
Le French Tech 120 et le Next40, les indices des meilleures startups françaises pilotés par le gouvernement, ont un concurrent. Son nom : LETS, pour « Leading European Tech Scale-Up ». Le concept : dévoiler tous les ans les startups les plus prometteuses de la tech européenne, sélectionnées par 20 associations professionnelles du secteur (dont France Digitale pour l'Hexagone), réparties dans 16 pays européens, pour l'instant.
Les critères du LETS se veulent plus concrets que ceux du French Tech 120 et du Next40. C'est-à-dire moins financiers. En clair, le montant des levées de fonds n'est pas du tout pris en compte, contrairement à l'indice gouvernemental qui réserve la moitié de ses places aux pépites qui récoltent le plus d'argent. Et pour cause, le LETS préfère la performance économique... et le déploiement européen. Au-delà d'avoir son siège social et plus de la moitié de ses effectifs dans l'Union européenne, les startups doivent présenter 15 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel sur au moins deux marchés, et au moins 1 million d'euros de chiffre d'affaires dans un autre pays que le marché d'origine, pour être éligibles.
Cette originalité dans les critères n'est pas anodine : le LETS veut montrer qu'il existe bien, malgré les nombreuses difficultés, une vraie « Europe de la tech » qui ne demande qu'à être développée. Au-delà de la mise en avant des plus belles réussites, le LETS veut surtout illustrer celles qui choisissent l'Europe pour se développer. Au total, 135 pépites répondent aux critères pour l'édition 2023. Les entreprises lauréates ont en moyenne 10 ans d'âge, ont créé plus de 80.000 emplois au total, et la moitié d'entre elles sont aussi présentes en dehors de l'Europe.
Sensibiliser les entrepreneurs et les politiques
On retrouve dans ce focus sur l'Europe la patte de France Digitale, qui est à l'initiative du projet, et qui milite depuis longtemps pour une vraie « Europe de la tech », à Paris comme à Bruxelles. L'organisation dispose même, depuis le début de l'année, d'un salarié à plein temps dans la capitale européenne pour promouvoir l'harmonisation des régulations nationales, l'intégration des enjeux des startups dans les grands règlements européens (notamment le futur IA Act sur l'intelligence artificielle), et les ponts entre les écosystèmes tech du Vieux Continent.
« Les chiffres parlent d'eux-mêmes : l'Europe possède une industrie technologique solide, capable de conquérir des clients dans le monde entier. Cependant, il reste encore des défis importants à relever pour accélérer cette tendance et intégrer davantage d'entreprises à la liste », plaide Maya Noël, la directrice générale de France Digitale.
France Digitale est bien décidée à sauter sur l'occasion des élections européennes de 2024 pour sensibiliser les acteurs publics aux enjeux de la tech européenne. « La technologie européenne ne gagnera que si elle est unie et promeut ses champions d'une voix commune. Il faut leur donner les moyens de devenir des entreprises mondiales en harmonisant les réglementations à l'échelle européenne », ajoute-t-elle.
Commande publique, Nasdaq européen et réforme du statut de société européenne
En pratique, l'association concentre ses efforts sur quelques batailles, jugées cruciales pour le développement des startups. La première est la commande publique. « L'Europe devrait soutenir les achats innovants, non seulement avec des lignes directrices, mais aussi avec des investissements concrets et à long terme dans les technologies européennes pour la double transition » numérique et écologique, estime France Digitale.
La deuxième est l'attractivité européenne : la faiblesse du marché coté, notamment par rapport aux Etats-Unis, pousse de nombreuses entreprises technologiques européennes à privilégier le Nasdaq.
« L'UE doit accélérer ses projets d'union des marchés des capitaux, afin que ses principales entreprises puissent être cotées en bourse en Europe dans des conditions de concurrence internationale », plaide le lobby tricolore.
Enfin, la dernière est la réforme du statut de société européenne (SE). Pour rappel, ce dernier permet aux entreprises de gérer leurs activités dans plusieurs pays européens en bénéficiant d'un ensemble de règles uniques. Toutefois, les critères d'éligibilité excluent encore trop de startups.
La French Tech à l'honneur... mais un périmètre géographique contestable
La principale surprise de ce classement est la place centrale de la France. Avec 47 startups sélectionnés sur 135, la French Tech pèse à elle seule plus du tiers de l'indice (35%). Son grand rival, l'Allemagne, est largué avec seulement 17 représentants, soit 12,5% du total. La Suède (12 entrées, 9%) complète le podium, suivie par l'Espagne (10 startups), le Danemark et les Pays-Bas (8), l'Irlande (6), ou encore l'Autriche et la Finlande (5). L'Estonie, l'Italie, la Roumanie, la Slovaquie, la Bulgarie, la Hongrie et la Pologne ont également au moins un représentant. Le Portugal, l'Ukraine (qui a été intégrée à l'initiative) et les pays Baltes, restent sur le carreau.
Au-delà du cocorico tricolore, le périmètre choisi est peut-être le seul point noir de LETS. Non membres de l'Union Européenne, le Royaume-Uni et la Suisse ont été écartés. Une décision contestable, car réduire la tech européenne strictement aux pays de l'UE revient à présenter une vision déformée de la réalité, ignorant le poids colossal de ces deux pays. Le Royaume-Uni est de loin l'écosystème européen le plus puissant, et la Suisse l'un des plus innovants grâce à ses universités et centres de recherche qui fabriquent des innovations qui se tournent naturellement vers les marchés européens alentour. De plus, cette fermeté à l'égard des pays non-membres de l'UE est mise à mal par l'intégration de l'Ukraine dans l'initiative, alors que le pays dispose d'un petit écosystème tech et n'est pas encore membre de l'UE.
Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !