TikTok : la Chambre des représentants adopte le texte qui menace le réseau social d'interdiction

La Chambre américaine des représentants a donné ce mercredi son feu vert au projet de loi qui prévoit l'interdiction du réseau social chinois TikTok s'il ne coupe pas les liens avec sa maison-mère ByteDance et plus largement avec la Chine.
TikTok est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines.
TikTok est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines. (Crédits : DADO RUVIC)

[Article publié le mercredi 13 mars 2024 à 14h01 et mis à jour à 16h43] C'est officiel. A l'issue d'un vote ce mercredi, la Chambre américaine des représentants a adopté une proposition de loi qui prévoit l'interdiction de TikTok aux États-Unis, si le réseau social ne coupe pas les liens avec sa maison mère, ByteDance, et plus largement avec la Chine. Cette décision concrétise un développement majeur pour la plateforme, qui ne semblait pas menacée il y a encore quelques jours.

Le texte de loi, adopté à une large majorité de 352 voix sur 432 élus, « n'interdit pas TikTok », a fait valoir le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, qui a voté en faveur de la proposition.

« Il vise à solutionner des questions légitimes de sécurité nationale et de protection des données liées aux rapports du Parti communiste chinois avec un réseau social », a-t-il expliqué dans un communiqué.

« Laisser TikTok continuer à opérer aux États-Unis alors qu'il est sous le contrôle du Parti communiste chinois est simplement inacceptable », a commenté de son côté l'ancien vice-président républicain, Mike Pence, dans un communiqué.

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En amont du vote, Pékin avait fustigé une campagne d'« intimidations » à l'encontre de TikTok. « Les Etats-Unis n'ont jamais trouvé de preuves que TikTok menace leur sécurité nationale », avait même affirmé le porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin.

Interdire TikTok « sapera la confiance des investisseurs internationaux (...) ce qui reviendrait pour les Etats-Unis à se tirer une balle dans le pied », avait-il mis en garde.

Incertitude au Sénat

Le sort du projet de loi est incertain au Sénat, où des personnalités de premier plan s'opposent à une mesure aussi radicale à l'encontre d'une application extrêmement populaire. Le président américain, Joe Biden, a déclaré qu'en cas d'adoption au Sénat, il promulguerait ce texte connu officiellement sous le nom de « Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act » (loi sur la protection des Américains contre les applications contrôlées par des adversaires étrangers, NDLR).

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Adoptée à l'unanimité en commission la semaine dernière, la mesure obligerait ByteDance, la société-mère de TikTok, à vendre l'application dans un délai de 180 jours, faute de quoi elle serait exclue des boutiques d'applications d'Apple et de Google aux États-Unis. Elle donnerait également au président le pouvoir de désigner d'autres applications comme une menace pour la sécurité nationale, si elles sont contrôlées par un pays considéré comme hostile aux États-Unis.

Pour rappel, TikTok est depuis plusieurs mois dans le collimateur des autorités américaines, de nombreux responsables. L'application de vidéos courtes est soupçonnée de permettre à Pékin d'espionner et de manipuler ses 170 millions d'utilisateurs aux Etats-Unis, ainsi que de transférer leurs données personnelles, ce que l'entreprise nie farouchement. De son côté, TikTok continue à nier de manière catégorique tout lien avec le gouvernement chinois. Le réseau social a restructuré l'entreprise de manière à ce que les données des utilisateurs américains restent dans le pays.

TikTok au cœur de la campagne

En dépit de suspicions aux Etats-Unis, le président américain Joe Biden, en campagne pour un deuxième mandat, a rejoint en février l'application TikTok, très populaire auprès des jeunes et qui permet de toucher de potentiels électeurs. De quoi interpeller les dirigeants de l'entreprise, qui se sont dit surpris de la reprise de l'offensive de Washington, selon le Wall Street Journal.

