Semi-conducteurs : les industriels en état de grâce

Les tensions sur la demande mondiale de puces électroniques ont fait monter les prix et décoller les bénéfices des producteurs. Si la guerre en Ukraine et les risques de récession pourraient réduire les besoins, les plans d'investissement pour augmenter la production locale aux Etats-Unis et en Europe sont un facteur de soutien pour les industriels.
(Crédits : SKYWATER TECHNOLOGY)

En raison des pénuries dans les chaînes d'approvisionnement entraînées par la forte reprise post-Covid de l'économie mondiale, les tensions se sont multipliées sur le marché des semi-conducteurs, ces composants indispensables à tous les produits intégrant de l'électronique. Cette raréfaction a profité aux fournisseurs qui engrangent de considérables bénéfices. Elle a également eu un effet démultiplicateur avec les vastes plans d'investissement tant de la part des industriels mais des États qui au nom de la souveraineté industrielle considèrent aujourd'hui ces puces comme des produits stratégiques.

STMicroelectronics espère doubler son chiffre d'affaires

Ainsi, le fabricant franco-italien de semi-conducteurs STMicroelecteonics a publié jeudi un bénéfice net de 1,6 milliard de dollars pour son premier semestre, un montant qui plus que doublé en un an (+100%), grâce notamment à une forte amélioration de sa profitabilité. Sur les six premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires ressort à 7,4 milliards de dollars, en hausse de +23%. La marge d'exploitation a atteint +26% au deuxième trimestre, contre 16% un an plus tôt.

Le groupe espère continuer sur cette lancée pour atteindre un chiffre d'affaire annuel "compris entre 15,9 milliards de dollars et 16,2 milliards de dollars, et une marge brute d'environ 47%", a précisé Jean-Marc Chéry, son directeur général.

L'Europe produirait 20% des capacités mondiales

STMicroelectronics et son homologue américain GlobalFoundries ont annoncé le 11 juillet qu'ils comptaient construire une usine pour un montant envisagé de "plusieurs milliards d'euros" à Grenoble, entraînant la création d'environ 1.000 emplois supplémentaires sur le site de Crolles, où STMicroelectronics possède déjà un site de fabrication.

L'investissement, qui bénéficiera du soutien financier de l'Etat français, sera d'un montant de 5,7 milliards d'euros, avait précisé l'Elysée lors du sommet "Choose France".

Il doit permettre de porter la capacité de production européenne de puces électroniques à 20% de la capacité mondiale d'ici à 2030, selon les entreprises.

Les géants asiatiques seront difficiles à rattraper

Ce méga-projet européen aura cependant fort à faire avec la concurrence asiatique qui ne va pas baisser le rythme en attendant que les Européens parviennent à leur tailler des croupières sur le marché mondial.

Car l'embellie dans les semi-conducteurs vaut aussi pour le géant sud-coréen Samsung Electronics qui a annoncé jeudi un bénéfice d'exploitation en hausse de 12,2% sur un an au deuxième trimestre 2022.

Et c'est la branche semi-conducteurs avec ses profits record qui en est la principale responsable. Tout particulièrement, "les bénéfices de l'activité mémoires se sont améliorés (...) car la société s'est attachée à répondre à la forte demande de serveurs", a précisé Samsung.

Ces puces mémoire sont au centre ces derniers mois de tensions géopolitiques mondiales, chaque Etat cherchant à sécuriser coûte que coûte son approvisionnement.

En juin, Samsung Electronics est devenu le premier fabricant au monde à produire en masse des puces avancées de 3 nanomètres, cherchant à égaler et, à terme, à dépasser le taïwanais TSMC dans la course à la fabrication des composants les plus avancés. Les nouvelles puces seront plus petites, plus puissantes et plus efficaces, et seront utilisées dans des applications informatiques de haute performance avant d'être intégrées, plus tard, dans des appareils grand public tels que les téléphones portables.

La grande majorité des micropuces (80%) les plus avancées du monde sont fabriquées par deux entreprises seulement, Samsung et TSMC, qui actuellement tournent toutes deux à plein régime pour pallier la pénurie mondiale.

