
Bientôt la fin du calvaire pour la filière français de la fibre optique ? Les industriels veulent y croire. Ce jeudi, l'organisation Sycabel, qui représente les fabricants de fils et de câbles pour l'énergie et les télécoms, a levé le voile sur la santé du secteur. Sans surprise, celui-ci a souffert, en 2020, de la crise sanitaire. Les ventes se sont inscrites « en net repli », de 9,8%, à 2,1 milliard d'euros par rapport à l'exercice 2019. Mais ces acteurs, dont les poids lourds se nomment Nexans, Prysmian ou Acome, se montrent optimistes pour l'année en cours. Au premier semestre 2021, le chiffre d'affaires du secteur s'est élevé à 1,3 milliard d'euros, en hausse de 30% par rapport à la même période de 2020.
Il n'empêche, le segment des câbles télécoms, qui représente environ 40% de l'activité globale, ne retrouve toujours pas son niveau d'avant la crise sanitaire. C'est peu dire.
« Les résultats sont en net retrait, de 20% par rapport à 2019 », souligne le Sycabel.
Pourquoi ? Parce qu'à cette période, les industriels ont encore souffert de la concurrence chinoise, dont la fibre optique a « envahi » le marché « entre le second semestre 2019 et le premier semestre 2020 », rappelle Jacques de Heere, vice-président du Sycabel, et PDG d'Acome, un important fabricant de câbles basé à Mortain, en Normandie.
De gros stocks de fibre chinoise à « écluser »
Si la filière française de la fibre optique a été pénalisée au début d'année, c'est, selon lui, parce que « la crise sanitaire a reporté un certain nombre de projets de déploiements ». Et lorsqu'ils les ont repris, « nos chers clients avaient encore de la fibre chinoise en stock, et devaient l'écluser », poursuit-il. Il s'agit, en clair, des grands opérateurs télécoms comme Orange, SFR et Bouygues Telecom, mais aussi tous les constructeurs et installateurs de réseaux tels Bouygues Construction, Vinci ou Eiffage.
Le fait que tous ces acteurs se tournent vers du « made in China » a suscité l'ire de la filière française. Certes, la fibre de l'ex empire du Milieu est moins chère. « On s'est fait décoter de 20% à 30% », peste Jacques de Heere. Mais selon le dirigeant, elle ne serait pas du tout de la même qualité que la fibre française, qui, elle, se doit de respecter un cahier des charges strict et défini par l'Arcep, le régulateur des télécoms. D'après le Sycabel, cette fibre chinoise a surtout été déployée dans les réseaux d'initiative publique, dans les territoires ruraux. Le risque, d'après l'organisation, c'est que ces coûteuses infrastructures, installées pour plusieurs dizaines d'années, ne tiennent pas le coup. Et que les collectivités et l'État doivent prématurément, et à grands frais, les remplacer.
Fin de la « parenthèse chinoise »
Mais cette « parenthèse chinoise » est désormais terminée, espère le Sycabel. Pourquoi ? Primo parce que la Chine a besoin de beaucoup fibre, et qu'elle va consommer chinois. « China Mobile, le plus gros opérateur télécoms du monde, a lancé une consultation pour un appel d'offres de 140 millions de kilomètres de fibre pour 2022, relève Jacques de Heere. Cela équivaut, en volume, à trois fois la taille du marché européen. » Autrement dit, la filière chinoise de la fibre devrait avoir suffisamment de pain sur la planche dans son propre pays.
En parallèle, les industriels français attendent de pied ferme, « et avec une grande confiance », une bonne nouvelle de Bruxelles et de la Commission européenne. « L'institution va rétablir les règles du commerce international, et imposer, nous l'espérons bien, des sanctions et barrières douanières pour l'importation des produits d'origine chinoise », précise le vice-président du Sycabel et PDG d'Acome. En résumé, rien n'empêchera les opérateurs télécoms et installateurs de fibre de se fournir dans l'ex empire du Milieu. Mais ils devront s'acquitter d'une taxe. Que le Sycabel, bien sûr, espère dissuasive.
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