Le streaming audio cherche sa deuxième vague de croissance

Les plateformes veulent convertir plus d’utilisateurs au payant et séduire dans les pays émergents, le stade de la maturité ayant déjà été atteint sur certains marchés.
Crédit Agricole : gain d'un milliard d'euros lié à la vente de la banque grecque Emporiki.
Crédit Agricole : gain d'un milliard d'euros lié à la vente de la banque grecque Emporiki. (Crédits : iStock)

Après avoir redonné des couleurs à l'industrie de la musique, le streaming audio cherche de nouveaux relais de croissance pour continuer de prospérer. En 2018, les revenus générés par le streaming ont augmenté de 34 % à près de 9 milliards de dollars, tirés par la hausse des abonnements payants (+ 33 %), selon le dernier rapport de la Fédération internationale de l'industrie phonographique (Ifpi).

Au total, 255 millions de personnes étaient abonnées à un service comme ceux proposés par Spotify, Deezer ou Apple Music. Pour autant, la conversion des utilisateurs au payant reste difficile : les mélomanes utilisant ces plateformes via des offres gratuites, financées par de la publicité, sont encore nombreux. Par exemple, le géant suédois Spotify, lancé dès 2006, est leader du marché avec 113 millions d'abonnés payants (+ 31 % sur un an) pour 135 millions d'utilisateurs via son offre gratuite.

À titre de comparaison, Netflix, leader du streaming vidéo depuis 2011, revendique 158 millions d'abonnés pour 7,64 millions d'utilisateurs en période d'essai gratuite. La différence : le streaming vidéo, qui repose principalement sur des offres payantes après une période d'essai gratuite, pousse davantage les utilisateurs à passer à la caisse.

Un modèle pas suffisamment incitatif

En France, on compte 5,5 millions d'abonnées à un service audio payant, selon le rapport annuel du Syndicat national de l'édition phonographique (Snep), quand Netflix revendique à lui seul plus de 6 millions d'abonnés. « Le modèle adopté par le streaming audio n'est pas assez incitatif. Beaucoup d'au- diteurs ne voient pas l'intérêt de s'abon-ner, puisqu'il est encore possible d'écouter de la musique en supportant quelques publicités », regrettait Cécile Rap-Veber, Directrice des licences, de l'international et des plateformes à la Sacem, à la mi-octobre lors du MaMA Festival, à Paris.

Infographie, H309, Streaming audio, podcast, mobile

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Autre différence : là où les plateformes vidéo promettent des contenus exclusifs, le streaming audio donne accès à un catalogue identique de titres. Jusqu'ici les plateformes misaient majoritairement sur l'agrégation de chansons via les playlists pour fidéliser les auditeurs. Pourtant, seulement 15 % des utilisateurs de streaming écoutent des playlists, selon une étude du cabinet spécialisé Midia Research datant d'avril 2019. « Les playlists ne sont vraiment pas au streaming audio ce que le binge watching est à la vidéo », souligne l'étude.

De plus en plus de contenus non musicaux

Pour se démarquer, les plateformes mettent désormais l'accent sur le contenu exclusif grâce aux podcasts. Apple a été précurseur avec un onglet dédié dès 2005, alors que les podcasts en étaient à leurs balbutiements. Steve Jobs, alors PDG d'Apple, prédisait que les podcasts seraient « la prochaine génération de radios ». La firme à la pomme croquée revendique aujourd'hui 550.000 podcasts actifs pour 18,5 millions d'épisodes. Il a ensuite été copié par le français Deezer et Spotify, qui ont agrégé des podcasts dans un premier temps, avant de se lancer dans la production originale respectivement en 2016 et 2018.

