Les combats entre Damas et Kurdes compliquent encore le conflit

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Nouveau front dans la guerre en syrie[reuters.com]
(Crédits : Rodi Said)

par Angus McDowall

BEYROUTH (Reuters) - Les combats entre l'armée syrienne et les milices kurdes ont redoublé d'intensité vendredi soir et se poursuivaient samedi à Hassaka, dans le nord-est du pays, ouvrant un nouveau front dans l'interminable guerre civile syrienne.

Les forces gouvernementales et les Kurdes avaient jusqu'alors évité au maximum toute confrontation, l'armée de Damas consacrant l'essentiel de ses moyens à la lutte contre les rebelles arabes sunnites qui cherchent à renverser Bachar al Assad, dans l'ouest du pays, tandis que les Kurdes affrontaient principalement l'organisation djihadiste Etat islamique (EI) pour défendre ses territoires dans le nord du pays.

Depuis le début du conflit il y a cinq ans, l'armée syrienne a conservé deux enclaves dans les villes de Hassaka et Qamishli, séparées de 70 km et situées en territoire contrôlé par les Kurdes.

Le modus vivendi entre forces gouvernementales et Kurdes, qui ont occasionnellement combattu les rebelles dans le nord-ouest du pays, a poussé l'opposition syrienne à les ranger dans le même camp et à refuser que les Kurdes participent à ses côtés aux pourparlers de paix organisés par l'Onu à Genève.

Mais la donne pourrait être en train de changer. En avril, déjà, des affrontements meurtriers avaient éclaté à Qamishli entre l'armée syrienne et des combattants de la milice kurde YPG, qui constitue le fer de lance de la coalition constituée par les Etats-Unis pour lutter contre l'EI.

Les combats ont atteint une toute autre ampleur à Hassaka, où l'aviation de Damas a bombardé pour la première fois des positions tenues par les Kurdes, en accusant ces derniers de chercher à s'emparer de la totalité de la ville.

"Les combats continuent à l'intérieur de la ville", a déclaré samedi un responsable kurde, au lendemain du départ de nombreux habitants des quartiers sous contrôle kurde pour échapper aux bombardements.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), les combats ont fait au moins 25 morts depuis jeudi.

LA TURQUIE COMPTE S'IMPLIQUER

L'ouverture de ce nouveau front pourrait compliquer la lutte contre l'EI en raison du rôle clé joué par les YPG au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui viennent de reprendre aux djihadistes la ville de Manbij, un verrou stratégique sur la route Rakka, la capitale autoproclamée de l'EI en Syrie.

Les Etats-Unis ont de leur côté annoncé vendredi que des avions de l'US Air Force avaient été envoyés à Hassaka pour protéger les forces spéciales américaines au sol et les combattants des FDS. C'est la première fois depuis le début du conflit il y a cinq ans que la coalition semble vouloir s'interposer entre l'armée syrienne et des belligérants.

Les affrontements à Hassaka pourraient aussi avoir des répercussions sur la campagne gouvernementale dans la région d'Alep, où les forces kurdes ont jusqu'à présent fait front commun avec l'armée de Damas face aux rebelles.

D'autant que ces combats ont éclaté quelques jours après l'annonce d'un rapprochement diplomatique entre la Russie, principal soutien militaire du régime de Damas, et la Turquie, qui s'inquiète de voir les Kurdes syriens se constituer un territoire autonome à sa frontière et alimenter les ambitions séparatistes des Kurdes de Turquie.

Les Unités de protection du peuple (YPG) ont des liens étroits avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Turquie et dans le communiqué justifiant ses frappes aériennes à Hassaka, l'armée syrienne a présenté vendredi les YPG comme une branche du PKK.

Sans doute soucieuses d'apaiser les craintes d'Ankara, les FDS ont fait savoir samedi qu'après avoir repris Manbij, elles n'entendaient pas avancer pour le moment en direction du Nord et de Djarablous, dernier bastion de l'EI près de la frontière turque.

De son côté, le Premier ministre turc Binali Yildirim a déclaré samedi que son pays entendait s'impliquer davantage pour trouver une solution à la guerre civile syrienne dans les prochains mois afin d'éviter qu'elle ne dégénère en "conflit ethnique".

"Cela signifie ne pas permettre que la Syrie soit divisée selon des critères ethniques, c'est une question cruciale pour la Turquie", a dit le chef du gouvernement à des journalistes à Istanbul.

Binali Yildirim a ajouté avoir bon espoir que les grandes puissances impliquées dans le conflit (Russie, Etats-Unis mais aussi Iran et pays du Golfe) s'entendent pour trouver ensemble une issue.

(Tangi Salaün pour le service français)