Suppression de la redevance : l'inquiétude grandit au sein de l’audiovisuel public

Les voix s’élèvent contre la décision d’Emmanuel Macron d’en finir avec la redevance audiovisuelle, essentielle au financement de la télévision et des radios publiques. Chez France Télévisions, plusieurs syndicats redoutent une « paupérisation » des chaînes. Idem du côté d’Arte, qui craint une « baisse de dotation ».
Pierre Manière
Deux semaines plus tôt, le gouvernement a annoncé vouloir enterrer la redevance audiovisuelle.
Deux semaines plus tôt, le gouvernement a annoncé vouloir enterrer la redevance audiovisuelle. (Crédits : (c) Copyright Thomson Reuters 2010. Check for restrictions at: http://about.reuters.com/fulllegal.asp)

La mesure fait grincer des dents. L'annonce, il y a deux semaines, du gouvernement d'enterrer la redevance audiovisuelle ne passe pas au sein de l'audiovisuel public. Deux semaines après cette décision, qui constituait une promesse de campagne d'Emmanuel Macron, plusieurs syndicats de France Télévisions appellent à faire grève à Paris, le 28 juin prochain, pour s'y opposer. Ils craignent pour l'avenir du service public, dont ils redoutent, in fine, des baisses de budgets. « Supprimer la redevance au nom du pouvoir d'achat menace l'existence de l'audiovisuel public », alertent les syndicats. « C'est précariser et paupériser l'audiovisuel public en le basculant sur le budget général de l'Etat, donc aux arbitrages et aux pressions politiques incessantes », renchérissent-ils.

Bruno Patino, le président d'Arte, ne cache pas, non plus, son inquiétude. Dans un entretien à l'AFP, le chef de file de la chaîne franco-allemande redoute clairement « une baisse de dotation ». Ce qui mettrait la chaîne, sans publicité et financée à 95% par la redevance, en difficulté. Bruno Patino craint qu'une baisse des financements français d'Arte ne pousse, en conséquence, l'Allemagne à faire de même. Et ce alors que Berlin a pourtant décidé, l'an dernier, de renforcer les ressources de l'audiovisuel public. « Mon souci est de sensibiliser nos interlocuteurs à ce potentiel déséquilibre de financement », insiste Bruno Patino. Sa crainte est fondée : « il est certain que toute baisse de la dotation d'Arte France aurait des conséquences sur le financement allemand », précise Peter Weber, le vice-président allemand d'Arte, à l'AFP.

Les SDJ fustigent des « injonctions contradictoires »

La redevance audiovisuelle, une vieille taxe datant de 1933, s'élève aujourd'hui à 138 euros. Elle est payée par tous les foyers disposant d'un téléviseur. Elle rapporte chaque année plus de 3 milliards d'euros, lesquels financent l'essentiel du budget de France Télévisions, de Radio France, de l'INA, d'Arte France, de TV5 Monde et de France Médias Monde. Le gouvernement souhaite la supprimer via le projet de loi de finances rectificative (PLFR), qui sera présenté dans le courant du mois prochain, après les législatives. Pendant la campagne présidentielle Gabriel Attal, alors porte-parole du gouvernement, a promis que l'objectif n'était pas de réduire cette enveloppe.

Mais du côté de l'audiovisuel public, on n'y croît guère... Le 15 mai dernier, les sociétés des journalistes (SDJ) de France 2, de France 3 et de Franceinfo.fr ont dénoncé « un jeu de dupe ». Comment, fustigent-elles dans un communiqué commun, l'exécutif peut-il justifier cette manœuvre pour rendre du pouvoir d'achat au Français, tout en « garantissant les moyens » de l'audiovisuel public ? Il s'agit là, selon les SDJ, d'« injonctions contradictoire » : « Soit l'Etat continue de financier l'audiovisuel public et mobilise de l'argent public, donc celui du contribuable, expliquent les SDJ. Soit il ne compense pas la fin de la redevance, et réduit donc les moyens de l'audiovisuel public. »

Quand Macron taclait l'audiovisuel public

En parallèle, l'audiovisuel public redoute une perte d'indépendance vis-à-vis de l'Etat et de la sphère politique. Personne n'a oublié les propos d'Emmanuel Macron qui, en 2017, aurait déclaré que les télévisions et radios publiques étaient « la honte de la république ». Quand bien même l'Élysée a ensuite formellement démenti ces propos. Spécialiste des médias, l'économiste Julia Cagé estime, notamment, que la disparition de la redevance relève « d'une attaque contre le service public de l'information ». Elle y voit « une atteinte directe à l'indépendance des médias, alors même que l'audiovisuel privé devient plus concentré que jamais avec la fusion TF1/M6 soutenue par l'Élysée ».

Le gouvernement, lui, se défend en expliquant que des garde-fous seront mis en place concernant le dispositif qui remplacera la redevance. Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron a notamment évoqué la possibilité d'« un budget avec de la visibilité pluriannuelle », lequel « ne donne pas lieu à la régulation budgétaire dans l'année par le gouvernement ».

Une manœuvre politique ?

