L'Etat veut garder Stéphane Richard à la tête d'Orange

Malgré sa mise en examen dans l’affaire de l’arbitrage Tapie, le PDG de l’opérateur historique a convaincu l’Etat de soutenir sa candidature pour un troisième mandat à la tête du numéro un français des télécoms.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.
Stéphane Richard, le PDG d'Orange. (Crédits : Charles Platiau)

L'horizon semble, pour le moment, plutôt dégagé pour Stéphane Richard. Le PDG d'Orange, qui est candidat à un troisième mandat de chef de file de l'opérateur historique, a vu son action saluée par Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie, dimanche dernier. Sur BFM-TV, le locataire de Bercy a loué son « bon travail à la tête d'Orange ». « Il a pacifié une entreprise qui, souvenez-vous, était dans une situation de conflit social, de souffrance des salariés considérable, a-t-il poursuivi. [Il a] réussi en investissant davantage sur la fibre, sur des secteurs d'avenir. » Le lendemain de ces compliments, Bruno Le Maire a fini d'adouber Stéphane Richard sur Radio Classique : « [Il] a fait du beau travail, il a vocation à être reconduit. » Un soutien éminemment important pour le PDG, puisque l'Etat demeure le premier actionnaire d'Orange, avec 23% du capital.

Stéphane Richard dispose ainsi, sur le papier, de très bonnes chances de conserver son fauteuil de PDG. Même si beaucoup estimaient que sa mise en cause dans l'affaire de l'arbitrage Tapie plomberait ses ambitions. Pour rappel, le PDG a été mis en examen en 2013. L'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde, ex-ministre de l'Economie, doit prochainement être jugé pour « complicité d'escroquerie » et « complicité de détournement de fonds publics ». Reste que si le gouvernement soutient la candidature de Stéphane Richard, Bruno Le Maire s'est montré catégorique : « S'il y a une condamnation de Stéphane Richard à un moment donné, il remettra immédiatement son mandat », a assuré le ministre sur BFM-TV.

Soutien des salariés

Jusqu'à présent, un nom a beaucoup circulé pour remplacer cet énarque de 56 ans au printemps prochain : Nicolas Dufourcq, l'actuel patron de Bpifrance (qui possède 9,6% d'Orange). Début 2017, celui-ci a pris place au conseil d'administration de l'opérateur. Et beaucoup s'interrogeaient sur ses ambitions chez l'opérateur historique. Questionné à ce sujet l'an dernier, Stéphane Richard s'était montré diplomate : « Est-ce que ça me réjouit de voir [Nicolas Dufourcq] arriver au conseil ? Ma réponse est oui. Pourquoi ? Parce que non seulement il connaît très bien l'entreprise, mais surtout, il s'y intéresse. » Avant de poser clairement ses pions : « Vous savez, je suis tout à fait détendu vis-à-vis de la compétition. La compétition, ça fait partie de la vie. Mais en même temps, une entreprise a besoin de stabilité, de continuité... Je pense qu'en France, on a parfois un peu trop cette maladie du 'dégagisme'. Et quand je regarde autour de moi, les patrons des grands opérateurs européens restent généralement entre 10 et 15 ans à la tête de leurs entreprises. »

Face à Nicolas Dufourcq, Stéphane Richard a notamment pu compter sur le soutien des salariés actionnaires d'Orange. En octobre dernier, l'Association pour la défense de l'épargne et de l'actionnariat des salariés d'Orange (Adeas) et la CFE-CGC de l'opérateur historique ont même demandé la révocation de Bpifrance du conseil d'administration du groupe. Selon eux, il est inacceptable que Bpifrance soit présent au conseil de l'opérateur historique, alors qu'en parallèle, le groupe investit dans un concurrent direct d'Orange sur le marché des télécoms d'entreprise. Si cette manœuvre a été perçue par certains comme un moyen de plomber l'éventuelle candidature de Nicolas Dufourcq, l'Adeas et la CFE-CGC ont affirmé qu'il n'en était rien. A les entendre, ils ne voulaient que « défendre les intérêts d'Orange ».

