Les PME européennes valent désormais aussi cher qu’avant la crise

Au dernier trimestre 2015, les fusions-acquisitions des PME de la zone euro se sont effectuées sur la base d’une valeur d’entreprise représentant 9,1 fois l’excédent brut d’exploitation, selon l’indice élaboré par Argos Soditic et Epsilon Research. Il faut remonter au second semestre 2006 pour trouver trace d’un multiple aussi élevé.
Christine Lejoux
Fin 2015, le marché des fusions-acquistions de PME avait commencé à rattraper son retard sur le marché mondial et sur celui des méga-deals.

Heureux qui, comme un patron de PME européenne, s'apprête à céder sa société. Les acquisitions de PME de la zone euro se sont effectuées sur la base d'une valeur d'entreprise représentant 9,1 fois l' excédent brut d'exploitation, au quatrième trimestre 2015, selon l'indice publié jeudi 18 février par la société de capital-investissement Argos Soditic et le cabinet Epsilon Research. Ce multiple médian de 9,1 représente non seulement une hausse de 7% par rapport à celui, déjà élevé, du troisième trimestre, mais il constitue également un record qui n'avait jamais été égalé depuis le second semestre 2006, juste avant l'éclatement de la crise des « subprimes » (crédits hypothécaires américains risqués).

A titre de comparaison, la valorisation des PME de la zone euro, définies par Argos et Epsilon Research comme les entreprises dont les fonds propres sont compris entre 15 millions et 500 millions d'euros, était tombée à un plancher de 5,7 au premier semestre 2009, au plus fort de la crise économique et financière. Si les PME de la zone euro valaient si cher en fin d'année dernière, c'est d'abord parce que le marché européen des fusions-acquisitions sur ce segment avait commencé à rattraper son retard sur le marché mondial des M&A (mergers and acquisitions) et sur les « méga-deals », au quatrième trimestre, avec une hausse de 7% en volumes et une envolée de 45% en valeur.

Les fonds toujours aussi prodigues

Ensuite, les fonds de capital-transmission (ou de LBO (Leverage Buy-Out : acquisition par endettement)), à la manœuvre dans un quart environ des fusions-acquisitions de PME européennes, continuent de mettre le prix pour s'emparer de pépites. Au cours des trois derniers mois de 2015, comme au troisième trimestre, ils ont procédé à des acquisitions sur la base d'un multiple médian de 9. Il faut dire que nombre de fonds disposent d'une « dry powder » [capitaux levés auprès d'investisseurs institutionnels mais non encore placés ; Ndlr] très conséquente, et que la faiblesse des taux d'intérêt leur permet de s'endetter à des conditions très avantageuses.

De plus, « un nombre croissant de fonds de dette étrangers, notamment britanniques, arrivent en France, où le marché est moins concurrentiel qu'au Royaume-Uni. Cela représente un afflux de trésorerie supplémentaire », indique Raphaël Bazin, directeur de participations chez Argos Soditic.

Jamais les industriels asiatiques n'ont été aussi présents en Europe

La surprise vient des acquéreurs industriels : alors qu'ils proposaient depuis mars des multiples toujours plus faibles, ils ont payé leurs cibles 9,2 fois l'excédent brut d'exploitation, au quatrième trimestre 2015, soit un bond de 15% par rapport au trimestre précédent. Une prodigalité qui s'explique d'une part par la remontée de 8,5% de l'indice Euro Stoxx TMI Small, les acquéreurs industriels ayant coutume de calquer la valorisation de leurs proies sur celle des marchés actions. D'autre part, les acquéreurs industriels étrangers redécouvrent les charmes de la vieille Europe : ceux issus de pays situés en dehors de la zone euro ont représenté près de 60% du total des acquéreurs industriels, au dernier trimestre 2015. Parmi eux, plus du tiers (38%) étaient nord-américains, la part des Asiatiques s'élevant à 28%, un record. « Les investisseurs asiatiques ont moins confiance qu'avant dans les perspectives économiques de la Chine. Quant aux Américains, ils misent sur la stabilisation de l'économie européenne et sur des niveaux de valorisation moins élevés qu'aux Etats-Unis », décrypte Raphaël Bazin.

Il y a cependant fort à parier que la valorisation des PME européennes ne poursuive pas sur cette lancée, dans les prochains mois. Ne serait-ce qu'à l'aune des turbulences des marchés actions depuis le début de l'année, avec un indice Dow Jones Euro Stoxx 50 en chute de près de 11% depuis le 1er janvier, qui devrait conduire les acquéreurs industriels à se montrer moins généreux. Reste que « les opérations de fusions-acquisitions ont généralement lieu quatre mois après que vendeurs et acquéreurs se sont entendus sur la valorisation de la société », souligne Raphaël Bazin. C'est donc davantage au deuxième trimestre que sur les trois premiers mois de 2016 que la volatilité de la Bourse pourrait se refléter dans l'indice Argos. Lequel avait connu trois années de baisse après son premier pic de 9,1 atteint en 2006.

Christine Lejoux

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Commentaires 11
à écrit le 24/02/2016 à 14:02
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Aux Etats-Unis, la croissance du capital-investissement pourrait avoir un impact negatif sur l'economie a moyen terme http://cestarrivepresdechezvous.com/2016/02/24/existe-t-il-une-bulle-speculative-du-capital-investissement/

à écrit le 23/02/2016 à 8:24
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rassurant , en effet car c'est un facteur economique important , et l'on se plait toujours du manque d'investissement ...; reconnaissons que ,qu'investir pour ne " refaire sa mise " après 9 ans ... meme le livret A fait mieux .

à écrit le 22/02/2016 à 20:54
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En France on n'est pas au facteur 9. Une transaction à 6 ou 7 fois l'EBIT est déjà excellente !

le 23/02/2016 à 8:26
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celà depend des secteurs d'activités .

le 23/02/2016 à 10:22
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@Pat34 22/2 20:54 Je suis très étonné par le ratio de 9 (et même 6 ou 7) ou alors, c'est le plus probable, il y a une incompréhension sur la définition du terme excédent brut d'exploitation. De toute façon, il y a de nombreux autres indicateurs pour...

le 23/02/2016 à 14:01
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@Pat34 "En France on n'est pas au facteur 9. Une transaction à 6 ou 7 fois l'EBIT est déjà excellente !" En France, la gestion est différente : la France est un paradis pour les grands patrons et les grosses boîtes (subventions à gogo, défiscali...

à écrit le 22/02/2016 à 16:53
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Investissements d'avenir : 440 M€ dans trois nouveaux fonds d'investissement: Sur ces 440 M€, un fonds doté de 50 M€ investira au capital de jeunes sociétés qui développent des technologies et des services dans le domaine de la « ville intelligent...

le 23/02/2016 à 8:29
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bobn , c'a va alors ...la France ne va pas etre sa&uvé que par les investissement chinois .

le 23/02/2016 à 13:01
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Le capital-innovation peut dire merci à Bpifrance et aux industriels http://www.latribune.fr/entreprises-finance/20140217trib000815802/le-capital-innovation-peut-dire-merci-a-bpifrance-et-aux-industriels.html ..... "Bpifrance est devenue le leader...

à écrit le 22/02/2016 à 15:48
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Normal non avec tous les billets que la BCE déverse que la monnaie se dévalue et donc que les biens tangibles s'apprécient. mais le compte n'y est pas car avant, l'euro était à 1,4 contre dollar maintenant il est autour de 1,10…

à écrit le 22/02/2016 à 12:15
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Bonne nouvelle !

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