Donald Trump aura finalement vraiment besoin que son propre réseau social décolle, parce que Facebook ne veut plus de l'ancien président américain. L'entreprise de Mark Zuckerberg a annoncé vendredi 4 juin que le milliardaire restait suspendu pour deux ans pour violation de ses conditions d'utilisation. Pendant des mois, il avait contesté la légitimité de l'élection présidentielle perdue de novembre 2020, jusqu'à soutenir l'invasion du Capitole par ses partisans, en janvier dernier, avec au moins quatre morts à la clé lors de cette insurrection historique.
Surtout, la firme californienne a décidé d'en finir une bonne fois pour toutes avec le traitement de faveur dont bénéficiaient les politiques jusqu'à présent. Le réseau social considérait que la parole d'une personnalité publique, même si elle ne respectait pas les conditions d'utilisation notamment sur les propos haineux et la désinformation, devait rester visible car relevant de l'intérêt général. Ce qui donnait, à cause de la viralité des réseaux sociaux, un amplificateur inédit pour la haine et les fake news propagées par des politiques. Ce ne sera désormais plus possible, et c'est un vrai et salutaire changement : dorénavant, les personnalités publiques qui enfreignent les règles du réseau social pourront subir le même sort -blocage du compte voire exclusion de l'utilisateur- qu'un internaute classique.
Entre deux mois et deux ans de suspension, ban pour les récidivistes
L'ex-président américain ne pourra revenir que quand les "risques pour la sécurité du public auront disparu", a précisé la plateforme. La nouvelle règle de Facebook concernant les personnalités publiques en général prévoit des sanctions allant d'un mois à deux ans de suspension, d'après un communiqué. Les récidivistes pourront être définitivement bannis.
Avec cette mesure inédite, Facebook frappe un grand coup et espère mettre fin aux mots de tête causé par Donald Trump et ses partisans pendant toute sa présidence. Facebook était écartelé entre souci de respecter la liberté d'expression et nécessité morale et économique d'assainir les échanges entre ses 2,85 milliards d'utilisateurs mensuels. Sous pression de l'opinion publique et des régulateurs aux Etats-Unis comme en Europe avec le Digital Services Act, il a finalement décidé de se ranger du côté de la loi -la haine n'est pas une opinion- et de la modération indispensable des contenus.
Cette décision a été forcée par le refus de de trancher de son propre conseil de surveillance, qui avait été chargé d'évaluer la pertinence de l'exclusion pour une durée indéfinie de Donald Trump, mais qui avait à la place décidé début mai de renvoyer la balle dans le camp de Facebook, sous-entendant que cette décision devait être assumée dans un sens ou dans l'autre par la tête de Facebook, plutôt que par un conseil de surveillance. Mais il avait envoyé un signal clair en appelant le réseau social à clarifier ses règles "arbitraires": "Les mêmes règles devraient s'appliquer à tous les utilisateurs", avaient insisté ses membres internationaux et indépendants. Dont acte.
Donald Trump outré
"La décision de Facebook est une insulte aux 75 millions de personnes, et de nombreuses autres, qui ont voté pour nous lors de l'élection présidentielle frauduleuse de 2020", a réagi dans un communiqué l'ancien chef d'Etat, ostracisé par la plupart des grandes plateformes depuis les émeutes qui avaient fait plusieurs morts et choqué le pays.
"La prochaine fois que je serai à la Maison Blanche, il n'y aura plus de dîners, à sa demande, avec Mark Zuckerberg (le patron de Facebook, ndlr) et sa femme. Nous ne parlerons plus que d'affaires!", a-t-il menacé.
Mais Facebook reste droit dans ses bottes. "Quand nous évaluons des contenus en termes d'importance pour l'information, nous ne traiterons pas les propos des politiciens différemment de ceux des autres", a indiqué Nick Clegg, le directeur des affaires publiques de la firme.
"Donald Trump a montré comment un leader politique peut se servir des réseaux sociaux pour saper les institutions démocratiques, comme les élections et le transfert pacifique du pouvoir", a souligné Paul Barrett, professeur de droit à l'université de New York, à l'AFP. Facebook a raison de changer de tactique et d'appliquer aux politiques ses règles contre les comportements néfastes".
Fallait-il exclure Trump définitivement, comme Twitter ?
Toutefois, de nombreuses ONG considèrent que le réseau a trop longtemps amplifié les propos inflammatoires du milliardaire républicain, et devrait l'exclure pour de bon, comme l'a fait Twitter
Car si Donald Trump revenait, la plateforme "resterait un chaudron d'extrémisme, de désinformation et de violence", a assuré Angelo Carusone, président de l'association Media Matters for America, à la télévision américaine.
Mais Mark Zuckerberg a longtemps refusé de jouer le rôle "d'arbitre de la vérité en ligne". Une position devenue intenable avec Donald Trump, prompt à minimiser la gravité de la pandémie ou à dénoncer, sans preuve, de supposées fraudes électorales. Autant de propos qui jettent de l'huile sur le feu dans un pays déjà très divisé. L'invasion du Congrès, qui a fait plusieurs morts, a marqué un tournant.
Au-delà de Donald Trump, restait la question des personnalités publiques exemptées de certaines sanctions sous le prétexte du droit à l'information. Ce traitement de faveur suscitait beaucoup de critiques, y compris en interne. La plateforme et ses voisines, comme Twitter, ont donc durci leur modération des contenus, à grand renfort de signalements adossés aux messages problématiques. Mais les démocrates leur reprochent toujours leur inefficacité à contenir la désinformation, tandis que les républicains les accusent de censure.
De son côté, toujours critiqué à gauche comme à droite, Facebook appelle le Parlement à prendre ses responsabilités.
"La démocratie américaine n'appartient pas à la Silicon Valley", a déclaré Nick Clegg vendredi dans une interview à la Brookings Institution. "Nous ne cessons de répéter qu'il serait bien meilleur sur le long terme que les élus et régulateurs prennent ces décisions, plutôt que nous devions mettre en place notre propre conseil de surveillance".
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