"La France ne pouvait pas faire Ariane 6 sans les Allemands" (Geneviève Fioraso)

A la veille d'une conférence ministérielle de l'Agence spatiale européenne (2-3 décembre), la ministre en charge de l'espace Geneviève Fioraso se dit confiante dans une interview accordée à La Tribune pour le lancement d'Ariane 6. Paris a trouvé un accord avec Berlin pour lancer le programme de lanceur européen.
"La mission Rosetta est l'une des meilleures armes antipopulistes : c'est l'Europe de l'excellence qui tire vers le haut" (Geneviève Fioraso, secrétaire d'Etat en charge de l'Espace).

Rosetta est un succès incroyable. Quels sont les enseignements que vous en tirez ?
Trois enseignements ! Le premier, c'est que Hubert Curien (ministre de la Recherche et de la Technologie en 1984-1986 puis 1988-2003, ndlr) a eu une intuition formidable de faire de l'espace un dossier européen avec l'Agence spatiale européenne (ESA) et donc de pousser les compétences françaises à travers l'Europe. Le second c'est que Rosetta démontre que la France, en s'appuyant sur ses organismes de recherche, son agence spatiale, le CNES, son opérateur Arianespace, ses industriels, peut être fer de lance des meilleurs talents d'Europe du spatial tant sur le plan scientifique qu'industriel. Pour saluer l'exploit européen de Rosetta, la Nasa a félicité l'ESA. Rosetta a peut-être été moins spectaculaire que les premiers pas de l'homme sur la Lune mais elle est au même niveau quand on connait la prouesse scientifique et technologique de cette mission.

La France est-elle condamnée à jouer collectivement dans l'espace ?
Il ne faut surtout pas jouer tout seul parce que ce n'est pas la bonne échelle. Quand l'Europe s'unit, elle peut faire de grandes choses. Et pour le faire, il faut être Européen car c'est la bonne taille critique. La France ne perd donc pas son âme quand elle est européenne. Au contraire, une mission comme Rosetta valorise les atouts de la filière spatiale française, fondée sur l'excellence scientifique du CNES et de ses partenaires de recherche publique comme sur celle de ses industriels. Elle est même l'une des meilleures armes antipopulistes : c'est l'Europe de l'excellence qui tire vers le haut.

L'opinion publique a d'ailleurs beaucoup suivi cette opération...
... Le public du monde entier, quel que soit son niveau de culture scientifique, s'est passionné pour la mission Rosetta même s'il n'a pas compris toutes les performances scientifiques dans leurs détails. Pourquoi ? Chacun s'interroge sur les origines de l'homme, l'espace fait rêver. Google ne s'y est pas trompé en mettant Philae sur sa page d'accueil. L'espace a besoin de temps et de constance pour tenir ses promesses. C'est pour cela qu'il faut pérenniser dans la constance les investissements de moyen et long terme dans l'espace. Il ne faut surtout pas lâcher, même dans les périodes de contrainte budgétaire. Il faut donc continuer à investir dans des domaines de recherche fondamentale, et l'espace en fait partie. Il y a un apport et une complémentarité indispensables.

Pas facile en période de crise d'investir dans la recherche fondamentale.
C'est mon troisième enseignement. Il ne faut pas opposer recherche technologique et recherche fondamentale. Rosetta est le meilleur exemple de la rencontre de la technologie et de la recherche scientifique fondamentale au plus haut niveau. Concrètement les astrophysiciens ont travaillé sur la mission Rosetta avec des informaticiens, des électroniciens, des spécialistes de l'optronique, des matériaux...  La technologie accélère la science fondamentale et la recherche fondamentale stimule la technologique.

