme une armoire, où se trouvent des disques durs à la place des tiroirs. L'entreprise désosse ces structures pour récupérer les disques durs, les processeurs, les mémoires ou encore les alimentations. La structure métallique des baies, très lourde, a une faible valeur et part donc immédiatement au recyclage -c'est en partie ce qui explique que Evernex ne conserve que 30% du poids des équipements qu'elle reçoit.

Ensuite, tout le matériel passe au stand de test, effectué grâce aux logiciels des constructeurs. Si le test échoue, la pièce part au recyclage : Evernex ne répare pas, car c'est une tâche chronophage à l'issue incertaine. En revanche, il donne une seconde vie au matériel en assemblant des pièces fonctionnelles entre elles.

160.000 pièces stockées

Une fois les pièces détachées et testées, elles rejoignent les plus de 160.000 pièces disposées dans plus de 1.400 bacs empilés en étagères de huit mètres de hauteur. Cette manne de matériel permet à Evernex d'assembler à la demande un grand nombre de configurations de serveurs différents. Une des forces d'Evernext est de couvrir plus de 40 marques (HP, IBM, Fujitsu, Huawei, Juniper...), et 25 ans de gammes produits, ce qui lui permet d'intervenir sur pratiquement n'importe quel système informatique. Autrement dit, il est possible de se procurer chez eux un serveur de la fin des années 90. Lors de notre visite, les employés venaient d'assembler une commande rare : un serveur de la marque HP, qui n'est plus à la vente depuis dix ans.

L'entreprise se sert de ses stocks pour son activité de maintenance sur 360.000 systèmes informatiques, mais aussi pour vendre à des acheteurs extérieurs via une plateforme « spare as a service ». « Généralement, nous revendons les pièces pour 50 à 60% de leur prix sur catalogue », estime Tony Senecal. Grâce à son nouvel entrepôt, Evernex a augmenté ses capacités de recyclage et de stockage de respectivement 30% et 40% par rapport à son site historique d'Aulnay-sous-Bois, désormais fermé. Il est donc encore dans une phase d'augmentation d'activité : lors de notre visite, le site sur lequel opèrent 190 employés ne fonctionnait pas à plein régime.

Lorsqu'il achète un lot, parfois pour plusieurs centaines de milliers d'euros, Evernex connaît sa composition, mais il ne connaît pas l'état exact de chaque pièce. L'entreprise mise sur ses experts, chacun spécialisé dans une marque constructeur, pour évaluer la valeur du matériel mis à la vente. « Il n'y a pas de valeur marché. Chaque rachat est un pari », avance Tony Senecal, vice-président Infrastructure chez Evernex. Ce risque n'est pas seulement concentré dans l'évaluation du matériel acheté, il se trouve aussi variations de la demande. Parfois, l'entreprise stocke des pièces pendant plus de deux ans avant de réussir à les vendre, un aléa qu'elle doit prendre en compte dans le calcul du retour sur investissement de ses rachats.

Augmenter la durée de vie des systèmes informatiques

Cette activité de reconditionnement va de pair avec le positionnement de l'entreprise sur le marché de la maintenance informatique. « Les constructeurs assurent la maintenance pendant trois à cinq ans, entre les garanties d'achat et le premier cycle de maintenance. Nous prenons le relais pour prolonger la vie des parcs informatiques de cinq à dix années de plus », explique Tony Senecal. L'entreprise permet à ses clients d'augmenter la durée de vie de leurs parcs informatiques, ce qui leur permet à la fois de faire des économies et de réduire leur empreinte carbone.

Cette voie plus durable va parfois à l'encontre du fonctionnement du marché : les constructeurs informatiques sortent une nouvelle gamme environ tous les trois ans, et ont forcément tendance à pousser leurs clients à se mettre à jour en changeant leur matériel. « Certaines entreprises ont besoin des meilleures performances du marché, donc il est normal qu'elles changent régulièrement leur matériel. Mais d'autres ont des activités qui permettent de garder le même matériel pendant dix ans », défend le vice-président Infrastructures.

Son message semble convaincre. Avec plus de 11.000 contrats de maintenance dans 165 pays, l'entreprise compte une longue liste de clients prestigieux : Orange, Ericsson, IBM, Airbus, TF1, la FDJ... Elle a développé un réseau de 330 entrepôts où sont stockées 850.000 pièces détachées, pour intervenir le plus rapidement possible chez ses clients.

Résultat : Evernex réalise 201 millions d'euros de chiffre d'affaires, avec une croissance de 19,4% en deux ans. Et encore, il n'a pas toujours pas pleinement récolté les fruits du virage massif des entreprises vers le cloud, puisqu'elle subit les variations du marché de première main avec plusieurs années de décalage. De quoi avoir de grandes ambitions.

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Commentaires 2
à écrit le 10/03/2023 à 9:04
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Evernex n'a pas bien compris le principe de fiabilite qui domine toute l'industrie de l'informatique, Chaque composant d'un serveur a un indice de fiabilite defini par son MTBF (Mean Time Between Failure), Quand le MTBF du systeme est atteint, il fa...

le 31/03/2023 à 11:43
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Il m'est avis que le prix de vente est en relation directe avec le MTBF et qu'étant donné qu il me semble que le produit est garantie et ou sous Contrat de maintenance, il n'est pas de l'intérêt d'evernex ni du client d'avoir des équipements de daub...

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