Relocalisation: le plan de Biden à 52 milliards voté par le Congrès

En mai, le président américain Joe Biden lui-même s'était rendu en Corée du Sud pour visiter l'usine de semi-conducteurs géante de Samsung à Pyeongtaek, près de Séoul.

Car relancer la production sur le sol des Etats-Unis est l'une des priorités du président des Etats-Unis. A sa demande, le Congrès devrait approuver une fonds de 52 milliards de dollars pour investir dans cette production locale, qui aujourd'hui représente à peine 10% de la production mondiale, comme l'Europe.

En ce qui concerne les micro-processeurs, la proposition de loi prévoit finalement 39 milliards de dollars d'aides pour encourager les entreprises à produire localement, et 13 milliards pour les laboratoires de recherche. Plusieurs industriels ont déjà fait savoir qu'ils allaient utiliser ces fonds pour construire des usines dans l'Ohio ou l'Indiana.

Pourtant, comme l'a rappelé le sénateur Bernie Sanders, figure de la gauche américaine, ces sommes vont être allouées à des entreprises "rentables" qui, selon lui, "ont fermé 780 usines en 20 ans" aux Etats-Unis. "On leur verse un pot-de-vin pour qu'elles restent ici", a-t-il ironisé dans un communiqué.

Partout, à travers le monde, les projets se multiplient comme l'attestent les investissements en cours :

- Le principal fabricant chinois de semi-conducteursSmic, a annoncé investir 7 milliards d'euros dans une nouvelle usine à Shanghai.

- L'américain Intel pourrait investir 80 milliards d'euros dans la fabrication de puces électroniques en Europe au cours des dix prochaines années, avait indiqué son PDG Pat Gelsinger. Le 15 mars dernier il précisait que la première vague d'investissement s'élèverait à quelque 33 milliards d'euros. Bénéficiaires de cette manne historique: l'Allemagne, l'Irlande, la France, l'Italie, l'Espagne et la Pologne, pour des projets concernant toute la chaîne de valeur de la microélectronique.

- Sans oublier le plan massif d'investissement du sud-coréen Samsung, d'un montant de... 175 milliards d'euros d'ici 2023 pour faire face à son concurrent dans les semi-conducteurs, le taïwanais TSMC.

Les pénuries se réduisent mais ce n'est pas une bonne nouvelle

Cependant, la guerre en Ukraine et les craintes de récession mondiale ont réduit les besoins de semi-conducteurs.

La demande mondiale de puces "entre dans une période de faiblesse, qui persistera jusqu'en 2023", estime Richard Gordon, analyste de la société de recherche Gartner, dans un rapport cité par Bloomberg.

Sans oublier que face à ces annonces de nouvelles unités de fabrication qui sortiront de terre, la production aux cycles parfois capricieux devra tenir le rythme : le fabricant de substrats isérois Soitec l'a bien vu en enregistrant cette semaine à la fois le meilleur trimestre de son histoire, mais dont la croissance s'avère toutefois ralentie par la conjonction de deux éléments : avec tout d'abord, un incendie survenu il y a quelques semaines sur les lignes à haute tension approvisionnant son secteur, mais également la naissance d'une grève de son personnel, qui réclamait un plus grand intéressement aux bénéfices.

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Commentaires 3
à écrit le 01/08/2022 à 23:13
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Est-ce qu'on va voir arriver les premières puces au graphene en France? J'ai assisté à la fin du germanium, pourquoi pas du silicium. Ça serait original. Il y a eu un autre semi conducteur pour les chargeurs de batterie, j'ai oublié le nom.

à écrit le 29/07/2022 à 13:18
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Quand il faut quantité de milliards pour construire une usine, il faut avoir fait des bénéfices pour ce faire. Y a une entreprise néerlandaise qui fabrique des machines pour la micro-lithographie (vu sur LaTribune je crois). Ça ferait rêver d'ancien...

à écrit le 29/07/2022 à 12:52
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"L'Europe produirait" blablabla STMicro blablabla Les taïwanais et coréens s'installent massivement aux Etats-Unis, et non pas dans L'UE. Souveraineté = 00 La souveraineté ne passe pas que par le soutien à l'économie automobile allemande !

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