Donald Trump restera finalement banni de Facebook et Instagram... pour l'instant. Le Conseil de surveillance de Facebook, lancé officiellement en mai 2020, a rendu mercredi un avis très attendu sur le sujet. Le groupe de Mark Zuckerberg avait pris la décision très controversée de bloquer pour "une durée indéterminée" les comptes de l'ancien président américain en janvier pour "incitation à la violence", suite à ses messages publiés lors de l'irruption de manifestants pro-Trump au sein du Capitole à Washington. Cette décision avait soulevé une vague de critiques d'associations et de représentants politiques, dénonçant le pouvoir des plateformes dominantes dans la régulation du débat et de la liberté d'expression.
Face à ce cas de conscience inédit, Facebook a donc saisi son Conseil de surveillance, sorte de "Cour suprême" qu'il présente comme indépendante, mais qu'il finance directement à hauteur de 130 millions de dollars sur six ans. Ses préoccupations adressées à l'organe : est-il juste de suspendre indéfiniment un utilisateur ? Et comment réagir lorsqu'il s'agit d'un responsable politique ?
"Facebook cherche à échapper à ses responsabilités"
Dans son avis, le Conseil estime que le groupe a eu raison d'interdire à Donald Trump de publier des messages. "En maintenant un récit infondé de fraude électorale et des appels persistants à l'action, M. Trump a créé un environnement où un risque sérieux de violence était possible", peut-on lire dans l'avis. Et de poursuivre : "En tant que président, M. Trump avait un haut niveau d'influence", avec 35 millions d'abonnés sur Facebook et 24 millions sur Instagram.
Cependant, l'instance juge qu'il est "inapproprié pour Facebook d'imposer une suspension indéfinie". C'est pourquoi elle demande au groupe de réexaminer sa position dans les six prochains mois.
"En appliquant une sanction vague et sans norme, puis en renvoyant cette affaire au Conseil pour qu'il la résolve, Facebook cherche à échapper à ses responsabilités", tranche l'organe.
C'est donc un retour à la case départ pour la firme de Menlo Park, qui se retrouve de nouveau confrontée à l'épineux problème de la modération des contenus. "Nous allons maintenant examiner la décision du conseil d'administration et déterminer une action qui soit claire et proportionnée. En attendant, les comptes de M. Trump restent suspendus", a réagi dans un communiqué de presse mercredi Nick Clegg, vice-président communication et affaires publiques de Facebook.
La modération, un jeu d'équilibriste
Pour Arnaud Mercier, professeur en information-communication à l'université Panthéon-Assas, "l'avis cherche à résoudre la tension à laquelle Facebook doit désormais faire face".
"D'un côté, il s'agit d'un opérateur privé qui est parfaitement légitime afin de définir ses propres règles pour les utilisateurs de son service. De l'autre côté, le réseau social exerce une sorte de mission de service public qui est devenu de fait, au fil des ans, un support d'expression politique très importante", explique-t-il.
C'est pourquoi il revient au géant des réseaux sociaux d'établir des règles claires et précises. C'est bien toute la difficulté de la modération, véritable exercice d'équilibriste. Depuis des années, les plateformes sont régulièrement accusées d'être soit trop laxistes - et de laisser proliférer des messages d'incitation à la haine ou les fake news - soit trop strictes. Face à ce dilemme, la prise de position du groupe américain reste inchangée : il se considère uniquement comme une plateforme de transit de contenus, refusant le statut d'éditeur qui s'accompagne d'une myriade d'obligations.
"Il s'agit d'un discours de façade, qui est de plus en plus difficile à tenir pour Facebook, estime Arnaud Mercier. Son argumentaire a perdu en cohérence car au fil des rapports de force avec les autorités, le groupe américain a dû concéder des parts de responsabilité sur la gestion des contenus (terroristes, pédopornographiques, fake news...)"
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