Il n'empêche que pour beaucoup, la volonté et l'empressement du gouvernement d'en finir avec la redevance relève d'une manœuvre politique. Cette mesure viserait, dans ce scénario, à cajoler les électeurs de droite et d'extrême droite, dont les leaders ont multiplié les piques contre l'audiovisuel public, jugé trop à gauche, et son financement. Marine le Pen, la cheffe de file du Rassemblement national, comme Eric Zemmour, à la tête de Reconquête, ont tous deux tiré à boulet contre la redevance, tout en appelant à privatiser les principales chaînes publiques. L'an dernier, Valérie Pécresse, la candidate des Républicains à la présidentielle, a, elle, estimé que la fin de la redevance n'était « pas un tabou ». La fin de cette taxe va, sans nul doute, constituer le premier dossier explosif de Rima Abdul Malak, la nouvelle ministre de la Culture.

Pierre Manière

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Commentaires 18
à écrit le 19/06/2022 à 21:02
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payer une redevance depuis des années pour des chaines et des radios que je n'écoute jamais c'est du vol en bande organisée et surtout pour engraisser les nagui drucker rucquier et compagnie... la pub ne changera rien à mes habitudes alors il n'ont q...

à écrit le 28/05/2022 à 10:57
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Il nous font le même coup que que les impôts locaux: décentralisation des responsabilités pour une centralisation financière, ce qui met toutes les politiques locales dépendante du pouvoir central et du "Prince"!

à écrit le 28/05/2022 à 10:56
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Otez les heures de pub (les mêmes à en vomir durant des heures et des mois), ôtez les re-re-re et rediffusions d'un autre âge, et voyez ce qu'il reste....rien ou presque. Engraisser les "stars" du petit écran, non merci. Alors payer une redevance p...

à écrit le 28/05/2022 à 9:03
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Les journalistes-animateurs-humoristes du Service (dit) Public de l'information et de la gaudriole woke, ces "anti-fascistes" de studio climatisé, seraient mal récompensés pour leur implication au service de leur Chouchou réélu Président? Les larmes ...

à écrit le 28/05/2022 à 8:44
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F.Télévision propagandiste de la culture wok et de la pensée politiquement correct, avec des fonctionnaires de la culture payés par nos impôts qui profitent d'un bon fromage en ayant les avantages du secteur privé et de l'administration sans avoir au...

à écrit le 28/05/2022 à 8:17
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la suppression de la taxe est une bonne chose ( car les programme sont de plus en plus nul )cela permettra aux chaines de se remettre en question et de proposer des programmes plus interressant sur l'ensemble de la semaine et non pas des emissions se...

le 28/05/2022 à 9:19
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Entièrement d'accord avec vous.

à écrit le 27/05/2022 à 22:19
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La redevance audiovisuelle n'aurait jamais du exister, comme la fameuse "vignette AUTO" sensée bénéficier à nos vieux et qui a été largement détournée de son objet. Tout cela par la faute de cette Chambre des Députés qui n'a toujours été qu'une simpl...

le 28/05/2022 à 7:52
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ce n'est pas a ces gens de définir si la redevance doit continuer eux qu'il realise des programmes ou le diversité sera reel et pas des programme de gauchiste il est temps de nettoyer france television

à écrit le 27/05/2022 à 20:21
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Il serait temps d'arrêter de jeter l'argent public par les fenêtres dans le domaine de l'audiovisuel. Avec on ne sait plus combien de chaînes et de radios publiques que personne ne regarde ou n'écoute, il faut réduire sérieusement la voilure. Au nom ...

à écrit le 27/05/2022 à 18:59
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Cela me désole que la télé soit devenu un "macdo télévisuel" . Insipide,edulcoré et d'un propagandiste complètement voué aux mains qui les nourrissent et pour cela pas besoin d'être publique . Pour ma part ,une émission comme "cdans l'air", quelque...

à écrit le 27/05/2022 à 18:37
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On supprime la taxe audiovisuelle surtout parce que l’état n’a plus le personnel pour son contrôle mais on aura le même résultat que pour la disparition de la taxe d’habitation qui se traduira en octobre par un coup de massue sur les propriétaires av...

à écrit le 27/05/2022 à 17:59
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On sait très bien, que ce qui ne sera plus financé par la redevance le sera par la pub. Maintenant le gâteau n'est pas extensible, il existe de plus en plus de moyens techniques pour "shunter" cette publicité télévisuelle. D'autre part qui dit réduct...

à écrit le 27/05/2022 à 16:31
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Vu les dérives de France Télévision il est temps de choisir d'être un groupe public indépendant avec juste la redevance ou continuer à jouer les chaînes privées (de redevance) avec les 2 et surtout une augmentation très nette de la Pub après 20h et m...

à écrit le 27/05/2022 à 14:02
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La France est championne des prélèvement fiscaux. Pour que ça baisse , il faut supprimer une taxe et pas seulement la baisser.

à écrit le 27/05/2022 à 13:56
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Sans un équilibre Public/Privé, la télé sera pieds et poings liés à la Publicité donc à l'argent et aux lobbies. La pluralité: terminé. Des chaînes thématiques, ghettoisees, communautaires pour relayer les réseaux "dits sociaux" vers une explosio...

le 27/05/2022 à 16:35
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France Télévision est submergée par la PUB même après 20h, et des programmes nuls qui commencent comme par hasard en même temps que les chaînes privées et surtout pas AVANT.

le 28/05/2022 à 8:39
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Vous trouvez vraiment que l'audiovisuel public fait preuve de pluralité ??? Ecoutez quelques heures France inter ........

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