Les hommes politiques ont-ils retrouvé le goût du spatial ?
Oui. Mais l'avaient-ils vraiment perdu ? Je ne crois pas. En tout cas, il est bien réel. A titre d'exemple, l'Espagne, qui est dans une situation économique contrainte, veut s'engager davantage pour la prochaine ministérielle de l'ESA. Tout le monde a bien compris les enjeux. Et « quand il y a une volonté, il y a un chemin ». Ce qui me fait plaisir, c'est que l'espace est redevenu une aventure partagée par tout le gouvernement, au plus haut-niveau, ce qui n'était plus le cas en 2012. Depuis que  François Mitterrand est allé à Kourou, plus aucun chef d'Etat n'était allé en direct assister à une aventure spatiale. Avec le CNES, nous avons convaincu le Président de la République, François Hollande, de venir à la cité des sciences pour l'atterrissage de Philae. C'était risqué. Bien plus qu'un vol d'Ariane. François Hollande est venu. On sent qu'il y a à nouveau un engagement réél et une forte motivation des politiques pour l'espace, dans ses différentes dimensions : souveraineté, avancées scientifiques, technologiques et industrielles.

Aujourd'hui, l'Europe peut-elle mettre 1,3 milliard d'euros sur un défi de l'ampleur de Rosetta dans une période où les budgets sont contraints ?
Mais Rosetta a coûté à la France 14 millions d'euros par an depuis le début de la mission, en 1996. Il faut relativiser. Le ministère de la Recherche gère des budgets récurrents plus importants. Ce qui compte c'est la constance des investissements et des partenariats. Il faut garder cette capacité d'investir dans de grands défis. Le temps des chercheurs est un temps long, forcément long. Nous préparons aujourd'hui l'avenir mais il n'est pas totalement prédictible. Quand la Nasa lance en partenariat avec l'Agence spatiale européenne le programme Orion, un véhicule d'exploration spatiale, y compris dans le grand espace, l'Europe et la France préparent l'avenir. Pourquoi la Nasa a-t-elle choisi une entreprise comme Airbus Defence and Space pour contribuer à ce grand programme? Parce que l'Europe, via l'ESA, a développé et réalisé avec succès le programme ATV,  qui assure le ravitaillement de la station spatiale internationale (ISS). Ces véhicules spatiaux étaient les plus sophistiqués au monde. L'Europe a acquis une expertise ces dernières années qu'il faut absolument préserver. C'est pour cela qu'il faut se projeter dans l'avenir. Et les missions institutionnelles ont toute leur place, j'en suis convaincue, aux côtés des activités spatiales commerciales (télécoms).

Quels sont les prochains défis ?
Nous sommes aujourd'hui dans la dimension des exo planètes. Avec la grande exploration spatiale, les nouveaux défis sont là. Et ce ne sont pas seulement des questions scientifiques, politiques, de souveraineté ou encore de prestige des Etats, ce sont également des questions quasi métaphysiques, qui touchent tout le monde. Ces grands projets nous renvoient à nos origines, à la possibilité de vie ailleurs que sur la Terre, font rêver et réfléchir. La France s'engage. Elle y va parfois avec des partenaires internationaux, les Russes, aujourd'hui les Américains, demain l'Asie, parce qu'il faut être à la fois international et fort avec à l'échelle de l'Europe. Il ne faut pas jouer tout seul, ce n'est pas l'échelle pertinente.

La prochaine réunion ministérielle est-elle capable de lancer un tel défi ?
Nous avons déjà des programmes en cours de cette ampleur. On va bien sûr évoquer l'ISS. Je refuse d'être dans l'état d'esprit, selon lequel « hier, c'était mieux ». Ce n'est pas parce que l'on travaille davantage en partenariat avec l'industrie que c'est moins bien ou que l'on abandonne nos ambitions régaliennes, scientifiques ou institutonnelles. Il y a de nombreuses aventures en cours, dont Galileo, le grand GPS européen qui sont de véritables défis scientifiques, technologiques, industriels. Pour réussir ces défis, qui ont un impact scientifique et économique, il faut non seulement des moyens mais surtout de l'ambition et de la constance dans les efforts.

Justement Galileo, c'est compliqué...
Ce n'est pas une raison pour ne pas s'y engager. Au contraire. Le risque zéro n'existe pas, même si, dans le spatial, compte tenu des investissements, tous les dispositifs de sécurité sont poussés au maximum.

