Télécoms : l’arrivée de la fibre n’a pas chamboulé le paysage concurrentiel

Une enquête de l’Arcep démontre qu’Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free ont tous préservé leurs parts de marché sur le front de l’Internet fixe grand public ces dernières années. Le régulateur est davantage préoccupé par l’écrasante domination d’Orange sur le segment des télécoms professionnelles.
Pierre Manière
La fibre optique est devenue la première technologie pour se connecter à Internet.
La fibre optique est devenue la première technologie pour se connecter à Internet. (Crédits : Reuters)

L'arrivée d'une technologie nouvelle constitue souvent une opportunité de rebattre les cartes. Mais dans les télécoms, l'arrivée de la fibre n'a guère changé la donne. C'est ce que souligne l'Arcep, le régulateur du secteur, dans sa dernière enquête. Publié ce mercredi matin, ce document de 98 pages constitue la base d'une consultation publique, afin de déterminer sa politique à partir de 2023, et a minima pour les trois années suivantes. Alors que les abonnements à la fibre sont désormais majoritaires, et ont détrôné l'ADSL sur le réseau cuivre, le jeu concurrentiel, lui, est resté le même.

Entre 2018 et 2021, Orange, l'opérateur historique et leader des télécoms dans l'Hexagone, a préservé une part de marché de 35% à 40% sur les accès grand public à haut et à très haut débit. Idem pour SFR et Free (tous deux estampillés de 20% à 25%) et Bouygues Telecom (10% à 15%). Cet équilibre, l'Arcep souhaite le conserver. Pour ce faire, l'institution se montre particulièrement attentive au grand chantier de la fermeture du réseau cuivre d'Orange. L'an dernier, l'opérateur historique a précisé son ambition d'éteindre totalement cette infrastructure vieillissante à l'horizon 2030. L'objectif de l'Arcep est clair : cette « extinction » doit s'effectuer « dans des conditions qui ne soient pas de nature à biaiser le jeu concurrentiel ».

L'Arcep veut plus de choix pour les professionnels

Cela passe d'une part, selon le régulateur, « par l'existence d'une dynamique concurrentielle favorable sur les réseaux alternatifs au cuivre (fibre et câble) ». Et d'autre part, « par une visibilité effective sur l'ensemble du processus de fermeture donnée aux opérateurs clients des offres de gros d'Orange sur cuivre, leur permettant de migrer les accès de leurs clients finals vers la fibre dans de bonnes conditions ». L'Arcep se montre aussi très attentive à ce qu'Orange ne délaisse pas l'entretien du réseau cuivre. Pas question d'abandonner la moitié des Français qui dépendent encore de cette technologie.

Mais c'est surtout sur le segment des télécoms professionnelles que le régulateur a du pain sur la planche, et est attendu au tournant. Dans son enquête, l'Arcep affiche sa détermination à « poursuivre » l'ouverture de ce marché. Il s'agit d'un gros gâteau. Le marché de détail entreprises est estimé, selon l'institution, à 8,2 milliards d'euros pour l'année 2020, « dont 5,9 milliards d'euros pour les seuls services fixes (téléphonie, accès à l'Internet ou services de capacité) ». Il représente pas moins de 30% du marché total du secteur. Or, souligne l'Arcep, les 4,1 millions d'entreprises de l'Hexagone « ont des besoins divers, pour lesquels des offres sont proposées par une multitude d'acteurs aux profils différents ».

Orange et sa part de marché de 60%

Le problème, au regard du régulateur, est qu'Orange est trop dominant. Citant un sondage réalisé en 2021 pour ses services, l'institution précise que sa part de marché sur la connectivité fixe des entreprises se situe entre 55% et 60% ! Cette domination, renchérit-elle, concerne aussi bien les PME que les grands groupes :

« Dans une étude réalisée en 2020 pour l'Arcep sur la connectivité fixe des entreprises, celles-ci déclarent qu'Orange est le fournisseur de leur solution de téléphonie fixe pour plus de 60% des entreprises sur le segment micro (0 à 9 salariés), pour plus de 55% des entreprises sur le segment PME (10 à 249 salariés), et pour plus de 45% des entreprises sur le segment ETI (250 à 4 999 salariés). »

En définitive, l'Arcep juge cette « situation concurrentielle » très « insatisfaisante ». Ces dernières années, de nouveaux acteurs ont pourtant tenté de faire leur nid sur le marché. L'Arcep a notamment favorisé l'arrivée de Kosc Telecom, un opérateur de gros, aujourd'hui propriété de l'opérateur d'infrastructures Altitude. Bouygues Telecom s'est renforcé avec plusieurs acquisitions, en ciblant notamment les PME. Il en va de même pour Iliad (Free), qui s'est lancé sur le marché après l'avoir longtemps boudé. Pas de quoi, cependant, révolutionner les choses... Laure de La Raudière, la présidente de l'Arcep, a fait de ce chantier une de ses priorités. L'enjeu dépasse les télécoms : si la France est le champion européen de la fibre optique, le pays reste mal classé concernant la numérisation de ses entreprises. Ce qui handicape, au bout du bout, sa compétitivité.

Pierre Manière

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.