Télécoms : les opérateurs partent à la chasse aux PME

Toujours largement dominé par Orange, le marché des télécoms professionnelles suscite l’appétit de nouveaux acteurs. Beaucoup souhaitent s’adresser aux TPE et aux PME, encore peu numérisées.
Pierre Manière
Aujourd'hui, le marché des télécoms professionnelles est largement dominé par Orange.
Aujourd'hui, le marché des télécoms professionnelles est largement dominé par Orange. (Crédits : ALESSANDRO BIANCHI)

Il fait aujourd'hui l'objet de toutes les convoitises. A la différence du marché des télécoms grand public, très concurrentiel, celui des télécoms professionnelles, qui pèse environ 10 milliards d'euros, reste la chasse gardée d'Orange. Malgré les efforts de l'Arcep, le régulateur du secteur, pour ouvrir le marché, l'opérateur historique demeure ultra-dominant avec une part de marché avoisinant les 65-70%. Il se situe loin devant SFR (20%). Vient ensuite Bouygues Telecom (5%), suivi d'une myriade de petits opérateurs spécialisés.

Mais cette situation pourrait changer dans les années à venir. Le marché des télécoms professionnelles intéresse de plus en plus d'acteurs, désireux, en particulier, d'adresser le segment stratégique des TPE et des PME. Alors que le déploiement de la fibre va bon train dans tout le pays, très peu d'entre elles en bénéficient. Cela explique, en partie, que les TPE et PME restent peu rompues aux outils et services numériques, ce qui nuit à leur compétitivité. La crise du Covid-19 l'a illustré.

 « Pendant le confinement, les entreprises les plus numérisées ont moins souffert que les autres. Elle ont pu, dans une certaine mesure, continuer à travailler, ou vendre leurs produit à distance », affirme un cadre d'un grand opérateur.

L'opération séduction post-Covid 19 de SFR

La crise du coronavirus va-t-elle pousser les PME les moins numérisées à se convertir, sans traîner, à la fibre? C'est possible. Mais encore faut-il que les offres et les prix soient au rendez-vous. Ce qui est très loin d'être toujours le cas. Les acteurs des télécoms en sont conscients, et certains lancent des abonnements à prix plus doux. C'est le cas de SFR qui a dégainé, le 29 juin, un peu plus d'un mois après le confinement, deux nouvelles offres. La première, à 180 euros par mois, cible les PME. Elle comprend différents services de sécurité, une ligne téléphonique, et surtout une garantie de temps de rétablissement (GTR) de 10 heures pour faire face à tout problème de connexion. Une autre, moins onéreuse (70 euros par mois) mais moins rapide, s'adresse aux TPE.

Sur ce même créneau, Bouygues Telecom met aussi les bouchées doubles. Jusqu'alors surtout présent dans le mobile, l'opérateur de Martin Bouygues a fait de l'Internet fixe à destination des PME une grande priorité. C'est la raison pour laquelle il a, l'an dernier, racheté Keyyo et Nerim, deux acteurs spécialisés dans ce domaine. Si Bouygues Telecom appuie sur l'accélérateur, c'est notamment parce qu'il redoute l'arrivée de Free. L'opérateur de Xavier Niel, jusqu'à présent absent du B2B, va bientôt s'y lancer. En février, Thomas Reynaud, le DG du groupe, a promis « un choc d'innovation, d'usage et de simplicité » pour apporter le très haut débit aux TPE et PME. Son objectif : grappiller, à terme, une part de marché des télécoms professionnelles de 4% à 5%, pour un chiffre d'affaires de 400 à 500 millions d'euros.

Kosc veut animer le marché de gros

A côté des grands opérateurs, d'autres acteurs s'organisent pour séduire les entreprises. C'est le cas de Kosc, qui vient tout juste d'être racheté par Altitude, un acteur de la fibre dans les campagnes. Kosc a la particularité de disposer de son propre réseau de fibre. Il vend de la connectivité en gros aux nombreux opérateurs de détail. La stratégie de Kosc est claire : baisser les prix de la fibre pour démocratiser cette technologie auprès des TPE et des PME sur tout le territoire.

Anciens ou nouveaux arrivants sur ce marché, tous espèrent bénéficier de la régulation de l'Arcep, qui milite pour davantage de concurrence dans les télécoms professionnelles. Ce mardi, Sébastien Soriano, le président de l'autorité, a une énième fois dénoncé la mainmise d'Orange dans un entretien aux Echos. Il s'est dit « extrêmement préoccupé par le poids » de l'opérateur historique.

« Orange détient 63% du marché des TPE de moins de 50 salariés, et 62% du marché des PME de moins de 500 salariés », a-t-il dénoncé. « Tous les signaux laissent penser qu'Orange construit son avenir sur une hypothèse de domination, déplore-t-il. Ce n'est pas acceptable. »

Pour permettre à la concurrence de faire son nid, Sébastien Soriano souhaite qu'Orange « ouvre mieux sa fibre mutualisée à d'autres acteurs ».

Orange tacle le régulateur

L'opérateur historique, de son côté, a qualifié les termes du président de l'Arcep d'« inacceptables ». Dans une tribune publiée ce vendredi dans les Echos, Fabienne Dulac, la patronne d'Orange France, et Nicolas Guérin, le secrétaire général du groupe, soulignent que « leadership n'est évidemment pas synonyme d'abus de position dominante ». Selon eux, « la fibre mutualisée a été ouverte partout où elle est disponible, conformément à [leurs] obligations réglementaires ». Jamais le marché de la fibre pour les TPE et les PME n'a autant cristallisé les tensions.

Pierre Manière

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