Galileo est-il aujourd'hui un échec ?
C'est un projet très ambitieux. Il y a des difficultés mais une partie de la constellation était prévue comme satellites de réserve en cas de problème...

... Mais il en manque déjà au moins 6 satellites
Nous n'avons pas complètement perdu les deux derniers satellites : ils envoient des données même s'ils ne sont pas sur la bonne orbite. Ce n'est pas forcément en adéquation avec les objectifs initiaux mais ils ne sont pas inutiles et nous donneront des informations précieuses. S'agissant des satellites de validation en vol et d'une façon générale, il est encore trop tôt pour tirer un diagnostic. Mais nous allons y arriver. Il faut persévérer sur ce type de projets très ambitieux et apprendre à rebondir après des difficultés. Nous n'allons pas abandonner maintenant. Les agences spatiales et les scientifiques doivent faire au préalable un point précis, stabiliser la situation et indiquer la feuille de route. A ce moment-là, la Commission européenne validera ou pas. J'ai confiance dans ce programme.

En revanche, il y a un projet sur les rails semble-t-il, c'est Ariane 6. Comment avez-vous convaincu l'Allemagne de se lancer sans passer par Ariane 5 ME ?
Cela fait plusieurs mois que nous parlons régulièrement avec mon homologue, Brigitte Zypries, et moi pour avancer ensemble vers une solution convergente. Deux arguments l'ont convaincue. Le premier, c'est la concurrence internationale qui s'accélère, ce qui implique que nous n'avons plus le temps de prendre des chemins de traverse. Il faut aller droit au but. Et droit au but, c'est Ariane 6. Car il faut aller tout de suite vers le lanceur le plus compétitif, le plus modulaire et le moins cher. Le second argument, c'est la fiabilité de la feuille de route. Elle a fait l'objet d'une convergence, d'une co-construction entre les agences et les industriels mais pas d'un chèque en blanc. C'est la première fois qu'un programme de lanceur fait l'objet d'une co-construction entre les agences, les industriels et les utilisateurs. Pour réussir Ariane 6, j'ai toujours tenu des discours européens et politiques. Parce que la technique est importante mais in fine, ce qui emporte l'adhésion, c'est bien la vision politique commune.

Pourquoi cette feuille de route est-elle la plus fiable ?
Le programme Ariane 6 tel qu'il est défendu par la France est le mieux à même de faire face à la concurrence internationale qui s'est accélérée. Il offre moins de ruptures technologiques que la solution qui avait précédemment été proposée par les agences, le PPH. Avec le PHH, nous sommes dans une configuration validée. Les technologies utilisées par la propulsion sont connues et déjà expérimentées. En outre, les retours industriels sont plus équilibrés au niveau qualitatif entre la France et l'Allemagne. Nous sommes davantage dans un partage. Ce qui est normal, puisqu'au niveau européen, la France et l'Allemagne investissent à peu près des montants équivalents dans l'ensemble des projets portés par l'ESA. Il y a un socle franco-allemand : la France ne pouvait pas faire Ariane 6 sans les Allemands, ni sans le soutien des autres pays européens, bien entendu. En outre, il fallait, comme le demandait l'Allemagne, une intégration industrielle plus importante, une prise de risques plus grande des industriels - les deux tiers du marché relèvent du secteur commercial et un tiers de l'institutionnel. Quand les deux tiers du marché proviennent du marché commercial, il est normal que l'industrie prenne plus de risques. Et si elle prend davantage de risques, il est normal qu'elle participe davantage à la conception et qu'elle partage la stratégie.

L'autorité de conception est-elle confiée aux industriels ?
Il y a une démarche partagée. Les agences vont définir les spécifications de haut niveau et les industriels auront plus de marge dans la manière de mettre en œuvre et de répondre à ces spécifications. Pour faire simple, l'ESA garde la coordination générale, fixe les grandes lignes, parle au nom des Etats membres et ensuite les industriels s'engagent sur des objectifs... qu'ils s'engagent à tenir. Chacun est dans son périmètre de responsabilités. Enfin, la société commune proposée par Airbus Defence and Space et Safran pour les lanceurs augmente la fiabilité de la feuille de route. Elle permet une meilleure intégration industrielle ainsi qu'une meilleure cohérence et cohésion industrielle.

