Test politique réussi pour StopCovid... mais le plus dur commence. L'application controversée de traçage des contacts pour casser les chaînes de transmission du Covid-19, a été acceptée, mercredi 27 mai, par les députés et les sénateurs. Au terme de quatre heures de débats, les parlementaires ont approuvé, par 388 voix pour et 215 contre, la création de l'application StopCovid, qui sera disponible dès le samedi 30 mai. Les sénateurs ont fait de même dans la soirée, avec 186 "pour", 127 "contre" et 29 abstentions.
Doutes sur le fonctionnement optimal de l'application
Il va désormais falloir passer le test du réel. Au nom de la souveraineté nationale, le gouvernement français a fait un pari risqué en refusant de recourir à l'API développée par Google et Apple pour que les applications de contact tracing fonctionnent de manière optimale sur les smartphones équipés de leur système d'exploitation (Android pour Google, iOS pour Apple), qui équipent 99,9% du marché français selon Kantar.
Même si le gouvernement s'est allié avec la crème des acteurs publics et privés hexagonaux -l'institut informatique Inria, l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information (Anssi) sur le volet cybersécurité, les experts d'Orange pour l'interopérabilité, la startup Lulabee Labs pour l'ergonomie mobile et le design, entre autres-, les experts du secteur technologique doutent que StopCovid fonctionne de manière optimale.
La raison : pour que StopCovid soit compatible avec la législation sur le respect de la vie privée -le RGPD et le règlement européen e-privacy-, il a fallu utiliser la technologie du Bluetooth pour tracer les interactions sociales des individus équipés de l'appli, et non pas la géolocalisation, qui est une technologie plus efficace pour cette finalité, mais beaucoup plus intrusive. Le Bluetooth est un système de communication entre appareils électroniques dont l'accès est sévèrement contrôlé par les systèmes d'exploitation des smartphones, pour des raisons de sécurité -les experts le considèrent comme une porte d'entrée privilégiée de cyberattaques- et d'efficience énergétique -activer le Bluetooth consomme vite la batterie.
"StopCovid va marchouiller. Sur un téléphone Apple, ça risque de planter en permanence, et sur un Android, ça va fonctionner sur certaines versions" et pas sur les plus anciennes, estime Olivier Laurelli, informaticien et militant pour les libertés numériques, à l'AFP. Même avec le meilleur logiciel du monde, c'est le terminal (le smartphone, dont le système d'exploitation est contrôlé par Apple ou Google) qui va le faire fonctionner avec le Bluetooth", souligne-t-il.
"Ca marche correctement" pour Cédric O
D'autant plus qu'Apple -21,1% du marché français des smartphones- désactive automatiquement le Bluetooth pour les tâches en arrière-plan. Autrement dit, il n'est normalement pas possible d'utiliser le Bluetooth tout en faisant autre chose sur le smartphone, comme regarder ses courriels ou écouter de la musique, avec les téléphones Apple. Ce qui limiterait grandement l'efficacité de StopCovid, utile principalement lors des déplacements.
Face à ces interrogations, le gouvernement affiche confiance et sérénité. "L'appli marche correctement sur iPhone, il n'y a pas de problème", martèle le secrétariat d'Etat au Numérique. Devant les députés de la commission des Lois de l'Assemblée nationale, Cédric O, le secrétaire d'État au numérique, a assuré lundi que les tests montraient que StopCovid fonctionnait "très correctement" sur les 100 téléphones les plus utilisés par les Français, de 17 marques différentes. "Nous avons fait des tests en intérieur et en extérieur, y compris dans des endroits comme le métro", a-t-il ajouté. Verdict à partir du 30 mai.
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