Le coup de griffe d’Orange à Free pour publicité « trompeuse »

Selon nos informations, le ton est monté ces derniers jours entre l’opérateur historique et Free. Orange a jugé qu'une campagne d’e-mailing de son rival, en lien avec l'extinction progressive d'une technologie de téléphonie fixe, était « trompeuse » et lui portait préjudice. La hache de guerre a finalement été enterrée après la décision, par l’opérateur de Xavier Niel, d'envoyer un mail correctif à ses abonnés. Dans un autre dossier, pour des raisons similaires, Orange a fait feu sur Bruneau, un spécialiste des fournitures de bureaux qui se lance dans les télécoms.
Pierre Manière
Stéphane Richard, le PDG d'Orange.
Stéphane Richard, le PDG d'Orange. (Crédits : Reuters)

Orange a vu rouge. D'après nos informations, l'opérateur historique s'est écharpé, ces derniers jours, avec son concurrent Free. Le groupe dirigé par Stéphane Richard n'a pas du tout apprécié une récente campagne d'e-mailing de son rival, estimant qu'elle lui portait préjudice. Après une mise en demeure et la menace de porter frontalement l'affaire en justice, Free a finalement décidé d'envoyer un mail correctif aux clients concernés. Ce qui a mis fin au différend.

L'affaire a débuté il y a un peu moins de deux semaines. Rompu aux campagnes d'e-mailing, Free, aujourd'hui en difficulté dans l'Hexagone, envoie un message à ses abonnés Freebox en « dégroupage partiel » - c'est-à-dire, en clair, ceux qui ont conservé en parallèle de leur abonnement Internet chez Free, une ligne téléphonique fixe chez Orange. Dans cette missive, que le site Universfreebox a publié le 6 septembre, l'opérateur de Xavier Niel « encourage » ses clients « à migrer de [leur] offre actuelle (...) vers l'offre Freebox en dégroupage total ». Et ce, afin « d'économiser le prix de [leur] abonnement téléphonique, [qu'ils payent] encore actuellement auprès de l'opérateur historique Orange », lequel s'élève à 17,96 euros par mois.

Le spectre « d'interruptions de service »

Pour inciter ses abonnés à passer de la sorte tous leurs services télécoms chez-lui, Free termine son mail par cette affirmation :

« L'opérateur historique Orange a confirmé que dès le mois de novembre 2018, il va cesser l'installation des lignes analogiques (dégroupage partiel), c'est pourquoi nous vous invitons dès maintenant à procéder à votre migration, pour continuer à pouvoir utiliser votre Freebox sans interruption de service. »

Chez Orange, cette phrase ne passe pas du tout. A ses yeux, Free instrumentalise ici de manière « trompeuse », nous dit une source proche du dossier, une actualité (celle de la fin de la commercialisation des lignes analogiques traditionnelles encore utilisées pour la téléphonie fixe) pour inciter ses clients à migrer tous leurs services chez lui, sous peine d'essuyer d'éventuels problèmes. L'ex-France Télécom a en effet annoncé cet été qu'il cesserait d'installer de nouvelles lignes téléphoniques fixes sur un vieux réseau, le Réseau téléphonique commuté (RTC), qu'il gère seul, à compter du 15 novembre prochain. Sachant que ce réseau - dont la technologie a été inventée au 19e siècle - va progressivement être éteint à compter de la fin 2022 au profit de la téléphonie par IP, qui nécessite une box Internet. Quoi qu'il en soit, il n'y a pas, a priori, de lien entre la fin de la commercialisation de nouvelles lignes sur le bon vieux RTC et l'apparition de possibles « interruptions de service », comme l'indique Free.

Un mail correctif qui ne passe pas

Remonté, Orange a lancé une procédure de mise en demeure envers Free. Le 7 septembre, l'opérateur a demandé à son rival de préciser à ses abonnés que la fin du RTC n'aurait aucune conséquence pour ses services comme pour les siens. L'opérateur de Xavier Niel s'est alors fendu, sans traîner, d'un second mail à ses fidèles, également publié par Universfreebox le 12 septembre dernier:

« A la demande de l'opérateur Orange, nous vous communiquons la précision suivante : au 15 septembre 2018, Orange procédera uniquement à l'arrêt de commercialisation sur support cuivre (RTC) de ses offres d'abonnement téléphonique fixe, lit-on. Ce changement est sans aucune conséquence pour les offres que vous auriez souscrites auprès d'Orange. »

Mais pour le groupe de Stéphane Richard, le compte n'y est pas. Pour lui, si Free affirme que les abonnés Orange ne rencontreront pas de problème avec leur ligne téléphonique fixe, il reste silencieux concernant ses propres services Internet. Autrement dit, il laisse planer le spectre d'éventuels ennuis auprès de ses abonnés en dégroupage partiel à compter du 15 novembre. Orange a alors décidé, en fin de semaine dernière, de porter rapidement l'affaire devant la justice. Sitôt informé de l'attaque d'Orange, Free aurait décidé, selon nos informations, de se fendre d'un troisième mail à ses abonnés pour préciser que la fin de la commercialisation de nouvelles lignes sur le RTC n'aurait pas de conséquences pour ses offres comme pour celles d'Orange. Ce qui a mis fin au litige. Contacté par La Tribune, Free n'a pas souhaité faire de commentaire.