Et l'Allemagne a été convaincue...
... J'ai fait valoir à mon homologue allemande que tous les prérequis demandés par l'ESA et voulus par l'Allemagne avaient été pris en compte. La France a fait plusieurs pas en direction de l'Allemagne en modifiant la solution initiale PPH, en faisant en sorte que les industriels s'engagent vers plus d'intégration tout en partageant davantage les risques. Tous les pas ont donc été faits en direction de l'Allemagne. Il devait ensuite y avoir des pas de l'Allemagne en direction de la France. Cela a été fait dans un esprit résolument européen, avec l'ensemble des Etats membres.

Finalement l'opposition allemande n'était qu'une opposition tactique pour obtenir beaucoup plus de charges de travail ?
Je ne le crois pas. C'était vraiment une prudence, une crainte et un besoin d'être rassuré avant d'aller directement vers Ariane 6. D'autant que ce qui avait été décidé à la ministérielle de Naples était de passer par Ariane 5 ME. Les Allemands ne voyaient pas ce qui justifiait le changement de feuille de route. Ils estimaient que l'on prenait trop de risques. La rapidité accrue de la compétition internationale notamment américain, avec un soutien public très important par la NASA a infléchi leur position. Il convenait de les rassurer sur le plan technique. Leurs questions ont été formalisées et l'ESA a apporté des réponses précises, de nature à rassurer. Nous avons donc fait une ministérielle informelle supplémentaire pour parvenir à un accord. C'est ce que j'avais indiqué à ma collègue Brigitte Zypries : « on fera autant de ministérielle informelle qu'il le faudra pour arriver à une décision commune en décembre ». Il y avait une détermination, pas seulement de la France mais de l'ensemble des Etats membres. Il y avait un front uni, une volonté commune d'apporter une réponse européenne forte à la concurrence internationale. C'est cette volonté qui a fini par emporter l'unanimité.

Mais les Allemands ont quand même récupéré de la charge...
... Mais ils l'auraient eue. A partir du moment où la solution technique avec PHH a été proposée, nous savions que OHB allait récupérer de la charge de travail. En Allemagne, ce n'était pas complètement homogène non plus. La DLR qui avait participé aux travaux de cet été, était plutôt favorable. C'était plutôt du côté du BMWI où s'exprimaient les réticences les plus fortes. Nous avons emporté la décision politiquement grâce à Brigitte Zypries en accord avec le ministre allemand Sigmar Gabriel, dont elle est proche. Et nous sommes arrivés le 13 novembre à une orientation favorable à Ariane 6.

Comment les pays se répartissent le programme Ariane 6?
Nous ne pouvons pas encore donner les pourcentages de répartition. Il y aura encore une marge de négociations à la ministérielle, mais la situation n'est pas bloquée contrairement à la dernière ministérielle de Naples. Les participations seront du même ordre, même si des ajustements sont encore en cours.

Est-ce que la montée en puissance de l'Allemagne s'est-elle faite au détriment de l'Italie ?
Non pas du tout. Les Italiens sont très motivés.  Mon homologue italienne a toujours été un soutien sur ce projet européen. Tout comme la ministre espagnole.

Même si vous avez convaincu les Allemands, ils ont obtenu un point d'étape à mi-2016. Est-ce qu'il peut y avoir un blocage pour Ariane 6 ?
Ce n'est pas spécifique à ce projet. C'est toujours le cas pour les grands projets. Cela me parait normal qu'il y ait des points d'étape pour de tels investissements, publics et privés. Il y a effectivement un « go-no go » en 2016 mais la décision politique sera prise à Luxembourg.