Le but : créer des rendez-vous réguliers pour les auditeurs et améliorer la rétention d'informations. « Le streaming audio cherche son "moment Netflix", écrit l'analyste Mark Mulligan dans une note de Midia Research. Netflix a transformé le marché de la télévision en permettant aux spectateurs d'accéder à des contenus de qua- lité à bon marché, mais aussi en modifiant à jamais la manière dont la télévision est faite. Les podcasts font la même chose, en permettant d'explorer tous les sujets de niche et sans contrainte nde nombre et de durée d'épisodes. » Spotify a mis les bouchées doubles courant 2019, en achetant trois pépites du podcast - Gimlet Media pour 230 mil- lions de dollars, Anchor (pour plus de 100 millions de dollars) et Parcast (pour un montant non communiqué). À terme, le PDG de Spotify promet « 20 % de contenus non musicaux » sur sa plateforme.

Lors de ses derniers résultats fin octobre, la plateforme a déjà corrélé la progression de ses abonnements (+ 31 % sur un an) à sa stratégie de développement de l'offre de podcasts, désormais au nombre de 500.000. Environ 14 % des abonnés écoutent régulièrement des podcasts. « Nous continuons d'observer une croissance exponentielle sur le nombre d'heures de podcasts écoutées (+ 39 % par rapport au trimestre précédent) et des indications sur le fait que les podcasts forment un cycle vertueux : ils augmentent l'engagement et, de manière significative, la conversion d'utilisateurs du service gratuit en abonnés », écrit Spotify dans sa lettre aux investisseurs. En plus de dix ans d'existence, le streaming audio arrive déjà à maturité sur certains marchés développés, comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas ou encore l'Australie. La croissance des revenus du streaming était de 29 % en 2018, elle devrait être de 7 % seulement en 2026, selon une étude publiée en mars dernier par Midia Research.

« La croissance à long terme sera tirée par les pays émergents, tels que le Brésil, le Mexique et l'Inde, puis par l'adoption sur des grands marchés, comme l'Allemagne et le Japon », écrit l'analyste Mark Mulligan. L'Amérique latine est actuellement la région avec les plus forts taux de progression à l'échelle mondiale. Chez Spotify, elle représente 22 % des utilisateurs actifs mensuels, contre 27 % pour l'Amérique du Nord, 35 % pour l'Europe et 16 % pour le reste du monde. Pour doper sa croissance à l'international, le géant suédois s'est lancé en février en Inde, deuxième pays le plus peuplé au monde, avec 1,36 milliard d'habitants et 560 millions d'internautes. De son côté, Deezer mise sur le Moyen-Orient. En août 2008, le français avait levé 160 millions d'euros en série F auprès du fonds souverain saoudien Kingdom Holding Company pour se développer au Moyen-Orient.

ZOOM

Le Podcast s'invite dans la campagne municipales

Un micro posé sur une table, un membre de l'équipe de campagne qui pose des questions, un candidat qui répond, un logiciel de montage gratuit et le tour est joué. Paris en commun, qui soutient la maire sortante Anne Hidalgo, mise sur le podcast audio. Transition écologique, mobilité, partage de l'espace public... Tous les sujets d'actualité sont évoqués pendant vingt minutes par un élu. « Ce format un peu plus long permet d'expliquer des situations complexes, comparé à Twitter à ou à une vidéo », déclare-t-on chez Paris en commun. « Nous trouvons en outre que le débat n'est pas de très haute qualité en ce moment, alors qu'il nécessite des éclairages et des faits. » A contrario, dans l'Oise, l'outil est utilisé pour présenter les membres de la liste Passion Chantilly, portée par Isabelle Wojtowiez. Celle qui a succédé au député Éric Woerth, frappé par le non-cumul en 2017, s'y confie sur son engagement politique et ses passions personnelles. « Les candidats sont bien plus à l'aise que devant une caméra, de même que la voix permet une attention plus soutenue de l'auditeur », justifie la directrice de campagne Morgane Canastra. C. A.

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Commentaire 1
à écrit le 12/11/2019 à 10:30
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Quand je vois l'arnaque que c'est pour les créateurs , je préfère faire du gratuit mais avec un système de communication qui permet de maîtriser tout. Donc pour le moment, c'est plus intéressant pour moi de garder ma création dans le pc..... Ma...

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