Nicolas Canteloup n'y est pas allé de main morte. Ce lundi, l'humoriste, qui officie sur Europe 1, a évoqué la grève des salariés de la station, inquiets de devenir le miroir radiophonique de la très droitière CNews. Il a d'abord imité le matinalier Matthieu Belliard : « Faut pas dramatiser la situation ! On peut rire de tout sur Europe 1. Tiens, par exemple, on peut parfaitement se moquer d'Eric Zemmour sur cette antenne ! N'est-ce pas cher Eric Zemmour ? » L'humoriste se met ensuite dans la peau du polémiste star de CNews : « Enfin mais bien sûr qu'on peut se moquer de moi ! J'adore l'humour, j'aime faire rire. Enfin même si je préfère foutre la trouille à tout le monde avec les vagues d'immigration et le grand remplacement ! »
La sortie ne manque pas de piquant. Ce même lundi, les salariés d'Europe 1 ont décidé de reconduire leur grève, initiée vendredi après la mise à pied d'un journaliste, pour 24 heures. Leur crainte, c'est de voir la station multiplier les ponts avec CNews et se muer en « média d'opinion » fortement marqué à droite, voire à l'extrême droite. Les derniers mouvements ne les rassureront pas. Les synergies avec la chaîne du groupe Canal+, propriété de Vivendi et dont le chef de file n'est autre que Vincent Bolloré, vont bon train. D'après Le Figaro, Laurence Ferrari va animer, à la rentrée, une émission commune avec CNews.
La promo de Louis de Raguenel
Parmi les nouveautés, il y a surtout la promotion de Louis de Raguenel, qui a officiellement été nommé à la tête du service politique. Ancien de Valeurs Actuelles, celui-ci était arrivé en septembre dernier comme adjoint du service politique d'Europe 1. A l'époque, la nouvelle a suscité un fort émoi au sein de la radio. Dans un communiqué, la Société des rédacteurs d'Europe 1 (SDR) s'était « farouchement [opposée] » à cette arrivée. « Jamais un journaliste ouvertement marqué politiquement n'a été chef du service politique », avaient fustigé les élus de la SDR, « rappelant leur attachement au caractère généraliste de l'antenne et à un traitement non idéologisé de l'information ».
Jeudi dernier, cette même SDR et l'intersyndicale d'Europe 1 se sont fendues d'une tribune dans le journal Le Monde pour protester contre la « Bollorisation » de la station, propriété du groupe Lagardère :
« Jour après jour, la station semble s'arrimer un peu plus à l'antenne de CNews, conformément au rêve de Vincent Bolloré depuis des années, écrivent-ils. Devenu premier actionnaire du Groupe Lagardère [à hauteur de 28% via Vivendi, NDLR], il a désormais les coudées franches pour concrétiser son projet... sans même avoir besoin de racheter la radio. »
Un « danger grave et imminent »
De fait, Vincent Bolloré est aujourd'hui l'homme fort de Lagardère. En avril dernier, Arnaud Lagardère a décidé de mettre fin au dispositif de commandite qui lui assurait les pleins pouvoirs sur son groupe, ouvrant un boulevard à l'homme d'affaires breton. Le souhait de Vincent Bolloré de mettre la main sur Europe 1 pour rapprocher la station de CNews ne date pas d'hier. En février dernier, La Tribune évoquait, d'ailleurs, sa volonté d'accrocher la radio à son tableau de chasse.
Les représentants de la SDR et de l'intersyndicale ne cachent plus, aujourd'hui, leur désarroi, et affichent leur opposition à ce qui s'apparente à un mariage avec CNews :
« En liant son sort à une chaîne qui s'illustre à longueur de journée par un activisme politique fortement ancré à droite, voire parfois à l'extrême droite, Europe 1 va perdre ce qui lui reste de plus précieux : son capital de crédibilité auprès des auditeurs. »
Toujours dans le quotidien du soir, 64 anciens de la radio, dont Jean-Michel Apathie, Claude Askolovitch ou Anne Sinclair ont déploré dans une tribune le « danger grave et imminent » auquel fait face la station. A savoir « l'instauration, sous la pression de Vincent Bolloré, actionnaire de Lagardère, d'une ligne éditoriale partisane en rupture totale avec la longue histoire de cette station, pionnière de la radio moderne ». Jusqu'à présent, « jamais [l']actionnaire principal [d'Europe 1] n'avait tenté d'en faire un jouet politique partisan et un haut-parleur des haines qui agitent notre débat politique », alertent-ils, en soutien aux salariés actuels. Il est toutefois peu probable que Vincent Bolloré, qui a employé la méthode forte pour mettre Canal+ et CNews au pas, change son fusil d'épaule.
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