Si le projet n'est pas aussi mature que vous le pensiez, le programme peut-il s'arrêter en 2016 ?
Il y a une règle des deux tiers à l'ESA. Il faudrait que les deux tiers le décident pour arrêter un programme. La France a déjà 50 % sur ce programme. C'est un point d'étape nécessaire et utile pour faire un bilan au bout de deux ans. Nous ne faisons pas de chèque en blanc et il n'y aura pas de faiblesse de la part des Etats. Nous sommes dans une position plus claire, plus forte et plus déterminée que jamais. Cela s'appelle de la coopération bien comprise. Toute aventure industrielle comporte toujours une part de risques. C'est la nature même de l'aventure scientifique et industrielle. C'est cela que l'on avait du mal à faire comprendre à nos partenaires allemands qui voulaient avoir une assurance sur tout. Il y aura des risques même après le premier lancement, comme dans tout projet ambitieux et innovant.

Vous avez gagné...
Il faut attendre le 2 décembre mais je suis raisonnablement optimiste. C'est l'Europe qui est gagnante, sa souveraineté, son industrie, avec des emplois à la clé. On a davantage anticipé qu'en 2012. Et nous sommes bien plus avancés que la dernière fois, où la conférence n'avait pas été anticipée par mes prédécesseurs.

Sur la société commune Airbus et Safran, quels sont ses droits et devoirs ?
La répartition des responsabilités entre l'ESA et les industriels est en train d'être formalisée. Il y aura un Memorandum of Understanding (MoU) sur les principes de gouvernance entre l'ESA, les industriels en tant qu'autorités sur les lanceurs et le CNES en tant qu'autorité de conception sur le segment sol.  Tout sera formalisé : les interfaces, la définition des interfaces, les modes de contrôle, les modes de suivi, le partage des risques en cas d'échec, les paiements, qui seront débloqués après franchissement de livrables technologiques. Il n'y aura pas de micro-management de projet. L'ESA gardera une vision globale pour les Etats membres sur l'ensemble du projet et sera l'autorité de contractualisation des développements, l'industrie deviendra maître d'œuvre du lanceur et le CNES, maître d'œuvre du pas de tir en concertation avec Arianespace.

Qui est responsable en cas d'échec lors d'un lancement ? Qui décide des modifications des spécifications du lanceur ?
Dans le cas hypothétique d'un échec, il y a un partage des risques selon les responsabilités de chacun. Sur les éventuelles modifications du lanceur, si les agences décident en cours de route de changer les spécifications de haut niveau, ce sera d'abord une décision qui sera prise avec les Etats membres. Les Etats membres devront assumer le changement. Mais nous n'en sommes pas là et nous n'avons pas de raison de penser que cela arrivera. S'il y a des modifications faites par la maîtrise d'œuvre, ce sont les industriels qui assument. Nous sommes dans une époque où il n'y a plus d'acceptation du risque. Ce n'est pas une bonne chose. Il faut naturellement mettre tous les garde-fous possibles. C'est ce que nous faisons. Aucun chèque en blanc n'est donné ni d'un côté ni de l'autre. Il n'est pas question de privatiser le spatial comme je le lis parfois. Nous ne déléguons pas une ambition spatiale aux industriels. Nous avons besoin d'eux et ils ont besoin de nous. Nos sorts sont liés, la filière étant duale.

Mais vous ne pouvez pas occulter qu'il y ait un malaise dans toute la filière...
... Le projet Ariane 6 devrait au contraire créer un enthousiasme. L'enjeu c'est la sauvegarde de la filière lanceur et des compétences associées, dans l'industrie et la recherche. Mais le marché nous oblige à évoluer. Comme dans tout changement, des craintes peuvent s'exprimer. Les salariés ont besoin d'être rassurés. Nous sommes dans une situation où tout le monde reconnait que la solution choisie assure l'avenir de la filière des lanceurs. Tout cela doit être partagé, expliqué.

Ce qui n'a pas été fait...
... On avance en marchant. Tout changement suscite des questions et chacun joue son rôle, y compris les syndicats. C'est tout à fait normal. Il faut rassurer, dire ce que l'on fait et pourquoi on le fait.

Allez-vous garantir cinq lancements institutionnels ? Est-ce possible ?
Cela fait partie de l'accord.

