La petite musique est-elle en train de changer sur les marchés ? À la veille de la réunion de politique monétaire de la Fed (FMOC), demain et mercredi, les acteurs des marchés se posent de plus en plus de questions sur le calendrier et le rythme des baisses des taux directeurs américains.
Les dernières prévisions (dots) de la banque centrale américaine à la mi-mars tablaient toujours sur trois baisses en 2024, de 25 points de base chacune, avec une première baisse en juin. La seule certitude partagée sur le marché est que la Fed ne baissera pas ses taux dès juin prochain, alors que ce sera vraisemblablement le cas pour la Banque centrale européenne (BCE). Dans cette hypothèse, ce sera donc la première fois depuis sa création que la BCE prendre une initiative sur les taux directeurs avant la Fed.
Le marché a perdu ses certitudes
Pour le reste, c'est la grande inconnue. « Le consensus sur la baisse des taux de la Fed est complètement en train de changer et il est extrêmement volatil », note un gérant obligataire. « Les marchés ont perdu leurs certitudes », ajoute un autre gérant d'un fonds diversifié. « Le consensus est un très mauvais reflet des positions de marché qui sont devenues aujourd'hui de plus en plus polarisées », confirme Philippe Dauba-Pantanacce, économiste senior chez Standard Chartererd, responsable de la recherche sur la géopolitique mondiale.
De fait, certains qui anticipent un véritable freinage de l'économie américaine au second semestre, comme en témoignent certains indicateurs avancés, restent sur les prévisions des dots, ou au moins deux baisses de 25 points de base. D'autres, à l'autre bout du spectre, face à une inflation persistante, envisagent même une hausse des taux en 2024... !
Un consensus fluctuant
Enfin, entre les deux scénarios, certains économistes misent sur un statu quo en 2024. C'est notamment le cas des équipes de recherche de Société Générale. « Nous avons changé mi-avril notre scénario sur la politique monétaire américaine au regard des derniers chiffres d'inflation. Nous pensons désormais que la Fed ne baissera pas ses taux cette année, mais à partir de mars 2025. En revanche, une hausse relève toujours, selon nous, d'un risque qui est naturellement valorisé par le marché des options », indique Adam Kurpiel, responsable de la stratégie Taux à Société Générale CIB. Le marché des options estime la probabilité d'une hausse des taux de la Fed à 20%, comme l'a relevé le Financial Times la semaine dernière.
Bref, le temps paraît lointain lorsque les marchés tablaient, fin décembre, sur au moins quatre à six baisses de 25 points de base chacune en 2024, avec un cycle baissier dès le mois de mars. Aujourd'hui, le consensus serait plutôt sur une seule baisse de 25 points de base en septembre prochain.
Changement de récit
« Le récit macroéconomique de 2024, celui de la poursuite de la tendance désinflationniste qui conduit à une inflexion des politiques monétaires, est en train de se gripper aux Etats-Unis. Et tous les acteurs des marchés financiers sont en train de réévaluer en conséquence le prix des actifs », observe Philippe Dauba-Pantanacce.
Les anticipations sont d'autant plus difficiles à fixer que les membres du conseil de politique monétaire de la Fed apparaissent eux-mêmes très divisés sur la question. Et celle-ci s'avère d'autant plus délicate que les élections présidentielles américaines de novembre approchent et que la Fed s'est toujours attachée à affirmer sa neutralité politique.
« Si la Fed envisage de baisser ses taux cette année, la seule fenêtre d'opportunité qui reste sera juillet. Après, il sera trop tard pour amorcer une baisse des taux », estime ainsi l'économiste de la banque britannique, qui table sur deux baisses en 2024.
La réunion de la Fed de juin prochain sera déterminante, car elle doit remettre à jour les prévisions macroéconomiques. Si le ralentissement économique se manifeste - le fameux « soft landing » attendu depuis six mois - la banque centrale pourra intervenir sur ses taux. Dans le cas contraire, la décision sera plus difficile à prend, surtout sans s'attirer les foudres du camp républicain.
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