Déploiement de la fibre en France : un essai qui reste à transformer

Si le gouvernement et le secteur des télécoms se félicitent des avancées du grand chantier de la fibre, qui devrait permettre de couvrir plus de 80% de la population d'ici à la fin de l'année prochaine, l’argent manque encore pour raccorder plus de deux millions de foyers, situés dans des territoires isolés ou difficiles d’accès. L'objectif de « la fibre pour tous » en 2025 fixé par gouvernement est-il tenable? Décryptage des enjeux d'une priorité forte du quinquennat d'Emmanuel Macron.
Pierre Manière
Pour le gouvernement, le plan France Très haut débit est crucial, à l'heure où disposer d'une bonne connexion Internet est devenu aussi essentiel pour les Français qu'accéder à l'eau ou à l'électricité.
Pour le gouvernement, le plan France Très haut débit est crucial, à l'heure où disposer d'une bonne connexion Internet est devenu aussi essentiel pour les Français qu'accéder à l'eau ou à l'électricité. (Crédits : ALESSANDRO BIANCHI)

Le grand chantier de la fibre semble tenir ses promesses. Malgré la crise du Covid-19, le déploiement de cette technologie qui vise, à travers le plan France Très haut débit, à apporter un Internet ultra-rapide à tous les Français à l'horizon 2022, se porte bien. L'un des objectifs du plan, dont le coût avoisine aujourd'hui les 35 milliards d'euros, est de couvrir 80% de la population française en fibre d'ici à la fin de l'année prochaine. A Saint-Etienne ce mercredi, lors de l'« Université du très haut débit », un événement annuel rassemblant la filière, Cédric O, le secrétaire d'Etat en charge du Numérique, a souligné que cette promesse serait tenue. « Aujourd'hui, 60% des foyers sont raccordables à la fibre », s'est-il félicité. Et au rythme où vont les choses, « nous serons sans doute à plus de 85% d'ici la fin de l'année prochaine », affirme Etienne Dugas, le président d'InfraNum, qui rassemble les industriels du secteur.

Les derniers chiffres de l'Arcep, le régulateur des télécoms, confirment cette accélération. Au 30 juin dernier, quelque 27 millions de locaux étaient éligibles à la fibre. Cela constitue « une augmentation de 30% en un an », se félicite le gendarme des télécoms. Bref, les voyants sont au vert. D'autant que certaines mesures vont permettre de doper la cadence des déploiement. Cédric O a notamment annoncé qu'un accord venait d'être trouvé ce mardi afin que les acteurs qui installent la fibre puissent utiliser, dans certaines campagnes, près de 5 millions de poteaux d'Enedis. Il s'agissait d'une vieille demande du secteur des télécoms.

La promesse de « la fibre pour tous » en 2025

Pour le gouvernement, le plan France Très haut débit est crucial, à l'heure où disposer d'une bonne connexion Internet est devenu aussi essentiel pour les Français qu'accéder à l'eau ou à l'électricité. Emmanuel Macron en a fait une des priorités de son quinquennat. Au point que l'exécutif a annoncé, en septembre 2020, que « la fibre pour tous » serait une réalité à l'horizon 2025. Hors de question, pour le gouvernement, que les promesses du plan Très haut débit ne soient pas tenues. Surtout en période de campagne présidentielle.

A côté du concert de louanges auquel on assiste aujourd'hui, certaines voix discordantes s'élèvent. Des industriels soulignent, en particulier, que l'argent manque encore pour assurer la couverture totale du pays en fibre. Les inquiétudes concernent, en particulier, le sort d'un peu plus de 2 millions de locaux et habitations. Dans le jargon des télécoms, on les appelle les « raccordements longs, non standards et complexes ». Il s'agit, pour beaucoup, de logements situés dans des campagnes isolées. Certains sont particulièrement éloignés, ou ne bénéficient pas des infrastructures de génie civil nécessaires pour tirer la fibre. Dans les grandes villes, certains locaux sont également concernés. L'ennui, c'est que ces raccordements coûtent extrêmement chers. « La facture peut s'élever à 10.000 euros, quand une prise normale coûte, en moyenne, environ 1.000 euros », souligne Etienne Dugas.