Mais cinq lancements institutionnels, cela parait énorme...
Ce sont les ordres de grandeur entre l'ESA, Eumetsat, la commission et les Etats membres. Nous avons pris des ordres de grandeur réalistes. Le nombre de lancements institutionnels annuels pour Ariane 6 ne sera pas augmenté par rapport à aujourd'hui pour atteindre cet objectif chiffré. Mais cela veut également dire, tacitement, que chacun pays membre accepte le principe d'une préférence européenne.

Mais ce n'est pas obligatoire...
On ne peut pas écrire obligation à cause des règles européennes. Mais préconiser la préférence européenne est déjà un signe fort.

L'Allemagne a déjà lancé des satellites avec SpaceX. Est-ce que se sera suffisant ?
Soyons européens. Si nous ne sommes pas la carte de l'Europe, nous fragiliserons et in fine, perdrons la filière des lanceurs européens. Et au-delà, nous perdons notre avantage compétitif en matière de télécoms, en matière d'accès aux données scientifiques, environnementales, climatiques et en matière de sécurité et de défense.

Quand Arianespace va-t-il rejoindre la société commune ? Et le CNES ?
J'ai rencontré des salariés de la direction des lanceurs du CNES à la Cité des Sciences de la Villette lors de l'atterrissage de Philae. Ils n'étaient opposés au projet. Personne n'a compris que la DLA allait déménager ou être absorbée. Ce n'est pas du tout l'état d'esprit. Ils ont bien compris qu'il y aurait des compétences et des expertises qui seraient peut-être sollicitées. Mais personne ne sera contraint. Les choses vont se faire progressivement. Quant à Arianespace, elle n'est pas concernée par la première étape de la société commune. Mettons déjà en œuvre la première étape et on verra ensuite pour la deuxième étape. Allons-y pas à pas. Je pense que la nouvelle gouvernance sera beaucoup plus simple et cohérente.

Estimez-vous que la France garde une ambition spatiale ?
Elle existe, cette ambition, et elle est forte. Nous n'avons pas baissé les moyens. Le budget public de l'espace s'élève à 2 milliards d'euros par an principalement financé par le secrétariat d'Etat à la recherche (1,5 milliards d'euros) avec une contribution complémentaire de la défense pour cette filière duale. La volonté politique est bien là. Ce Mais ce n'est pas seulement une question de moyens. Quand je suis arrivée, en 2012, l'argent était là mais il n'y avait pas de cohérence et de cohésion dans la filière spatiale. J'ai donc réuni l'ensemble de la filière, publique et privée, dans un conseil commun, le Cospace, pour mieux coordonner la filière. C'est le rôle de l'Etat. Jean-Yves Le Drian et Emmanuel Macron étaient à mes côtés au dernier Cospace. C'est important de jouer collectif. Au niveau européen, c'est pareil. C'était de ma responsabilité de construire un collectif solide. Cette mission est au moins aussi importante que le maintien des moyens. Ce que le contexte nous incite à faire, c'est d'optimiser les crédits.

Pensez-vous que les femmes sont bien représentées dans les métiers de l'espace ?
Non et la situation doit évoluer. Je voudrais lancer un appel pour que les jeunes filles se dirigent davantage vers les professions de l'espace. Ce n'est pas normal que les filles, qui sont davantage plus nombreuses à obtenir des bacs scientifiques, avec un meilleur niveau que les garçons, s'orientent majoritairement vers les sciences de la vie, la biologie, la chimie et les professions de santé quand elles choisissent des carrières scientifiques. Elles ne vont pas suffisamment vers les maths, la physique, l'espace, l'astrophysique... c'est dommage !. D'ailleurs La mixité des équipes est toujours un « plus ». C'est plus productif, plus créatif.. J'ai lancé remis récemment le prix Irène Joliot-Curie qui est financé par l Ministère et la fondation Airbus, qui a lancé tout un programme pour amener les femmes à des postes à responsabilité dans l'aéronautique et l'espace. L'un de ses dirigeants, Marwan Lahoud, me confiait récemment : « Quand on lance des offres d'emplois,  les hommes ou les jeunes hommes répondent quand ils remplissent 50 % des prérequis, les femmes attendent d'être à 130 % ». Les femmes sont toujours à plus de 100 % des prérequis. Cela relève d'un problème de manque de confiance. L'exemplarité doit jouer. Si elles sont davantage présentes dans des filières, comme le spatial à des postes de responsabilité, cla restaurera la confiance. De plus, les femmes coopteront davantage les femmes. Il faut soutenir toutes les initiatives stimulant l'accès des femmes aux professions scientifiques, en particulier dans l'espace.