De son côté, l'ancien président, Donald Trump, s'est déclaré défavorable lundi à l'interdiction du réseau social aux Etats-Unis, prenant le contrepied de l'actuel chef de l'Etat américain.

« Ce qui me déplait, c'est que sans TikTok, vous allez faire grossir Facebook, qui est pour moi un ennemi du peuple, au même titre que d'autres médias », a déclaré le seul candidat encore en lice à l'investiture républicaine pour le scrutin présidentiel du 5 novembre, lors d'un entretien à la chaîne CNBC.

Un revirement pour Trump qui, lorsqu'il était président, avait tenté d'arracher le contrôle de TikTok à ByteDance avant d'en être empêché par les tribunaux américains.

Après ce revirement, plusieurs médias américains ont évoqué les liens de l'ancien chef de l'Etat avec le financier Jeff Yass, donateur majeur à des candidats républicains et dont la société d'investissement, Susquehanna International Group, possède une participation importante au capital de TikTok. Selon le New York Post, Jeff Yass, qui a rencontré Donald Trump en Floride il y a quelques jours, aurait menacé de ne plus financer des candidats républicains si la loi concernant TikTok était adoptée. Interrogé par CNBC, Donald Trump s'est défendu d'avoir abordé le sujet avec le financier.

D'autres tentatives d'interdiction de TikTok ont également échoué, un projet de loi proposé il y a un an n'ayant abouti à rien, principalement en raison de préoccupations liées à la liberté d'expression. De même, une loi adoptée par l'État du Montana pour interdire la plateforme a été suspendue par un tribunal fédéral au motif qu'elle violait probablement les droits constitutionnels en matière de liberté d'expression.

ByteDance, la maison-mère de TikTok dans le collimateur de Washington

ByteDance est devenue l'une des entreprises les plus valorisées au monde, à 225 milliards de dollars, selon la société d'intelligence économique CP Insights, devant l'entreprise spatiale d'Elon Musk SpaceX et d'OpenAi, le créateur de ChatGPT. Elle est donc surtout connue pour avoir créé l'application TikTok, lancée en 2017 et qui rassemble aujourd'hui plus d'un milliard d'utilisateurs. TikTok est la version internationale de l'application Douyin (son nom en mandarin), lancée en 2016 et destinée au seul marché chinois.

Depuis sa création, ByteDance a diversifié son activité et s'est lancée dans le commerce en ligne, la réservation de voyages... Le groupe a également créé une application pour éditer des vidéos. A travers le monde, il compte plus de 150.000 employés dans plus de 120 villes. Ses ventes ont dépassé les 110 milliards de dollars en 2023, a rapporté Bloomberg en décembre, un chiffre supérieur aux revenus estimés de son compatriote chinois Tencent.

N'étant pas coté en Bourse, ByteDance n'est pas tenu de publier ses résultats, mais les médias estiment que son chiffre d'affaires tutoie ceux des plus grandes entreprises du monde. TikTok a déclaré que 60% de ByteDance étaient détenus par des investisseurs institutionnels, dont le gestionnaire américain d'actifs BlackRock. Les fondateurs de ByteDance possèdent 20% des parts, le reste étant détenu par les employés du groupe, selon TikTok. Immatriculé aux Îles Caïmans, le groupe compte parmi ses investisseurs le japonais SoftBank ou encore le fonds d'investissement américain KKR.

Trois des cinq membres de son conseil d'administration sont américains, toujours selon TikTok. D'après le site de ByteDance, une société chinoise détient 1% de Douyin, la version chinoise de TikTok. Mais TikTok a déclaré qu'il s'agissait d'une obligation imposée par la loi chinoise et que cela n'avait aucune incidence sur les activités internationales de ByteDance.

(Avec AFP)

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Commentaire 1
à écrit le 13/03/2024 à 19:15
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Ya que les américains qui peuvent se permettre d'interdire une multinationale, c'est ça la puissance.

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