Echec de la consolidation en France

Côté bilan, Stéphane Richard, qui est arrivé chez l'ex-France Télécom en 2009 en pleine crise des suicides, peut se targuer d'avoir apaisé un climat social alors au plus bas. Dans un marché français ultra-concurrentiel et marqué par la guerre des prix, sa politique d'un positionnement premium, soutenu par un fort investissement dans les réseaux (4G et fibre optique), a porté ses fruits. Côté contenus, il a misé sur des partenariats (avec Canal+ par exemple), plutôt que sur des rachats de groupes de médias ou de droits sportifs. Un arbitrage qui s'est, jusqu'à présent, avéré payant. Alors que son rival SFR, qui a fait le pari inverse, est aujourd'hui en grande difficulté.

Reste qu'en France, Stéphane Richard a échoué à boucler le rachat de Bouygues Telecom début 2016. En outre, certains jugent Stéphane Richard trop timoré côté emplettes à l'étranger, malgré le rachat de l'espagnol Jazztel il y a trois ans. « Orange doit grossir à l'international », estimait notamment une source proche de Bercy citée par BFM-TV. Sur ce front, des rumeurs font régulièrement état de possibles rapprochements d'Orange avec Telecom Italia ou Deutsche Telekom. Selon Le Monde, les opérateurs historiques français et allemand ont d'ailleurs discuté mariage l'an dernier. Mais ces discussions n'ont pas abouti.

En attendant, pour trouver de nouveaux relais de croissance, Stéphane Richard a investi dans de nouveaux domaines. Sous sa coupe, Orange s'est notamment renforcé dans la cybersécurité et dans la banque (avec le lancement d'Orange Bank en novembre dernier).

Pierre Manière

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Commentaires 13
à écrit le 20/02/2018 à 10:45
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Le CA d'Orange a chuté de 12 milliards d'Euros en 10 ans là ou celui de DT a continué croitre fortement et régulièrement. Résultat quand il y a 20 ans les 2 CA étaient similaires aujourd'hui le CA de DT sera de plus de 75 milliards d'euros cette an...

à écrit le 25/01/2018 à 0:17
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Le soutient entre énarques joue à fond.

à écrit le 24/01/2018 à 14:23
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Orange monopolise le développement de la fibre optique qui avance à petit pas. Les collectivités locales sont obligées de construire par elles-mêmes les réseaux. Sur le plan matériel, cela avance vite, mais sur le plan commercial, c'est un imbroglio ...

à écrit le 24/01/2018 à 10:46
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Il faut arrêter de dire qu’il est soutenu par les salariés c’est totalement faux, ils en ont assez des mises en examen des dirigeants successifs pour harcèlement escroqueries détournement fraude et dans l’entreprise on les bassine avec la « complianc...

le 24/01/2018 à 13:25
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les salariés regrettent certainement l'époque Lombard ?

à écrit le 24/01/2018 à 9:38
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Il n’a rien pacifié du tout violence harcèlement suicides n’ont jamais cessé c’est juste que les infos ne sortent pas de l’entreprise il n’est pas du tout soutenu par les salariés qui en ont assez de toutes les mises en examen, il est juste soutenu p...

le 24/01/2018 à 13:27
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les suicides à FT-Orange, il y a eu beaucoup de manipulation médiatique dessus. La vérité c'est qu'ils n'y ont jamais dépassé la moyenne nationale dans la population active.

à écrit le 24/01/2018 à 8:49
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La genèse de cette histoire...le Crédit Lyonnais ! La vérité surgira bien un jour ou l'autre !

le 24/01/2018 à 13:24
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Peyrelevade et les incendies qui ont régulièrement détruit des preuves...

à écrit le 24/01/2018 à 8:45
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La République des copains et des coquins...

à écrit le 24/01/2018 à 8:03
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mouais... ça m'étonnerait que Le Maire se soit lancé dans un tel panégyrique de S. Richard s'il ne savait pas que l'"affaire" Tapie Crédit Lyonnais risque fort de virer à la relaxe générale faute de preuve que l'arbitrage a été réellement truqué (apr...

à écrit le 23/01/2018 à 19:14
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Bonne nouvelle pour Monsieur MERCIER, la relaxe est en bonne voie.

à écrit le 23/01/2018 à 18:07
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.....comme la corde soutient le pendu....

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