Qui sera le Ryanair de la banque ?

Les nouveaux entrants de la finance doivent s’inspirer de l’approche disruptive et low-cost du dynamiteur de l’aérien, selon le patron de la jeune banque mobile britannique Atom Bank.
Delphine Cuny
Mark Mullen, le cofondateur et directeur général d'Atom Bank, jeudi au Paris Fintech Forum au Palais Brongniart.

La banque est-elle à l'aube d'une révolution de la simplicité low-cost telle que l'aérien l'a connue ces vingt dernières années en Europe, ou les télécoms en France il y a cinq ans ? C'est le pronostic esquissé par l'un des challengers du monde bancaire, Mark Mullen, le cofondateur de la toute jeune Atom Bank, une banque britannique 100% mobile. S'exprimant dans le cadre du Paris Fintech Forum au cours d'un échange avec le directeur général de la Société Générale, Frédéric Oudéa, ce professionnel confirmé de la finance, ancien patron de la banque en ligne First Direct (désormais filiale de HSBC), a dressé cette comparaison audacieuse.

Interrogé sur la concurrence avec les acteurs établis, ce banquier iconoclaste a déclaré trouver son inspiration dans le parcours de la compagnie aérienne irlandaise Ryanair, quand d'autres se voient plutôt en Uber de la banque.

« Il y a vingt ans, Ryanair c'était un avion et une destination. Comment a-t-elle su percer sur ce marché totalement banalisé ? Ryanair a su changer les attentes et la dynamique du secteur. A condition de ne pas tuer le client, donc de le protéger, elle a démontré que le consommateur est prêt à des compromis en échange d'un bon prix, d'un rapport qualité-prix radicalement meilleur. La Fintech qui réussira saura foncièrement remettre en cause les postulats et être non pas 10% mais 90% moins chère ! »

Frissons et rires un peu nerveux dans la salle.

Modèle digital low-cost

On enlève le superflu, on simplifie la grille tarifaire à l'extrême, on facture tout ce qui est en plus, sans transiger, bien sûr, sur la sécurité - des personnes dans un cas ou des dépôts de l'autre - première responsabilité d'un transporteur et d'une banque. Le parallèle n'est pas si incongru. Les consommateurs ont fait confiance à Ryanair, pourquoi n'iraient-ils pas confier leurs économies à un acteur régulé aux prix serrés et au service légèrement dégradé, mais accepté comme tel ?

Atom Bank, qui détient une licence du régulateur bancaire britannique, a lancé en octobre un compte d'épargne rémunéré, aux tarifs lisibles et avantageux grâce à son modèle digital à bas coûts, sans agence (tout est fait par téléphone, par tchat, par email, l'authentification par biométrie, etc). Son démarrage a été pour le moins prometteur puisqu'elle a collecté plus de 130 millions d'euros en quelques mois. Elle propose aussi des prêts aux PME, du crédit immobilier en tant qu'intermédiaire, et bientôt des comptes de dépôts classiques et des cartes de débit.

Cette banque nouvelle génération, qui joue la carte de la simplicité et du fun à la mode réseaux sociaux, sera-t-elle le dynamiteur du secteur, aussi low-cost que Ryanair ? Dans une approche résolument disruptive à la Free Mobile ? Le discours d'Atom Bank, qui a la banque BBVA à son capital, n'est pas aussi agressif que ceux de Michael O'Leary ou Xavier Niel et tous ses tarifs pas encore connus. Et à la différence de Ryanair, la banque mobile dit avoir l'obsession de l'expérience client, ce qui se traduit par une personnalisation très poussée de l'appli (logo, couleur et nom : "la banque de Lucy").

Pour l'instant, les startups de la Fintech tentent le quasi tout gratuit avec des options payantes et des versions premium par abonnement (voir N26), tout en sachant qu'elles risquent de s'essouffler dans une course aux volumes et à la taille critique. Interrogé sur l'éventualité d'un rachat - à l'image de l'allemande Fidor, par le français BPCE - le patron d'Atom Bank a semblé écarter cette idée :

« Si votre motivation est de gagner de l'argent et partir, d'accord, mais vous ne contribuez pas à changer la banque et résoudre ses défauts essentiels pour les consommateurs, c'est ce qui me passionne. »

Désagrégation du modèle de banque universelle ?

Ces défauts, ce sont notamment la tarification peu transparente, « reposant sur un seul bilan », dans le modèle de banque universelle, où certains produits ne sont pas rentables. Ce bon connaisseur du secteur de l'intérieur a mis en garde les acteurs établis sur les "inefficiences" du système :

« Il est interdit de vendre à perte de l'alcool au Royaume-Uni, mais pas un produit financier : cela devrait être illégal, car sinon cela veut dire que quelqu'un paie pour vous, pour ce cadeau », comme on a pu le constater dans la téléphonie mobile avec la séparation de l'abonnement et du téléphone et l'émergence des offres sans engagement.

« Il faut pouvoir gagner de l'argent sur un seul produit, sur chaque produit. Sinon les agrégateurs de comptes et les applis de gestion des finances personnelles vont désagréger le modèle des banques. Il y a un moyen de gagner de l'argent de façon plus honnête et de devenir plus efficace. »

Delphine Cuny

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Commentaires 3
à écrit le 28/01/2017 à 9:16
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Tant que le cadre législatif ne sera pas plus strict comme avec l'exemple de la "néobanque Morning" qui a pu se servir impunément sur le compte de cantonnement fonds clients réputé "intouchable" et ne garantira pas les dépôts des clients comme dans ...

à écrit le 26/01/2017 à 18:32
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"Pourquoi les banques vont (et doivent) mourir" à lire... https://medium.com/@gwen__lynn/pourquoi-les-banques-vont-et-doivent-mourir-e5406c9713d3#.bn26ghh0h

à écrit le 26/01/2017 à 15:55
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Le pire, et on l'a vu maintes fois avec les Madoff et consorts, c'est que les gens, par appât du gain, sont prêts à confier des sommes phénoménales à des banques virtuelles, alors qu'ils ne donneraient pas 2 euros à un mendiant dans la rue ! Il faut ...

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