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Commentaires 15
à écrit le 09/12/2014 à 15:51
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Les allemands par ci les allemands par la !!! mais ou est De Gaulle ? Les europeens nous disent maintenant ce que l'on doit faire ! mais qu'ils nous rendent d'abord le pognon qu'ils nous piquent pour financer la production allemande ! merci la fr...

à écrit le 05/12/2014 à 18:07
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Arrêtez de vanter l’Allemagne,ce n'est pas un exemple les français vivent mieux ,et notre modèle est plus humaniste,on ne privilégie pas la haute néo bourgeoisie de la CDU .Elle va se rendre compte que son rêve de l'est est un mirage qui va lui coûte...

à écrit le 04/12/2014 à 21:24
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l'ingenierie et la technique elles sont a 70% allemande!

à écrit le 02/12/2014 à 7:58
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Bonjour, Aujourd'hui le programme spatial Ariane est financé à 60% par la France et l France compense en plus à chaque fois qu'un partenaire ne peux pas payer. Concernant l'ingénierie et la technique elles sont à 80% française et la mise à dispositi...

à écrit le 01/12/2014 à 23:33
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Les Allemands ont les thunes, et nous que du Bla bla bla, et une certaine autosuffisance a nous proclamer porteur du projet sans un kopec !!! Nous n'avons plus les moyens de nos ambitions c'est ainsi !!

à écrit le 01/12/2014 à 18:50
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C'est bien l'Europe de la coopération qui avance et permet la réalisation de projet. Et non l'Europe supranationale de Bruxelles. Quant aux allemands, constamment tournés à l'Est vers leur lebensland, ils sont mauvais ( eh oui M-A-U-V-A-I-S) dan sle ...

le 01/12/2014 à 22:01
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quand on n'est pas capable de se défaire de ses idées recues, il vaut mieux de garder son vénin pour soi

à écrit le 01/12/2014 à 13:07
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Oui Ariane 6 est un prolongement de la 5 et n a rien a voir avec 5 ME, la seule concession faite aux Allemands et le carburant qui restera liquide car ils n avaient pas les compétences pour le solide et une charge plus importante pour leur nase spati...

le 02/12/2014 à 21:02
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Les allemands des nases ah bon ! Qui a inventé le V2 , avion à réaction ........

le 30/12/2018 à 3:12
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@rosa Obligé de remonté il y'a 70 ans en arrière pour justifié les compétences allemandes.. et ben,vous savez le monde à évolué entre temps ? On est plus à des chars super blindé comme le tigre hein et les épaves volantes allemands non plus ? L'armée...

à écrit le 01/12/2014 à 11:05
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Hourrahhh ! (ça va passer?) Quelle bonne idée !! (merci)

à écrit le 01/12/2014 à 9:44
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Il faudra autorisation pour faire du feu de cheminée .... mais pour les fusées pas de soucis ! La réalité dépasse la fiction !!!!!!!!!!!!!

à écrit le 01/12/2014 à 8:48
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Merci à l'ESA de nous faire rêver. On attend Exomars avec impatience!

à écrit le 01/12/2014 à 7:28
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Les allemands payent donc ils commandent. Le nouveau projet est une Ariane 5 améliorée, donc Ariane 5 ME (encore un peu modifié) qu'on va appeler Ariane 6 pour que tout le monde est content.

le 02/12/2014 à 19:13
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Donc si un riche demain te demande de te mettre à poil dans la rue, tu le feras, car il paye donc il commande ?

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