Le coup de gueule des collectivités

Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement a déjà débloqué 150 millions d'euros pour effectuer ces raccordements difficiles. Mais cette enveloppe s'avère, aux yeux des industriels, très insuffisante pour tous les réaliser. « Nous aurions sans doute besoin d'environ 500 millions d'euros », juge Etienne Dugas. « Ce chantier-là, il est devant nous », prévient-il. Manière de rappeler que les importants déploiements de fibre effectués jusqu'à aujourd'hui sont, en grande majorité, les plus faciles du plan Très haut débit. Interrogé à ce sujet, Cédric O s'est montré confiant, sans s'avancer précisément sur une rallonge financière. « On fera ce qu'il faut pour que tout le monde ait la fibre, a-t-il indiqué en conférence de presse. Notre objectif, c'est 100% fibre en 2025. On le tiendra. »

En parallèle, de nombreux élus locaux estiment que le déploiement de la fibre ne va pas assez vite. Le mois dernier, l'Avicca, une association qui regroupe des collectivités engagées dans le numérique, a tiré la sonnette d'alarme. Dans les grandes villes, les déploiements « font du surplace », a-t-elle constaté. « Le nombre de nouveaux raccordements ne compense plus, sur certaines communes, le nombre de nouveaux locaux à rendre raccordables », relève l'association dans un billet au vitriol. L'objectif d'une couverture totale en fibre est menacé, souligne-t-elle, dans la mesure où dans les grandes villes, Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free n'ont aucune obligation de raccorder tous foyers.

Amélioration concernant les échecs de raccordement

L'Avicca fustige également les déploiements d'Orange et de SFR dans les zones dites « moyennement denses ». Celles-ci concernent environ 3.500 communes - essentiellement des villes moyennes et les périphéries des grandes agglomérations -, et regroupent 40% de la population française. Les derniers chiffres de l'Arcep « confirment l'arrêt progressif de l'outil de production de prises fibre en zones moyennement denses par Orange et SFR », peste l'association. Sur ce front, l'opérateur historique et celui au carré rouge se sont engagés auprès de l'Etat à finir le travail d'ici à la fin 2022. S'ils ne tiennent pas ce délai, ils peuvent être sanctionnés à hauteur de 3% de leur chiffre d'affaires.

Des retards ont déjà été constatés. « C'est sûr qu'ils sont en-dessous des objectifs qui ont été pris », constate Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep. Mais l'autorité se refuse, pour l'heure, à lancer une procédure de sanction. « Maintenant c'est au gouvernement de décider de nous saisir ou non » concernant d'éventuelles sanctions, dit-elle. De son côté, Cédric O affirme que les opérateurs bénéficient de « circonstances atténuantes liées à la crise du Covid-19 ». Il précise que des discussions sont en cours avec Orange et SFR concernant le respect de l'échéance de 2022.

Le dernier enjeu pour le plan Très haut débit, c'est que de nombreux raccordements à la fibre ne sont pas effectués correctement. Le problème vient essentiellement du fait que certains sous-traitants, chargés par les opérateurs de réaliser les derniers branchements, ne travaillent pas dans les règles de l'art. Mal payés et sous pression, ils effectuent leurs tâches à la va-vite, semant la pagaille dans les installations. Face à la grogne des usagers peinant à être raccordés, ainsi qu'aux coups de gueule du gouvernement et de l'Arcep, les opérateurs se sont mobilisés. Aux dires de Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, les échecs de raccordement sont tombés à 17%, contre environ 20% au printemps dernier. « C'est un peu mieux, je ne le nie pas, lance Cédric O. Mais nous ne sommes pas au bout de l'histoire. » Autrement dit : les opérateurs vont devoir cravacher pour que la situation s'améliore significativement.

Pierre Manière

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Commentaires 5
à écrit le 08/10/2021 à 14:30
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Cocorico?! et bien allez dans les villes totalement défigurées par cette merveilleuse fibre... regarder les boites à hauteur d'homme, les câbles tirés n'importe comment, les interventions de sous-traitants cow-boys ...personnellement je n'ai plus de ...

à écrit le 07/10/2021 à 18:42
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Certains auraient aimé disposé du confort de l'ADSL+ ou de la 4G. Du coup, on a commencé par installer le luxe de la fibre à des endroits qui n'en avaient pas besoin et de nombreux citoyens n'ont toujours pas accès à un minimum de confort.

à écrit le 07/10/2021 à 17:36
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Je ne savais pas que mon quartier a strasbourg était éloigné et difficilement accessible... Je ne suis qu'à 5 min du centre ville..

à écrit le 07/10/2021 à 17:36
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Je ne savais pas que mon quartier a strasbourg était éloigné et difficilement accessible... Je ne suis qu'à 5 min du centre ville..

à écrit le 07/10/2021 à 14:37
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On finit par comprendre que la fibre est plus efficace et moins polluante que la 5G que l'on veut nous imposer!

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