Les télécoms au secours de la distribution de l’eau en France

Les collectivités et opérateurs en charge de la fourniture d’eau recourent à différentes technologies de connectivité pour déployer des millions de compteurs communicants. Ces solutions de télérelevé permettent d’améliorer les réseaux de distribution, de détecter des fuites, ou de prendre, si nécessaire, des mesures de restriction de la consommation.
Pierre Manière
Les réseaux de distribution des opérateurs en charge de la fourniture d’eau sont, à certains endroits, particulièrement inefficaces.
Les réseaux de distribution des opérateurs en charge de la fourniture d’eau sont, à certains endroits, particulièrement inefficaces. (Crédits : Flickr / Cha già José)

L'eau est plus que jamais une ressource rare dans l'Hexagone. Alors que les besoins ne cessent de croître, la situation des nappes phréatiques est devenue un vrai sujet d'inquiétude. Aujourd'hui, au moins la moitié d'entre elles ont un niveau inférieur à la normale toute l'année. En parallèle, les réseaux de distribution des opérateurs en charge de la fourniture d'eau aux particuliers et aux entreprises sont, à certains endroits, particulièrement inefficaces. C'est, par exemple, le cas dans la métropole de Montpellier, où près de 20% de l'eau potable qui circule sur le réseau est perdue, gaspillée, à cause de myriades de fuites difficiles à détecter.

L'amélioration des infrastructures de distribution de l'eau est devenue une priorité pour les collectivités et les opérateurs. Et pour ce faire, les innovations technologiques du monde des télécoms sont très prisées. C'est ce que souligne le cabinet de conseil Tactis, dans une étude publiée au mois d'octobre. Partout en France, des millions de compteurs d'eau, dits « communicants », sont déployés. Leurs relevés de consommation à distance permettent d'améliorer significativement les réseaux de distribution.

Environ 20% des compteurs d'eau sont connectés

C'est le cas de la régie d'eau de Mulhouse. À partir de 2013, Ondeo System, une filiale de Suez, a déployé près de 40.000 compteurs communicants, et a mis en place « une nouvelle solution de gestion des données et de la facturation » des clients, précise Tactis. La note s'est élevée à plusieurs millions d'euros. Mais la régie y a trouvé son compte. La télérelève lui permet de détecter rapidement les fuites, et ainsi minimiser les pertes d'eau. Désormais, seul 2% de l'eau qui transite sur son réseau se perd. Cette solution profite aussi aux habitants. « Les consommateurs peuvent également accéder à leurs factures en ligne, et mettre en place un suivi de consommation, ainsi que des alertes de surconsommation par email et SMS », affirme Tactis.

Les données des compteurs constituent une mine d'or pour les gestionnaires des réseaux d'eau. La connaissance fine de la consommation permet de s'adapter, en amont, à des périodes de pénurie. Les collectivités peuvent, dans ce cas, prendre des mesures de restriction, en interdisant, par exemple, le remplissage des piscines. Aussi utiles soient-ils, les compteurs communicants, qui ressemblent à leurs homologues dans l'énergie (les Linky et Gazpar), sont encore loin d'être la norme dans l'Hexagone. Le pays compte 5 millions de dispositifs connectés, sur un parc total de 25 millions de compteurs. La France compte passer la barre des 10 millions de compteurs communicants à l'horizon 2030.

Une solution difficile à mettre en place

Cet objectif peut paraître peu ambitieux, et l'échéance lointaine... Mais il faut dire que déployer des compteurs communicants n'est pas si simple. Pour fonctionner correctement, tous ont besoin d'être connectés à des réseaux radios spécifiques, dits LPWAN (Low Power Wide Area Network). Ces derniers ont plusieurs atouts : ils sont capables de gérer des communications à longue distance, sont très peu énergivores. Mais en retour, ils ont la particularité d'être à « bas débit » - c'est-à-dire que seules de petites quantités de données peuvent être échangées. Ce qui n'est, toutefois, pas un problème s'agissant des compteurs d'eau.

Plusieurs solutions sont disponibles sur le marché. Toutes ont leurs avantages et leurs inconvénients, en fonction des spécificités des réseaux de distribution d'eau. Il y a, en premier lieu, la solution LoRaWan. Cette technologie a été développée pour l'Internet des objets. Son atout ? Elle repose sur une bande de fréquence radio gratuite, et totalement libre de droit. Ce qui « est un gage de pérennité utile pour le cas d'usage du télérelevé, qui doit permettre une exploitation sur le long terme », souligne Tactis. Aucune licence n'est nécessaire pour déployer et opérer un réseau privé. Ce qui séduit les collectivités et opérateurs désireux d'avoir totalement la main sur leur infrastructure.

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C'est la raison pour laquelle le Syndicat départemental d'énergie et d'équipement du Finistère (SDEF) a privilégié cette solution. « Cette approche présente le principal avantage de pouvoir dimensionner le réseau au plus juste, et de l'adapter à l'évolution des usages et des équipements qui y sont connectés, explique Tactis. Il permet par exemple facilement d'ajouter un relais de communication lorsque des compteurs de télérelevé ont une couverture trop faible, pour un prix modeste. » Deux acteurs proposent, également, des réseaux LoRaWAN à l'échelle nationale pour connecter des compteurs et autres objets connectés. Il s'agit de l'opérateur historique Orange, et du suédois Netmore, qui a récemment repris les infrastructures LoRaWAN d'Objenious, une filiale de Bouygues Telecom.

L'autre solution pour connecter des compteurs d'eau est le Narrowband-IoT (NB-IoT). Elle repose sur un standard cellulaire, et bénéficie, à ce titre, de la couverture 2G, 3G ou 4G existante, avec un faible risque d'interférences. Mais son usage nécessite impérativement de souscrire à un abonnement de longue durée auprès d'un opérateur télécoms, comme SFR ou Objenious en France. En outre, les fréquences utilisées pénètrent parfois mal à l'intérieur des bâtiments, ou en sous-sol, ce qui peut être problématique. Enfin, la technologie Wize, qui a été déployée par GRDF (pour le réseau Gazpar) et Suez, constitue aussi une alternative.

Pierre Manière

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Commentaires 4
à écrit le 17/01/2024 à 8:59
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Ben oui encore une fois la privatisation de l'eau a été une catastrophe, une eau beaucoup trop chère et toujours plus mauvaise. Eau et électricité sont trop importantes pour être confiées aux demeurés financiers. Même si le néolibéralisme inspire sou...

le 17/01/2024 à 9:41
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Allez en Russie pour voir ce que ça a donné 70 ans de gestion de l'eau par l'état.

à écrit le 16/01/2024 à 18:43
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20 % de pertes sur les réseaux? 30% est un chiffre plus réaliste

à écrit le 16/01/2024 à 18:18
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De mieux en mieux. Après avoir pris la main pour contrôler (voir réduire) la consommation électrique à distance, maintenant ça passe au rôle de l'eau (où les motifs paraissent pourtant justifiables au premier abord). Intéressant ou inquiétant selon l...

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