Financement des startups : la French Tech résiste bien malgré l'effondrement des méga-levées

Conséquence du choc de financement dans la tech, les startups françaises ont levé 4,26 milliards d'euros au premier semestre 2023, soit moitié moins que l'an dernier. Mais cette chute s'explique essentiellement par l'effondrement des tours de table supérieurs à 100 millions d'euros, et l'écart avec le Royaume-Uni continue de se réduire.
Sylvain Rolland
(Crédits : DR)

La French Tech plie mais ne rompt pas. D'après baromètre semestriel du capital-risque réalisé par le cabinet de conseil EY, les startups tricolores ont levé 4,26 milliards d'euros au premier semestre 2023, pour 395 opérations, soit un ticket moyen de 11 millions d'euros. La chute par rapport au premier semestre 2022 est spectaculaire : à l'époque, la French Tech engendrait deux fois plus d'argent levé (8,40 milliards d'euros), pour 362 opérations, soit 30 de moins que cette année, et un ticket moyen plus de deux fois supérieur, à 23 millions d'euros.

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Les méga-levées de fonds en panne

Dans un contexte mondial de chute des levées de fonds et des valorisations pour la tech, la France s'en sort plutôt bien : fin décembre 2022, les experts consultés par La Tribune anticipaient un premier semestre difficile. La hausse des taux d'intérêts et les incertitudes macroéconomiques ont mis un frein à un écosystème qui s'était emballé post-Covid. Par conséquent, la plupart des investisseurs ont décidé de temporiser, entraînant une chute des volumes d'investissements, d'abord aux Etats-Unis puis en Europe. « Le premier semestre 2022 était à plus de 8 milliards d'euros, le deuxième à 5 milliards, si on atteint les 4 milliards au premier semestre 2023 on s'en sortira très bien », pronostiquait l'un d'entre eux. Avec 4,26 milliards, la French Tech sauve en effet les meubles, mais poursuit la tendance déclinante.

Cette chute s'explique principalement par l'effondrement des levées de fonds supérieures à 100 millions d'euros, dites de « growth » (hyper-croissance) dans le jargon. Seules 7 méga-levées ont été annoncées au premier semestre, contre 23 à la même époque l'an dernier, pour un montant de 975 millions d'euros contre 3,6 milliards d'euros, soit deux tiers de moins. La conséquence d'un cercle vicieux, d'après Franck Sebag, associé chez EY :

« La hausse des taux d'intérêts fait baisser le rendement et la valorisations des entreprises cotées, et ce qui se passe en Bourse impacte mécaniquement le non coté car la Bourse est l'un des horizons de sortie des investisseurs dans la tech. De fait de la chute des valorisations les introductions en Bourse se raréfient, ce qui pousse les investisseurs au repli, surtout pour le financement du growth, car l'horizon de sortir s'assombrit. Ils ne savent plus valoriser les grosses startups ni combien investir dedans », explique-t-il.

A cela s'ajoute également le retrait de nombreux investisseurs étrangers, et notamment américains, en France, qui finançaient la plupart des très gros tours de table.

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L'amorçage, investissement refuge

En revanche, « l'argent est toujours là, il est juste moins déployé », nuance Franck Sebag. Les investisseurs institutionnels ont énormément investi dans la tech ces dernières années, en partie grâce au Plan Tibi, et la clôture d'un Tibi 2 de 7 milliards d'euros indique que des liquidités vont continuer d'être injectées dans la French Tech dans les prochaines années, notamment pour soutenir l'hyper-croissance des startups et leur entrée en Bourse.

Même s'ils sont plus réticents à investir de gros montants, les fonds d'investissement ont donc continué à soutenir les startups, et notamment dans le segment de l'amorçage et de la Série A (première levée de fonds institutionnelle). Les tours de tables entre 0 et 10 millions d'euros ont ainsi progressé de 26% en volume (282 opérations) et de 9% en valeur (798 millions d'euros). Même amélioration pour les levées entre 10 et 20 millions d'euros, qui ont progressé de 22% en volume (56 opérations) et de 18% en valeur (697 millions d'euros).

La chute ne se constate uniquement à partir de 20 millions d'euros : -35% en volume et en valeur pour les tours entre 20 et 50 millions d'euros, -9% en volume et -20% en valeur pour celles entre 50 et 100 millions d'euros, et -70% en volume et -73% en valeur pour les méga-levées.

Les cleantech en pleine expansion, les fintech et les services Internet coulent

Comme lors de chaque crise, les priorités des investissements changent. « Aux fraises » pré-Covid, le secteur des cleantech (qui inclut les solutions environnementales et énergétiques) explose : 1,2 milliard d'euros d'investissements, contre 926 millions l'an dernier. Il est suivi par le secteur des logiciels et services informatiques, avec 968 millions d'euros mais qui chute de plus de 50% en un an. Le top 3 des secteurs est complété par la santé, avec 590 millions d'euros, en légère baisse.

Du côté des autres secteurs, les deeptech se maintiennent autour de 400 millions d'euros, signe de l'intérêt des investisseurs pour les technologies de rupture et leur potentiel économique et stratégique. En revanche, c'est la bérézina pour les services internet, qui chutent de deux tiers à 569 millions d'euros, et surtout pour les fintech, avec à peine 385 millions d'euros levés contre 2 milliards l'an dernier, soit une chute vertigineuse de plus de 80%.

L'écart se réduit avec le Royaume-Uni

Le premier semestre 2023 consolide la place de la France comme la principale nation d'innovation de l'Union européenne, et la deuxième d'Europe derrière le Royaume-Uni. La France surpasse ainsi l'Allemagne à la fois sur le montant global (4,26 milliards contre 3,93 milliards d'euros), et sur le nombre d'opérations (395 contre 309).

De son côté, l'écart avec le Royaume-Uni ne cesse de se réduire. « Il y a trois ans le Royaume-Uni levait plus de trois fois plus d'argent que la France, l'écart est désormais de moins de deux et il est intéressant de noter qu'il y a eu autant de méga-levées -7- au Royaume-Uni qu'en France ce semestre », indique Franck Sebag.

La France décroche ainsi deux places dans le Top 10 européen du semestre, grâce aux levées des cleantech Driveco (bornes de recharge de véhicules électriques, 250 millions d'euros, 3è place européenne), et Ynsect (alternatives aux protéines animales, 160 millions d'euros, 9è place).

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Sylvain Rolland

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