En parallèle de la guerre de terrain entre l'Ukraine et la Russie, c'est une véritable guerre informationnelle qui se joue en ligne, et Facebook en est un des nombreux champs de bataille. A l'occasion de son rapport trimestriel sur les menaces qu'elle a contrées, Meta (la maison mère de Facebook) a détaillé certaines manœuvres issues du conflit qui ont touché son principal réseau social.
Sur Facebook, c'est aussi la Russie et ses alliés, réputés pour leurs capacités de manipulation de l'opinion, qui endossent le rôle des attaquants, entre tentatives d'espionnage, de désinformation et de piratage.
Bloquer la désinformation
Pour reconnaître les opérations de déstabilisation, le réseau social s'attèle à détecter les "comportements coordonnés inauthentiques", l'un des grands enjeux de sa modération. Concrètement, la plateforme tente de distinguer les mouvements d'opinion générés par ses utilisateurs, de ceux dont l'ampleur est artificiellement augmentée par des robots, des comptes piratés ou de la publicité. Elle bannit ainsi ce qu'elle appelle des "réseaux", des ensembles de dizaines de comptes et pages très suivis qui agissent de façon coordonnée.
A titre d'exemple, le 24 février, jour de l'invasion russe, Facebook a démantelé une opération d'influence initiée par le renseignement biélorusse. Ce dernier diffusait de fausses informations en polonais et en anglais soutenant que les troupes ukrainiennes se rendaient sans combattre et que les dirigeants avaient fui le pays. L'objectif : saper le moral des soutiens de l'Ukraine et soutenir la propagande russe selon laquelle l'Ukraine attendait sa "libération" par les forces russes. Meta précise également avoir bloqué les tentatives de création de compte par des membres de l'Internet Research Agency (IRA), le puissant organe de propagande russe, qu'elle avait déjà banni suite à de précédentes tentatives en 2020 et 2021.
Dernier outil de désinformation démantelé par Meta au cours du dernier trimestre : un réseau de signalement en masse. Plus de 200 comptes étaient coordonnés pour émettre artificiellement des milliers de signalement sur des messages liés à la guerre qui donnaient une mauvaise image de la Russie et ainsi les faire retirer par Facebook. "Sûrement dans le but d'éviter les outils de détection, les personnes derrière cette activité de signalement en masse coordonnaient leurs efforts sur un groupe inscrit dans le thème 'cuisine', qui comptait 50 membres quand nous l'avons démantelé", précise la plateforme. L'enjeu pour le réseau social est ici de ne pas laisser ces manœuvres piéger ses outils de modération automatique.
Tentatives de piratage
Dans le monde cyber, qui dit implication étatique, dit implication d'un ou plusieurs APT (advanced persistent threats). Ces divisions de hackers, rattachées de plus ou moins près à un Etat, ont des objectifs géopolitiques (vol ou destruction de documents, espionnage, manipulation), là où les cybercriminels cherchent l'intérêt financier.
Facebook a ainsi identifié l'activité de Ghostwriter, lié par des rapports de l'entreprise Mandiant aux gouvernements biélorusse et russe. Habitué à viser les pays limitrophes de la Russie comme la Pologne, le groupe agit toujours dans le but d'installer une méfiance vis-à-vis de l'Otan. Son mode opératoire consiste à compromettre des adresses mail afin de récupérer l'accès aux réseaux sociaux qui y sont liés. Il vise les secteurs de la défense, de l'énergie, des télécoms mais aussi des médias. Le 27 février, Meta a identifié le ciblage de figures publiques ukrainiennes par Ghostwriter dans le but de publier sur leurs réseaux sociaux une fausse vidéo YouTube montrant les soldats ukrainiens agitant le drapeau blanc. "Nous avons empêché ces vidéos d'être partagées", affirme la plateforme.
Si pour le réseau social, la ligne de la modération est facile à tracer sur ces comportements abusifs, elle devient bien plus délicate sur les questions diplomatiques. Par exemple, les comptes officiels russes -comme celui de l'ambassade française- continuent de nier le massacre par leur armée de civils ukrainiens dans la ville de Boutcha, malgré la multiplication des preuves, sans que leurs messages soient limités. Par ailleurs, pour continuer de contrôler sa version des faits, le gouvernement russe a banni Facebook et Instagram de son Internet.
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