Orange s'attaque à Bruneau

En parallèle, Orange a également, selon nos informations, envoyé une mise en demeure à une autre société en début de semaine. Il s'agit du groupe Bruneau, un spécialiste des fournitures de bureaux, qui s'est récemment lancé dans les télécoms auprès des TPE et PME. Pour l'opérateur historique, ce nouvel arrivant s'est aussi servi des annonces sur l'extinction du RTC pour envoyer un message alarmiste afin de conquérir des clients. C'est une publicité de Bruneau à la radio, sur BFM, qui a mis le feu aux poudres. Si ce spot vante d'abord ses nouveaux « abonnements télécoms et Internet 100% pro sur les meilleurs réseaux », il explique ensuite que « dès le 15 novembre, deux entreprises sur trois vont devoir changer de téléphonie ». Ce qui n'est pas vrai.

En fin d'après-midi, ce mardi, Bruneau affirmait qu'il n'avait pas encore reçu de mise en demeure d'Orange. Eric Thomas, directeur de Bruno Solution Télécom, est toutefois revenu sur la publicité du groupe sur BFM :

« Ce qui est certain, c'est que la radio [offre un espace] de communication réduit. On a 20 secondes pour s'exprimer... Donc on va forcément vite. Et on invite, comme vous l'avez entendu dans le spot, les auditeurs à venir sur notre site. Cette publicité, c'est avant tout une invitation à se connecter sur le site Bruneau.fr pour en savoir plus. »

Eric Thomas souligne qu'une fois sur le site, « on parle bien de l'arrêt de la commercialisation du RTC, et non de la fin de son exploitation ». Orange ne l'a, visiblement, pas compris de cette manière... Interrogé par La Tribune, l'opérateur historique n'a pas souhaité faire de commentaire.

Pierre Manière

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Commentaires 10
à écrit le 20/09/2018 à 15:41
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le RTC est un réseau non pas du 19eme siècle, mais entièrement numérique (france telecom a eu le premier réseau tout numérique mondial en 1998, on n'est pas au moyen age comme le répètent certains). Ce réseau offre le service téléphonique connu, ce s...

à écrit le 20/09/2018 à 15:40
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le RTC est un réseau non pas du 19eme siècle, mais entièrement numérique (france telecom a eu le premier réseau tout numérique mondial en 1998, on n'est pas au moyen age comme le répètent certains). Ce réseau offre le service téléphonique connu, ce s...

à écrit le 19/09/2018 à 17:49
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Il est vrai que Orange n'a jamais été attaqué ni condamné pour publicité « trompeuse » ou "mensongère"...les exemples ne manquent pas.

le 21/09/2018 à 19:08
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Oh le vilain... Pas gentil...

à écrit le 19/09/2018 à 13:42
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Les nouvelles lignes fixes ne seront pas proposées, arrêt de cette activité. Mais quand les installations de centraux téléphoniques seront démontées il parait que les gens concernés seront informés 5 ans avant, le temps de se retourner, s'organiser. ...

à écrit le 19/09/2018 à 11:43
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Le fond du sujet est le coût de l'accès physique et sa réglementation. A un moment donné on se reposera la question à l'échelle européenne de la séparation fonctionnelle et de la dépéréquation de l'accès. Le vrai enjeu n'est pas la guéguerre franco-f...

le 20/09/2018 à 15:57
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vous avez entièrement raison. A l'heure où il n'y a plus que 10 opérateurs aux US, 4 sur le mobile, l'europe continue à balkaniser le marché avec 159 opérateurs. Et on s'étonne que nos nains se fassent plumer par les GAFAM et autres géants telcos. E...

à écrit le 19/09/2018 à 10:49
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de toute façon en passant avec une box il feront une economie deja l'abonnement ensuite les communications en france sont gratuites dans la plupart des contrats alors 2022 ou tout de suite a vous de choisir d'autant que l'on peut conservé ses telph...

à écrit le 19/09/2018 à 10:34
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Quand il y a 6 mois j'ai souscrit à une box OrangeTV, l'employé de la boutique Opéra m'a soutenu que l'entretient du réseau filaire avait cessé, voulant m'imposer par ces arguments la fibre optique... J'ai du insister lourdement pour obtenir gain de ...

à écrit le 19/09/2018 à 10:13
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Ce pays par vraiment en quenouille.

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